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    « Le communisme soviétique n’a pas échoué parce qu’il était généralement mauvais, mais parce qu’il avait commis une faute. Trop peu de personnes ont su s’emparer du pouvoir. Le capitalisme américain du vingt-et-unième siècle échouera pour les mêmes raisons.», décrit l’auteure Arundhati Roy dans le journal allemand «Frankfurter Allgemeine Zeitung». Il est en effet vrai que le communisme européen n’existe plus et que même hors du continent, il n’y a que peu de pays en Asie et Amérique du Sud qui proclament encore d’avoir un système socialiste. Même des pays comme la Chine se sont ouverts vers une sorte de capitalisme rouge, le Cuba profite énormément du tourisme pour gérer son budget d’État et les derniers pays véritablement socialistes comme la Corée du Nord sont forcés à accepter de l’aide humanitaire des pays capitalistes. Mais Arundhati Roy a-t-elle raison pour les causes de l’échec? Le travail suivant a pour but d’analyser les événements historiques ayant mené à l’échec du communisme européen.

    Sous le régime de Lénine et Staline, la révolution socialiste mondiale avait pris de l’ampleur. Dans «Le Livre noir du communisme. Crimes, terreur, répression.», édité par Robert Laffont, les auteurs constatent une certaine stabilité du communisme qui était établi par la force. Ils nomment ainsi les moyens de la création de la Tchéka, l’établissement d’un service secret dès 1917 qui avait pour but de combattre les ennemis du nouveau régime bolchévique, l’interdiction progressive des journaux d’opposition, le travail forcé dans les goulags, la grande famine de 1932 et 1933, l’arrestation et les assassinats des communistes anti-staliniens, l’époque des grandes purges et plus tard les procès politiques dans les pays de l’Europe de l’Est, par exemple les procès de Prague contre Rudolf Slánský en Tchécoslovaquie, accusé de conspiration et titisme et enfin les répressions des manifestation populaires, par exemple dans la République démocratique allemande en 1953, en Hongrie en 1956 ou en Tchécoslovaquie en 1968.

    Pendant des années, le peuple n’a pas osé se révolter contre le régime de terreur sous Staline. Une première exception était Josip Broz Tito, le dictateur yougoslave qui désirait établir un régime communiste sans poursuivre de près la ligne de Moscou. En tentant des initiatives déplaisantes envers Staline, comme le soutien aux communistes grecs et le projet d’une fédération balkanique, il a causé une rupture avec l’URSS et a poussé Staline à commettre des fautes politiques. Premièrement, Staline décidait de rappeler tous ses conseillers militaires et spécialistes civils en Yougoslavie dans le but d’isoler le pays, mais Tito se voyait plutôt débarrassé de ses opposants internes et se mettait à agir encore plus librement. Staline tentait alors d’exclure le pays du Kominform en espérant un recul des Yougoslaves, mais le parti communiste du pays, épuré des kominformistes, votait contrairement à cette pensée pour un nouveau Comité central qui était dévoué à Tito qui avait réussi de rassembler de plus en plus de fidèles autour de lui. Tito est même encore allé plus loin en créant un camp ou une prison sur l’île croate de Goli Otok, où il a enfermé des communistes staliniens en créant ainsi un nouveau régime totalitaire comparable à l’empire soviétique créé par les moyens de la terreur par Staline. Une situation de tension comparable s’est développée entre la nouvelle République populaire de Chine sous Mao Zedong et le régime de Staline, car les deux états étaient en un conflit territorial concernant notamment la Mongolie et le Xinjiang et car l’URSS prenait son temps à tenir ses promesses données dans plusieurs traités concernant la souveraineté chinoise sur plusieurs ports et chemins de fer.

    Ces événements ont bouleversé l’image du communisme. Le monde entier se rendait compte que même Staline n’était pas invincible et plusieurs pays de l’Est se sont mis à espérer pouvoir atteindre une sorte d’indépendance et liberté comme la Yougoslavie sous Tito. En subissant une crise économique durant les dernières années sous le règne de Staline, ce désir était davantage nourri. Cette vague de pensées libérales s’est agrandie lors de la mort du leader soviétique en 1953. Durant le vingtième congrès du Parti communiste de l’Union soviétique en 1956, le nouveau chef d’État Khrouchtchev proclamait, absolument imprévu par les observateurs, la coexistence pacifique des deux superpuissances et la déstalinisation, ce qui montrait de plus en plus l’unanimité de l’Union soviétique qui semblait développer un système de gauche de moins en moins radical. Plusieurs dirigeants d’autres pays socialistes se donc mis à réaliser des réformes dans leurs politiques intérieures et faisaient semblant de rester fidèle à la ligne de Moscou. Khrouchtchev se rendait compte qu’il avait fait naître de faux espoirs et essayait de réprimer le nombre de révolutions de plus en plus croissant en montrant ainsi une certaine insécurité et instabilité du grand empire. Cela ne pouvait par contre pas empêcher par exemple des fuites de plus en plus nombreuses de la République démocratique allemande vers les pays de l’Ouest, ce qui obligeait le régime de Khrouchtchev de construire le mûr de Berlin et d’agir plus radicalement.

