• 03. Comment développer le Saguenay-Lac-Saint-Jean d'un point de vue géo-économique? (31/10/10)

     

    Depuis une ère de quatre décennies de prospérité de 1942 à 1981, la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean est actuellement en déclin social et économique. Il y a un énorme exode rural des jeunes générations vers les grandes villes, la population a baissé de 286,159 habitants en 1991 à 274,919 habitants en 2008. La variation de l’emploi est très faible et est située entre 14% à Alma et seulement 7,5% dans la ville de Saguenay. Le taux de chômage est assez élevé autour de 13,7% en 2001 avec une moyenne provinciale de 8,2%. L’innovation est également très faible avec un capital de créativité de seulement 11% pour Dolbeau-Mistassini par exemple. En ce qui concerne le salaire hebdomadaire, celui est de 707,25 dollars canadiens en 2009 tandis que la moyenne québécoise est de 737,76 dollars canadiens. En regardant les statistiques de plus près, on remarque que la différence entre la moyenne salariale provinciale et celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean augmente rapidement et a plus que doublé entre 2005 et 2009. En plus, la différence salariale entre les deux sexes est assez élevée pour la région: en 2007, une femme avait un salaire hebdomadaire moyen de seulement 500,49 dollars canadiens face à un salaire de 814,80 dollars canadiens des hommes, tandis que la moyenne provinciale indiquait une différence en bas de deux cents dollars canadiens. Ce contre-cycle actuel risque de se poursuivre et mener à des grandes difficultés économiques et sociales. Le cas de Cathy Gauthier vers le début de l’année 2009, impliquée dans la mort de ses trois enfants et le suicide de son mari et qui ne voyait pas un autre chemin que la mort collective pour affronter leur misère financière, démontre à quel point des problèmes économiques et sociaux peuvent affecter la vie familiale et les valeurs humaines. La question est d’abord comment on peut redémarrer l’économie et la vie sociale dans la région. Comment est-ce que le Saguenay-Lac-Saint-Jean peut-il devenir un pôle de développement nordique, se créer une nouvelle identité et sortir de la crise? Je vais essayer d’illustrer quelques idées et mentionner au début des points positifs et négatifs dans la région, spécialement par rapport à la ville de Saguenay. Par la suite, je vais parler de l’investissement dans des structures déjà existantes, donc d’un aménagement plutôt interne et ensuite d’une nouvelle identité nordique et une ouverture sociale et économique vers le nord du Québec, un aménagement plutôt externe.

    En ce qui concerne l’aménagement interne, il y a de nombreux points positifs et négatifs. Commençant par le côté positif, on peut constater que la région est bien située dans la nature et en même temps pas loin des grands marchés, qu’il y a une énorme paix sociale et un faible taux de criminalité et que l’oasis nordique a un hiver rigoureux, mais aussi un bel été qui permet une agriculture quand-même assez vaste. La région a la vocation d’être munie de bons travailleurs. La ville de Saguenay dispose d’une très bonne infrastructure, possède un grand hôpital, deux commissions scolaires d’écoles secondaires, deux cégeps et une université. Des ports à eau profonde comme à La Baie, des routes vers Tadoussac, Alma, la ville de Québec ou Baie-Saint-Paul et l’aéroport de Bagotville centralisent la ville comme un pôle nordique central. La ville est munie d’une dualité urbaine-rurale qui lie des villes industrielles comme Jonquière avec l’usine Arvida de l’Alcan avec des villages florissants comme Shipshaw. En ce qui concerne la culture, le centre des langues attire beaucoup d’immigrants dans la région et des festivals tels que celui des « Rhythmes du monde», «Jonquière en musique» ou encore le «festival forester de Shipshaw» attirent de nombreux visiteurs.

    En ce qui concerne les points négatifs, il y a un manque important d’entrepreneurs, de financeurs et de chercheurs qui ont le goût d’investir dans la région. Il y a des zones économiques primaires et secondaires, mais très peu de développement dans les secteurs tertiaires et quartenaires. Le rythme régional d’adaptation au marché mondial et à la globalisation est beaucoup trop lent et l’économie régionale est peu diversifiée au niveau industriel et peu engagée dans l’ère postindustrielle. Socialement, il y a un grand désintérêt politique avec un taux très faible de participation aux élections. En manque d’alternatives, Jean Tremblay, maire de Chicoutimi depuis 1997 et maire de la ville de Saguenay fusionnée depuis 2002, est incontestablement au pouvoir régional depuis treize ans déjà et le sera encore au moins pendant presque quatre ans après les élections en novembre 2009. Le point négatif le plus important est par contre selon moi le manque d’innovation dans la région, car l’économie ne se concentre presque que sur l’aluminium, le bois et le développement agroalimentaire.