    L’URSS ne devait pas seulement faire face à une instabilité intérieure, mais aussi à une menace extérieure venant des États-Unis qui agissaient de plus en plus agressifs envers les pays soviétiques depuis la Deuxième Guerre mondiale et la mort de Staline. Suite à l’installation des missiles américains en Turquie, l’Union soviétique se sentait forcée d’agir et provoquait par la suite la crise de missiles à Cuba qui risquait de provoquer une Troisième Guerre mondiale. C’était encore l’URSS qui faisait en quelque sorte le premier pas en acceptant finalement de retirer leurs missiles de l’île constamment menacée et infiltrée par les États-Unis. Jusqu’aujourd’hui, il n’est par contre pas prouvé, si les Américains avaient retirés leurs missiles de la Turquie par la suite.

    À ces échecs politiques s’ajoutaient aussi des problèmes économiques, car les programmes économiques directement surveillés et mis en œuvre par les membres du parti communiste étaient de plus en plus critiqués et menaient à des échecs et aussi à une perte de crédibilité au sein de la population soviétique lorsque Khrouchtchev tentait de développer de nouvelles réformes reformant les anciennes. Mais celles-ci n’étaient pas acceptées et le parti se divisait en plusieurs groupes unanimes, ce qui trouvait son point culminant avec le renversement de Khrouchtchev et une annulation de ses réformes et idées politiques.

    Le nouveau dirigeant Brejnev, ancien partisan de Staline, établissait même une sorte de néostalinisme en annulant complètement les déclarations et efforts que Khrouchtchev avait fait durant et après le vingtième congrès du parti communiste. Mais ces mesures ne pouvaient plus faire revenir l’époque du contrôle absolu sous le régime de Staline. Les membres du parti communiste ayant atteint un âge moyen de 70 ans provoquaient un communisme conservateur, une stagnation extrême et aucune modernisation ce qui faisait en sorte que l’Union soviétique ne pouvait plus véritablement concurrencer mondialement. Lors de la guerre en Afghanistan, ce phénomène se démontrait aussi militairement et devenait une véritable débâcle pour l’URSS. L’établissement du communisme et l’expansion de la révolution mondiale du socialisme échouait radicalement, car les communistes afghanes s’enfuyaient du pays et étaient remplacés par les membres radicaux du Taliban.

    De plus, le régime soviétique devenait de plus en plus instable, ce qui s’explique par l’âge des dirigeants. Avec Brejnev, Andropov et Tchernenko, trois dirigeants soviétiques décédaient en peu de temps et c’était alors Gorbatchev qui prenait la relève. Celui-ci tentait une réforme du communisme et croyait en une nouvelle phase de détente entre les deux superpuissances. Gorbatchev décidait d’annuler la doctrine Brejnev et impliquait les systèmes de Glasnost et de Pérestroïka qui avaient pour but de reformer les structures arriérées du pays et donner finalement plus de pouvoir à la démocratie.

    Cette sorte de nouveau libéralisme, comparable aux réformes de Khrouchtchev, devenait bientôt incontrôlable. Mais cette fois, contrairement à Khrouchtchev, Gorbatchev n’envoyait pas de missiles ou chars militaires afin d’empêcher les révolutions par la force. Surpris et motivés par cette réaction neutre et pacifique, les pays de l’Europe de l’Est misaient en marche des mouvements indépendantistes que Gorbatchev ne pouvait et voulait plus empêcher. Son libéralisme et communisme humain réformé avait involontairement donné le coup de grâce à un communisme affaibli. Plusieurs rébellions, putschs et crises en peu de temps menaient ainsi à l’indépendance de la plupart des pays socialistes et à la chute du mûr de Berlin qui signifiait la fin de la guerre froide qui n’était devenue qu’un moyen de propagande américain depuis au plus tard la mort de Brejnev. Déclaré d’avoir été dépassé par les événements, l’étoile de Gorbatchev descendait et il se faisait remplacer par Eltsine qui ne réussissait par contre plus de rétablir le communisme ou l’URSS effondrée.

    Pour en conclure, le communisme soviétique avait seulement connu une sorte de stabilité lors du règne des dirigeants les plus radicaux et meurtriers. Il est finalement vrai que durant l’époque où le pouvoir a été pris par Lénine et Staline, l’URSS était une véritable puissance mondiale qui diminuait de plus en plus lorsque les dirigeants socialistes ne s’emparaient plus du pouvoir comme ancienne fois Lénine durant la Révolution bolchévique ou Staline suite à sa mort, mais se succédaient, contredisaient et s’affaiblissaient de plus en plus avant que Gorbatchev a su détendre la situation d’une manière pacifique et libérale et donner le coup de grâce au communisme européen, ce qui changeait la politique et l’équilibre des puissances pour le monde entier.

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    Dans son article «L’américanisation de la pensée» pour la révue scientifique «Sciences Humaines», le journaliste Jean-François Dortier parle de la loi que  «les grandes idées éclosent toujours au cœur des empires, des cités florissantes et des lieux de pouvoir. Ce fut le cas à Athènes lors du «miracle grec», à Bagdad au temps de l’âge d’or de l’islam et des sciences arabes, à Venise au temps de la Renaissance ou à Vienne au tournant du vingtième siècle. C’est là qu’artistes, écrivains, savants, philosophes et penseurs se retrouvaient.»  Par la suite l’auteur constate que l’Amérique est devenue le centre de vie intellectuelle et que la suprématie dans le domaine des sciences ou technologies nouvelles est évidente.

    Aujourd’hui, les grands philosophes et penseurs s’appellent John Rawls, Michael Walzer ou Noam Chomsky et non Platon, Anne Robert Jacques Turgot ou Friedrich Nietzsche. C’est le néolibéralisme né à Chicago qui domine aujourd’hui le monde et la globalisation ou mondialisation et non les idées européennes tel que le marxisme. Aujourd’hui, la culture américaine est prédominante et j’aimerais en donner deux exemples. Les films d’Hollywood sont largement distribuées et traités dans les médias, près de la moitié des films à l’affiche en Europe sont américains et en Angleterre et Allemagne, ce nombre peut même augmenter jusqu’à 70 % et plus. Il y a aussi beaucoup de «remakes» américains, c’est-à-dire des films étrangers qui ont connu un certain succès comme par exemple le film français «Nikita» ou la série japonaise autour de «Godzilla», mais les Américains ont aussi la tendance à faire des reprises ou de glorifier leurs propres films classiques allant du musical «Une étoile est née» jusqu’à «King Kong». Un deuxième exemple se retrouve dans la musique populaire, car la musique anglo-saxonne domine le monde non seulement depuis Michael Jackson. Des nombreux styles ont été inventés et exportés des États-Unis comme le jazz, le rhythm and blues, le rock ‘n’ roll ou le rap.

    Mais comment une telle domination a-t-elle pu se développer? Quelles sont les raisons historiques, économiques et sociales? Est-ce que cette tendance se poursuivra-t-elle encore dans le futur?  Le travail suivant essaie d’analyser cette américanisation et a pour but de donner aussi une réponse concernant le futur.

    Le véritable terme de l’américanisation désigne l’influence des États-Unis exercée sur la vie des citoyens d’autres pays du monde et date déjà du dix-neuvième siècle. Vers la fin de ce siècle et le début du vingtième siècle, on pouvait constater une émigration de l’Europe vers les États-Unis. Selon Ahmed Amine Khamlichi qui a rédigé l’article «Mouvement d’américanisation et démocratie de propagande» pour le «Cercle Gramsci», 34 millions de personnes sont immigrées aux États-Unis entre 1821 et 1932. Les raisons pour cette vague d’émigration étaient des famines et pauvretés, surtout en Irlande et dans les pays scandinaves, des crises agricoles, par exemple en Allemagne et Europe de l’Est ou la stagnation de la révolution industrielle en Angleterre qui été auparavant le moteur de l’économie mondiale. À cette époque, on pouvait déjà remarquer que la plupart des immigrants aux États-Unis croyaient en le rêve américain qui est l’idée selon laquelle n’importe quelle personne vivant aux États-Unis, par son travail, son courage et sa détermination, peut devenir prospère et riche. Un journal de la communauté italienne, «Il Proletario», écrivait en 1905: «Les Italiens viennent en Amérique avec la seule intention d’accumuler l’argent. Leur rêve, leur seul souci est la liasse d’argent qui leur donnera, après vingt ans de privations, la possibilité d’avoir un standard de vie médiocre dans leurs pays d’origine.» Si l’on regarde les statistiques, on peut remarquer que les pourcentages de ceux qui sont allés aux États-Unis et retournés dans leur pays s’élevaient à 53% entre 1915 et 1922. La pensée néolibérale fut ainsi amené dans les pays d’origine et beaucoup de personnes, remarquant la réussite des anciens émigrants devenus prospères, voulaient faire pareil et rêvaient d’une vie et société à l’Américaine. Les États-Unis ont supprimé le syndicalisme et impliqué une énorme propagande libérale en faveur des termes tel que la liberté, la démocratie et l’harmonie sociale afin d’assimiler les immigrants et afin de s’assurer d’un contrôle stricte de la main-d’œuvre en voulant éviter des révoltes comme en Europe et en voulant surtout supprimer toute pensée bolchévique. Le CIA a ainsi tenté l’invention d’un événement qui rassemblerait les Américains et les immigrants et qui fera développer un sentiment nationaliste et a enfin développé l’idée de transformer la fête du jour de l’Indépendance en une journée nationale d’américanisation. Suite à la grève du textile de Lawrence en 1912, la NACLI, la North American Civic League for Immigrants, développait le slogan suivant: « L’avenir de l’industrie américaine dépend de l’éducation des travailleurs étrangers.» Une énorme campagne propagandiste se développait ainsi et touchait les offices liés au commerce et à l’industrie, les églises, les usines et les médias pour stigmatiser l’immigré non-assimilé. Le CIA, subventionnant cette campagne d’américanisation, a même obtenu le droit d’avoir accès à toutes les écoles et institutions liées à l’enseignement pour perfectionner le programme. Ainsi, non seulement les Américains, mais aussi les immigrants étaient touchés par cette propagande qu’ils ramenaient en Europe. L’économie américaine devenait de plus en plus dominante, les capitaux et méthodes devenaient des références mondiales. Cette influence énorme s’est montrée dans le krach de 1929 à la bourse de New York qui a touché le monde entier.