    Selon moi, il faudrait en premier investir dans les structures déjà existantes pour créer de nouveau emplois et une nouvelle dynamique sociale et économique avant de travailler sur la vocation du pôle de développement nordique. J’aimerais nommer plusieurs exemples industriels, infrastructurels et culturels.

    En ce qui concerne l’aspect industriel, la ville devrait plus investir dans le projet du terminal maritime de Grande Anse, le projet d’importation de gaz naturel liquéfié semble attirer peu de progrès économique visible, la population et les médias en parlent peu. En ce qui concerne l’usine Arvida de l’Alcan, celle-ci a pu plus que doubler sa productivité, mais avec les progrès technologiques de plus en plus d’ouvriers perdent leurs emplois et les transformations tertiaires et quartenaires de l’aluminium sont effectuées dans les grandes agglomérations urbaines tandis que les profits de l’usine vont à Rio Tinto à Londres. En ce qui concerne l’agrandissement possible de l’usine Alma de l’Alcan, ceci pourrait déjà contribuer à un nouveau dynamisme économique, mais ce n’est pas encore assez. Vu que l’hydroélectricité fournie à l’usine est peu coûteuse, surtout, si l’on prend en considération que la taxe sur le carbone, prévue comme mesure écologique et probablement applicable d’ici quelques années, peut avantager les alumineries québécoises. Ainsi, on devrait convaincre Rio Tinto à investir encore plus dans la région et de situer aussi des usines de transformation tertiaire ou quartenaire dans la région pour récompenser les avantages financiers de l’hydroélectricité, ce qui pourrait redémarrer les anciennes forces de la fameuse «Vallée de l’aluminium». L’aspect écologique global pourrait également jouer un rôle important pour les boiseries et scieries. En Europe, le papier recyclé est déjà fréquemment en utilisation. Mais d’ici quelques années, il sera davantage important de préserver les bois et développer les parcs régionaux et le papier recyclé deviendra une alternative importante. Le Saguenay-Lac-Saint-Jean pourrait prendre ce développement en considération et développer de telles usines, car le papier recyclé sera bientôt utilisé en masse pour des cahiers d’école, des imprimantes industrielles, des magazines et journaux et plus. La région pourrait en devenir un centre d’exportation globalement important et enfin accéder concrètement à la globalisation. Ces deux idées ne sont que deux possibilités parmi tant d’autres.

    En ce qui concerne l’aspect infrastructurel, le Saguenay deviendra avec la construction des nombreuses routes dans le nord du Québec avec un achèvement prévu pour 2025 un portail vers le nord important. L’investissement dans le tourisme devient primordial, des idées innovatrices comme celle d’«Arbre en arbre», en collaboration avec le baccalauréat en plein air et tourisme de l’université, devraient se développer et attirer davantage de touristes. Le tourisme d’aventure et des activités sportives, en investissant ici dans des structures déjà existantes comme les pistes cyclables autour du Lac-Saint-Jean, la construction de chalets d’été auprès des nombreux lacs et les nouvelles trajets pour faire du kayak ou du rafting pourraient créer une nouvelle vocation pour la région. Pour attirer des gens de l’extérieur, on devrait investir dans le développement de la route ferroviaire de Jonquière à Montréal. À l’aide de la publicité, des prix et offres intéressants surtout pour des jeunes des grandes villes dans le sud du Québec et un trajet accéléré, vu que l’offre actuel du trajet dure neuf heures, la ville devrait collaborer plus près de «VIA Rail Canada» pour réaliser ces projets. L’idée du centre-ville pédestre du maire Jean Tremblay, ainsi que la construction de plus de trottoirs et de feux de signalisation pourrait devenir très innovatrice et soutenir l’ouverture d’esprit de la région.