     Après la Deuxième Guerre mondiale, l’expansion de l’américanisation a atteint un autre niveau. Le plan Marshall pour aider la reconstruction de l’Europe était une première marque de l’hégémonie américaine qui s’impliquait dès 1945 et qui laissait une empreinte sur le sol européen. Un bon exemple pour l’américanisation est aussi l’accord Blum-Byrne entre la France et les États-Unis. Les États-Unis étaient prêts à liquider une partie de la dette française envers les États-Unis suite à la Seconde Guerre mondiale et offraient même à la France un nouveau prêt gigantesque de 300 millions de dollars remboursables en 35 ans. La seule condition était que toutes les salles de cinéma françaises soient ouvertes aux films américains sauf une fois par mois, car les États-Unis craignaient une influence croissante du socialisme en Europe et surtout en France après la Seconde Guerre mondiale. L’image du «American way of life» se popularisait énormément à l’aide de cette exigence. Mais ce n’était pas seulement le cinéma américain qui a connu une popularisation, car des produits de consommation américains se sont peu à peu répandus en Europe en diffusant ainsi une forme américaine de culture de masse, ce qui a trouvé un point culminant avec la «Mcdonaldisation de la société», un terme employé par le sociologue américain George Ritzer, avec les composants de l’efficience, la quantification, la prédictibilité et le contrôle.

    Politiquement, les États-Unis ont également eu une influence majeure en Europe. Suite à l’échec de la Société des Nations, les États-Unis se sont davantage impliqués dans l’OTAN, l’Organisation du traité de l’Atlantique du Nord, fondé en 1949, pour éviter une débâcle comparable à celle après la Première Guerre mondiale qui avait mené à des instabilités, sentiments nationalistes, extrémismes, xénophobies et à une nouvelle guerre. Selon Hastings Lionel Ismay, secrétaire générale à l’époque, l’OTAN a su «garder les Russes à l’extérieur, les Américains à l’intérieur et les Allemands sous tutelle». L’Allemagne, où la démocratie n’a jamais eu la chance de se développer auparavant, se faisait démocratiser par force et devenait même le champ de bataille entre les deux idéologies des superpuissances. Les États-Unis faisaient tout pour supprimer l’idéologie communiste en essayant même d’offrir aux pays de l’Est leur soutient idéologique et monétaire si ceux-ci désiraient de devenir indépendants et de développer un système à l’Américaine. Sinon, les États-Unis se sont souvent largement impliqués dans des guerres acharnées contre le socialisme, notamment au Viêt Nam. Cela a entraîne une courte vague d’anti-américanisation. Charles de Gaulle décidait de quitter l’OTAN, les révolutions de mai 1968 entraînaient de nombreuses manifestations et mouvement gauchistes, par exemple avec la création de la Fraction armée rouge, une organisation terroriste d’extrême-gauche allemande. Ces mouvements étaient souvent réprimés par les états démocratisés, souvent à l’aide du militaire ou même l’implication directe des États-Unis qui veillait sur le développement européen. Après l’échec du communisme, les États-Unis devenaient la seule puissance mondiale et le système et l’idéologie américaine s’établissaient peu à peu aussi dans les pays de l’Europe de l’Est. Les politiciens anti-américains comme Charles de Gaulle en France se faisaient à long terme remplacer par des hommes politiques plutôt en faveur des États-Unis comme Nicolas Sarkozy. Dans l’article «L’américanisation de la France en 7 points» apparu dans le jourenal «Le Post», l’auteur Ed Williamson constate que Sarkozy mène une vie clichée à l’exemple du rêve américain, qu’il désire le retour de la France à l’OTAN et qu’il favorise la culture américaine à celle de la France.

    Pour en conclure, on peut constater que l’Europe a en effet été américanisée après la Deuxième Guerre mondiale et même auparavant au niveau social, politique et économique. Après la chute du communisme, les États-Unis ont trouvé un nouvel ennemi principal dans le terrorisme et l’islamisme et ont tenté de renverser de tels systèmes en Afghanistan et en Iraq même sans le soutien de la majorité européenne. Cela montre à quel point les États-Unis prennent au sérieux leur but de la démocratisation et l’américanisation du monde. Même Barack Obama, mondialement glorifié par les médias, qui a déjà reçu un prix Nobel de la paix sans même avoir accumulé une année d’expérience en étant président américain, a annoncé que ce prix ne l’empêcherait pas de trouver des mesures pour combattre les pays radicaux ayant des armes atomiques tel que l’Iran ou la Corée du Nord qui faisaient déjà selon George W. Bush partie de l’«Axe du Mal» dont l’Iraq a déjà été bouleversé et poussé dans le désordre qui prend une extension comme ancienne fois la débâcle de la guerre au Viêt Nam. Il est donc évident que l’influence américaine ne cesse d’agrandir et d’être, s’il le faut, aussi imposée par la force, même par un président libéral comme Barack Obama.

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    Jeanne d’Arc : Une mise en contexte

    Lorsque l’on tente de présenter brièvement la vie et le personnage de Jeanne d’Arc, seulement appelée de ce nom à partir de 1576 par un poète d’Orléans et se faisant simplement appeler Jehanette dans son village, on doit déjà commencer avec une incertitude qui est son nom. Dans certains documents, son père était appelé Jacques d’Arc, mais on n'en peut pas être absolument certain, car dans les manuscrits de l’époque, les -c sont écrits très semblables aux -e et aux –t et on les méprend alors assez souvent[1]. Une plus grande incertitude est d’ailleurs sa date de naissance. Durant les procès de Rouen en 1431, on transmet que la jeune pucelle aurait 18 ou 19 ans, une autre source la donne née le jour de l’Épiphanie, qui était à l’époque soit le 5 ou 6 janvier, sans préciser l’année exacte, mais on suppose aujourd’hui généralement qu’il s’agit de l’année 1412. Mais si l’on regarde plus loin dans la vie de Jeanne d’Arc, on tombe sur le procès matrimonial intenté par son fiancé et ses parents en 1428. Lors de ce procès, Jeanne d’Arc se présenta seule et refusa de se marier, mais selon le droit local elle aurait dû être majeure de 20 ans et alors émancipée de la responsabilité parentale. Jeanne serait-elle donc déjà née en 1408 ou même avant?

    Jeanne d’Arc était née dans un monde qui se trouvait en plein milieu de la Guerre de Cent Ans, alors que la royauté française ait été de plus en plus menacée et humiliée par les Anglais et leurs alliées bourguignons et alors que l’Église catholique ait été affaiblie par trois papes qui revendiquaient à leur tour le contrôle de la Chrétienté européenne avant qu’un grand concile ait élu un quatrième pape supérieur à tous et ait mis une fin au Grand Schisme. Le traité de Troyes, qui réglait la question de la succession au trône de France d’une manière humiliante pour les Français et qui forçait le roi de France Charles VI de marier une de ses filles avec le roi anglais pour en faire naître le futur successeur au trône en déshéritant le fils légitime du roi de France, mit seulement fin aux hostilités sanglantes pendant une courte période de temps. Elles recommencèrent déjà deux ans plus tard après la mort d’Henri V et de Charles VI. Charles VII, le fils déshérité, réclama le trône vu que le bambin Henri VI n’avait pas encore atteint l’âge de gouverner à lui seul. Lors du procès de condamnation, Jeanne d’Arc raconta qu’elle avait entendu ses premières voix environ cinq ans après la signature du traité de Troyes. Durant cette époque les Anglais étaient autant convaincus que les Français que Dieu était de leur côté et qu’il choisirait le véritable gagnant de la Guerre de Cent Ans[2]. Les voix révélèrent que Jeanne d’Arc aurait pour mission de chasser les Anglais du royaume de France et de sacrer et couronner Charles VII à Reims. Mais Jeanne d’Arc entendit-elle vraiment des voix célestes ou est-ce que ce miracle était souhaité ou même forcé par les autorités?

    Durant la même époque, deux officiers étaient étonnement souvent à Domrémy et passèrent aussi par une forteresse que le père de Jeanne d’Arc contrôlait. Certains historiens supposent alors que la future héroïne nationale ait appris à faire du cheval ou à se combattre à l’aide au lieu de s’occuper des troupeaux de son père comme certains témoins le dirent lors du procès de réhabilitation, malgré que Jeanne ait nié ce fait lors de son procès de condamnation. Ses capacités militaires furent-elles donc le fruit d'un entraînement par ces officiers et non données en cadeau par Dieu?

    Après deux demandes rejetées, Jeanne d’Arc s’enrôla dans l’armée du dauphin et traversa incognito les terres bourguignonnes. Accompagnée de trois ou quatre chevaliers du sire de Baudricourt, elle traversa la France occupée en plein hiver en trois semaines, camouflée par une armure et des habits d’homme qui lui facilitaient également le voyage à cheval et lui apportait un plus grand degré de protection. Elle garda cet habillement plus tard pour sortir de sa condition sociale et pour persuader les capitaines royaux de la valeur militaire et spirituelle de sa mission[3]. Elle arriva à Chinon le 8 mars 1429, mais le dauphin hésita à la recevoir. Sa belle-mère, Yolande d’Aragon, insista et arrangea la rencontre. Elle était la mère du duc de Bar, René d’Anjou et avait donc un lien direct avec la région natale de Jeanne d’Arc. Lorsque le dauphin ordonna plusieurs examens à faire avec Jeanne d’Arc, notamment en ce qui concerne sa virginité, ce fut Yolande d’Aragon qui s’en chargea personnellement. Est-ce que cette femme aurait donc forcé le destin de Jeanne d’Arc et du dauphin Charles VII en arrangeant pour des buts politiques et personnels leur rencontre. Aurait-elle-même pu mentir sur la virginité de Jeanne d’Arc?