    Par rapport à l’aspect culturel et social, la région devrait investir encore plus dans des festivals. Si l’on réussissait d’attirer des grands groupes de manière exclusive pour «Jonquière en musique» comme le fait par exemple le «Festival d’été de Québec», la région sera automatiquement plus dans le focus des citoyens canadiens et pourrait même attirer des visiteurs étrangers. En parlant des immigrants, il serait important d’investir davantage dans les camps d’été internationaux, peut-être en lien avec le sport régional, ou le «Centre Linguistique du Collège de Jonquière» pour attirer de nouveaux immigrants. Les écoles de la région pourraient contribuer à cela en ne s’enrichissant non seulement avec le programme d’études internationales, mais avec des échanges scolaires avec des écoles européennes ou américaines. On pourrait même aller encore plus loin de la part de l’université et attirer les immigrants avec des programmes régionaux spécialisés qui ne sont pas disponibles dans toutes les grandes universités et des frais de scolarité plus égaux et raisonnables pour les immigrants qui paient actuellement, à part des Français culturellement et traditionnellement privilégiés, des frais cinq fois plus élevés que les résidents québécois par le simple fait qu’ils sont nés à l’extérieur. Des collaborations avec des universités chinoises, comme elles sont actuellement en cours, pourraient être étendues à d’autres pays.

    Grâce à ces dernières propositions, la région pourrait déjà s’orienter vers l’aménagement externe, mais on pourrait encore pousser plus loin pour que la région devienne un carrefour pour le développement du nord. Les institutions scolaires pourraient se spécialiser sur l’interprétation des cultures des premières nations nordiques, les fouilles archéologiques dans le nord, le travail social et l’enseignement dans les réserves indiennes, les centres d’interprétation et les langues amérindiennes comme l’innu-aimun. Le Saguenay devrait ainsi agir encore plus près des institutions scolaires à Sept-Îles ou Chibougamau. Vu que la ville de Saguenay est la ville la plus grande dans au nord du Québec, elle devrait agir en tant que médiatrice entre le gouvernement et les peuples amérindiens. Pour développer une nordicité dans la région et une nouvelle identité qui ne se développer qu’au fur et à mesure, la ville de Saguenay devrait par exemple collaborer dans les domaines du tourisme, de la culture, de la santé et de l’exploitation des ressources avec les peuples nordiques à l’aide des petits cercles de créativité. De la musique innu à «Jonquière en musique», des marchés avec de la nourriture amérindienne, des musées avec de l’art autochtone, des échanges scolaires avec le Grand Nord du Québec, des centres de traductions de contes amérindiennes ou de développement d’une grammaire des langues autochtones pertinente, tout cela pourrait trouver sa place au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ainsi, la région devrait tenter d’effacer les préjugés et tensions toujours présents dans la population des deux peuples.

    Pour en conclure, il est certain que le nord du Québec se développera de plus en plus. Il est déjà bien présent dans le focus de la politique et de l’économie canadienne. La ville de Saguenay ne devrait pas hésiter de profiter de la chance de devenir un centre entre le sud de la province bien développé et le nord peu exploité. En acceptant son nouveau rôle, la région pourrait démarrer un nouveau cycle géoéconomique florissant et devenir un moteur important et un exemple à suivre pour tout le pays en sortant de sa période «Biedermeier» sociopolitique actuelle, en acceptant son mariage urbain-rural et en occupant encore plus sa périphérie.

     

     

                                                Bibliographie

     

    Livres:

     

    1.      PROULX, Marc-Urbain (2007), «Le Saguenay-Lac-Saint-Jean face à son avenir», Presses de l’Université du Québec, Québec, Canada, 265 pages

    Liens sur internet:

    2.      Centre local de développement de la ville de Saguenay / Promotion Saguenay: «Saguenay en chiffres, Édition 2010-2011», lien direct (consulté le 22 avril 2010): http://www.cldvillesaguenay.ca/img_telechargement/44_telechargement_1268679805.pdf 

    3.      Cyberpresse, article de TOUZIN, Caroline, publié le 24 octobre 2009, «Cathie Gauthier coupable», lien direct (consulté le 23 avril 2010): http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/justice-et-faits-divers/200910/24/01-914728-cathie-gauthier-coupable.php 

    4.      Énergie Grande Anse, «Le projet», lien direct (consulté le 24 avril 2010): http://www.energiegrandeanse.com/projets.php

    5.      Institut de la statistique de la province du Québec: «Rémunération hebdomadaire et horaire des employés selon le sexe, Saguenay–Lac-Saint-Jean et ensemble du Québec, 2005-2009», lien direct (consulté le 22 avril 2010): http://www.stat.gouv.qc.ca/regions/profils/profil02/societe/marche_trav/indicat/tra_remuneration02.htm 

    6.      Port Saguenay, «Administration portuaire du Saguenay», lien direct (consulté le 23 avril 2010): http://www.portsaguenay.ca/index.php?page=7&lang 

    7.      VIA Rail Canada, «Train Montréal-Jonquière – Horaire», lien direct (consulté le 23 avril 2010): http://www.viarail.ca/fr/trains/quebec-et-ontario/montreal-jonquiere/horaires

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