     Quoiqu’il en soit, Jeanne d’Arc rencontra le roi et cela fut un événement particulièrement étonnant. Selon la légende populaire, le dauphin se serait caché de Jeanne parmi les invités et celle-ci, guidée par ses voix, l’aurait reconnu dans la foule. Mais cette histoire est peu probable. Premièrement, on ne rencontra jamais le roi sans être préparé. On avait très certainement décrit le roi à Jeanne et indiqué comment elle devrait se comporter devant lui. En plus, il est probable que Jeanne d’Arc avait au moins vu un portrait du futur roi quelque part à Chinon. Dernièrement, Charles VII aurait aussi fait preuve d’une faiblesse indigne d’un roi en se cachant. Pourquoi a-t-on donc transformé Jeanne d’Arc en un véritable personnage de légende plus puissant que le dauphin avec des pouvoirs mystiques?

    Jeanne d’Arc annonça quatre événements : la libération d’Orléans, le sacre du roi à Reims, la libération de Paris et la libération du duc d’Orléans. Le dauphin lui donna donc la permission d’accompagner l’ultime armée française à Orléans. Selon la légende, malgré une blessure de Jeanne, l’armée réussit à libérer la ville durant une bataille glorieuse. Mais en réalité, la ville ne fut jamais complètement assiégée: la voie d’accès pour les convois de ravitaillement que l’armée française aurait utilisé pour pénétrer la ville avait toujours été libre et les assiégés et les assiégeants s’échangeaient des menus services et même des musiciens. En regardant ces faits, est-ce qu’on peut vraiment parler d’un véritable siège et d’une grande bataille?

    Jeanne accompagna ensuite le dauphin à Reims pour son sacre après la conquête de la ville en plein territoire bourguignon. Mais ce sacre glorieusement célébré est contestable, car certaines règles, comme la présence des douze pairs de France dont l’évêque Pierre Cauchon et le duc de Bourgogne étant alliés aux Anglais et de l’huile de la Sainte Ampoule ne furent pas respectées. Est-ce que Jeanne d’Arc était consciente que ces détails rendaient le sacre illégitime selon les usages?

    Charles VII, fort de sa couronne, négocia avec l’ennemi et signa un traité de paix avec le duc de Bourgogne. Jeanne voulait d’ailleurs réaliser ses deux autres prophéties et se mit à la conquête de Paris et fit preuve de désobéissance envers son roi en attaquant avec quelques soldats étant fidèles à elle. La bataille fut un échec et Jeanne fut placée en résidence surveillée à Bourges. Le roi l’envoya par contre encore une fois sur le champ de bataille contre les forces bourguignonnes, mais les choses tournèrent mal à Compiègne en 1430 et elle fut capturée par les Bourguignons. Par la suite des choses, les Anglais achetèrent Jeanne puis la confièrent à son futur juge lors du procès de condamnation: Pierre Cauchon.

                En résumant, il y a beaucoup de mystères autour de la légende de Jeanne d’Arc, qui ressemble d’ailleurs étrangement à l’histoire de Jésus Christ, incluant le futur procès, le martyre, la «résurrection» d’ailleurs contestée et la réhabilitation. On peut seulement dire avec certitude qu’elle venait de Domrémy, qu’elle entendit des voix auxquelles elle croyait fermement, qu’elle allait à la cour du dauphin et qu’elle assista aux batailles et au sacre mentionnés. Jean-François Blais dit à propos de ce sujet: «Les historiens et les auteurs de fiction ont trop longtemps misé sur le côté spectaculaire de l’histoire et ont fait preuve d’une rigueur discutable.»[4] Ce qui est d’ailleurs encore plus mystérieux que sa vie libre est le procès de condamnation qui mena à sa mort – ou peut-être pas.

    Jeanne d’Arc : Son procès de condamnation

    Le procès de condamnation se déroula du 9 janvier au 30 mai 1431 à Rouen. Ce procès était divisé en deux phases. Premièrement, il y avait le «processus preparatorius vel officio » ou « inquisitio ex officio » qui se termina le 25 mars. Durant cette période, l’accusée fut interrogée en sessions publiques puis devant un conseil restreint. Vint ensuite le « processus ordinarius » ou « inquisitio cum promovente » qui reprit sous forme d’articles les chefs d’accusation du promoteur de la cause et prit fin avec l’abjuration de Jeanne le 24 mai à Saint-Ouen. La seconde phase fut la « causa relapsus » qui, du 28 mai au 30 mai, conduit la Pucelle jugée hérétique au bûcher.[5] On s’entendit d’avance pour ne pas juger Jeanne d’Arc comme chef de guerre, car c'était d’abord et avant tout un symbole pour les sujets du royaume de France. Puisqu’elle légitimait ses actions par la volonté de Dieu, elle fut donc jugée par un tribunal ecclésiastique comme une hérétique. Le Père François Marie Lethel explique d’ailleurs que le procès de condamnation était d’abord de nature politique, mais qu’il s’est de plus en plus déplacé sur un terrain proprement théologique.[6] 

    En premier lieu, il est intéressant d'analyser les participants principaux et organisateurs du procès. Malcolm Vale constate en ce qui concerne ce sujet que «la condamnation du 30 mai 1431 fut l’œuvre d’une cour composée presque entièrement de Français.»[7] Malgré que les Français dirent souvent plus tard qu’ils avaient été sous la pression et la tutelle du régime de Lancastre, on doit constater que ce fut l’Université de Paris qui avait écrit une lettre à Philippe le Bon, duc de Bourgogne, le 25 mai 1430, dans laquelle on avertissait le duc relativement à Jeanne d’Arc, la soupçonnant véhémentement de plusieurs crimes ayant une odeur d'hérésie. L’idée d’un probable procès ecclésiastique était donc principalement évoquée et suggérée par l’Université de Paris. Les théologiens parisiens représentèrent à cette époque, depuis le décret « Haec Sancta » du Concile de Constance, une Église militante qui et infaillible se caractérisa par un pouvoir qu’elle tenait directement du Christ et qui demandait l’obéissance de la part de toute personne, quelle que soit son état ou sa dignité, même papale. L’Église militante s’adressa au pape et aux cardinaux lors du procès pour légitimer ses actions en disant que la population pourrait attribuer plus d’attention à cette nouvelle héroïne nationale qu’aux doctrines de l’Église. Cette crainte d’hétérodoxie explique aussi la raison pourquoi la papauté n’intervint point au procès. Le procès en tant que tel fut mené par Pierre Cauchon, évêque de Beauvais, qui s’était avisé que le lieu de la capture de Jeanne d’Arc fut inclus dans son diocèse et que le procès lui revint. Il avait solennellement demandé au duc de Bourgogne que la Pucelle soit remise au roi pour être livrée à l’Église. Pierre Cauchon était très proche de l’idéologie de l’Université de Paris, vu qu’il y fut pendant presque trente ans en tant qu’étudiant et plus tard en tant que recteur. Selon Bernard Guillemain, elle était pour Pierre Cauchon «une mère, au sens plénier du mot».[8] Le moment venu de juger Jeanne d’Arc, il n’entreprit rien sans l’aveu de l’Université, se conforma à ses avis et s’entoura de l’opinion des docteurs. Son jugement était donc très influencé, d’autant plus qu’il travaillait et agissait étroitement avec le duc de Bourgogne depuis 1409. Ayant une loyauté et une bonne foi envers les participants et organisateurs du procès, il accepta des irrégularités, notamment la détention de Jeanne d’Arc au château de Rouen sous surveillance anglaise au lieu d’un château ecclésiastique, car il sut que le gouvernement de Bedford, averti par deux tentations de fugues de Jeanne d’Arc avant sa vente aux Anglais, fut décidé à ne lâcher la prisonnière en aucun cas.

        Cela nous amène à parler de la présence des Anglais lors du procès. Selon eux, Jeanne d’Arc fut surtout une influence psychologique lors de leur défaite à Orléans et ils la voyaient comme une sorcière dangereuse pour le roi anglais. Elle avait aussi envoyé des lettres à Henry VI et au duc de Bedford en mettant l’accent sur la sainteté de sa mission militaire, ce qui suggéra déjà aux Anglais de ne pas la traiter seulement comme une prisonnière de guerre ordinaire, mais comme une manipulatrice de la foi chrétienne. Seulement huit ecclésiastiques anglais sur les 231 juges assistèrent au procès. Seulement Maître William Hayton assista à 17 sessions et donna fréquemment des nouvelles à ses supérieurs. Celui-ci demanda d’agir d’une manière douce et juste envers la Pucelle, refusant la torture. Sa passivité traduisit le souci qu’avait le régime lancastrien de ne pas fournir des armes à ses détracteurs. Les Anglais n’agirent souvent que d’une manière indirecte en refusant par exemple de donner des vêtements de femme à Jeanne. Cette distance et passivité générale envers le procès expliqua aussi pourquoi les Anglais n’eurent pas le moindre remords à l’égard du procès.

    Il faudrait aussi parler du roi Charles VII ayant eu besoin d’une héroïne pour mettre le peuple de son côté et renverser sa situation défavorable qui décida de ne pas intervenir ou assister au procès. Cela s’explique par trois aspects. Au niveau social, la jeune paysanne était devenue une figure populaire au sein du royaume du dauphin, beaucoup plus que lui qui s’était fait déshériter et humilier et qui devait son arrivée au trône à elle. La Pucelle pouvait donc nuire à son image et sa réputation. Avec la disparition de Jeanne d’Arc, il pouvait estimer que son passé humiliant pourrait également être partiellement oublié. Au niveau politique, Jeanne avait désobéi au roi et attaqué Paris sans son accord. Cela avait également montré qu’il y avait un bon nombre de soldats qui préféraient soutenir la Pucelle au lieu de leur propre roi. Pour créer des bases stables et pour se manifester comme un roi fort et intouchable, il avait intérêt à voir disparaître Jeanne d’Arc. Finalement, au niveau diplomatique, le roi avait convenu un armistice avec les Bourguignons et essaya de restructurer et stabiliser la politique en visant de mettre un terme à la guerre sanglante qui risqua d’éclater de nouveau avec l’intervention de Jeanne d’Arc.

    En ce qui concerne le procès, il y a plusieurs preuves que certains aveux étaient forcés et que l’authenticité des documents historiques peut être mise en question. Les notaires enregistrèrent les interrogatoires et les réponses de Jeanne d’Arc au cours des séances pour rédiger, le jour même et donc sans aucune réflexion ou discussion interne, des comptes-rendus, consignés dans un registre qui servit à la rédaction du texte latin complet du procès, à partir duquel furent dressées cinq copies authentiques. À part de la rédaction directe, ce fut surtout la transcription du procès mené en français et transcrit en langue latine qui rendit les documents encore plus imprécis, car certaines expressions latines ont des sens et possibilités de traductions multiples. De plus, remarquons que la transcription de la plupart des questions se fit d’une manière indirecte et que les réponses de Jeanne d’Arc étaient d’ailleurs transcrites mot par mot. Les contextes de certaines questions ou les façons comment on les a posées, ne sont pas transmis. Certaines questions, comme par exemple celle où on demande à Jeanne d’Arc si elle est à jeun, semblent être hors contexte et laissent place à une certaine marge d’interprétation. Est-ce que la Pucelle n’avait par exemple pas toujours assez à manger en prison et était si affaiblie qu’elle ne pouvait pas toujours répondre aux questions et donc être mentalement influençable? De plus, dans les cinq registres qui ont été faits, on trouve des traces de grattage et de ratures à des endroits différents. Les exemplaires ne sont donc pas pareils et en tant qu'historien, il faut se demander si un registre peut être plus authentique qu’un autre. Aujourd’hui, un des cinq registres est perdu et on pourrait même supposer que ce registre avait peut-être disparu avant, parce qu’il avait dévoilé des détails sur le procès qui n’étaient pas destinés à être su par quelqu’un hors du procès. On peut constater que Jeanne d’Arc n’avait pas assez de connaissances intellectuelles et religieuses pour justifier sa foi devant des évêques et docteurs en théologie. De la part de l’Église militante, le procès peut être perçu comme «une tentative extrêmement radicale de réduction de la personne en ce qu’elle a de plus précieux, de plus sacré.»[9], en refusant par exemple de donner des habits de femme à l’accusée ou en lui interdisant d’assister à une messe et de recevoir le corps du Christ.

    Jeanne avoua le 12 mars qu’elle n’avait pas parlé à un homme d’Église des voix, car elle avait perçu que les révélations ne concernaient directement qu’une mission uniquement politique et elle dit le 30 mars qu’elle ne se soumettait pas aux règles de l’Église militante en disant qu’il lui était impossible de rejeter les révélations. Elle fut depuis ce moment-là forcée à donner de plus en plus de détails. Sous la pression, elle inventa que les voix qu’elle avait toujours décrites comme neutres et sans apparences physiques représentaient certains saints. Le 24 mai, elle abjura, encore selon Lethel, probablement après de nombreuses tortures par le feu, qu’elle avait seulement inventé les voix. Cependant, l’adhésion de la Pucelle à ses voix était tellement forte et représentante d'une sorte de salut éternel pour elle, qu’elle donna sa réponse mortelle le 28 mai en désavouant complètement son abjuration, adhérant de nouveau à ses révélations. Les juges trouvèrent ainsi par cet aveu de mensonge leur raison pour condamner la Pucelle. Le 29 mai, elle se rétracta et ôta la robe qu’elle avait été obligée de mettre pour reprendre ses habits d’homme, une provocation scellant définitivement son destin. Elle fut livrée aux Anglais et exécutée.[10] Pour bien finaliser son procès, Pierre Cauchon et le vice-inquisiteur firent encore comparaître, le 7 juin, sept témoins qui affirmèrent que le matin même de l’exécution, Jeanne d’Arc avait renié ses voix, mais après l’étude du sujet, il est improbable que ces témoins avaient dit la vérité.

    Pourtant, il y a même des mystères autour de son exécution. Malgré que de nombreux peintres classiques aient falsifié l’histoire en dessinant la Pucelle sur le bûcher devant une foule essentiellement villageoise, on sait aujourd’hui que la tête de la Pucelle fut cachée et que plusieurs centaines de soldats surveillèrent les lieux. Certains historiens supposent alors qu’une autre personne avait pris la place de l’accusée et que le procès avait seulement été une mise en scène. Malgré plusieurs preuves qu’une deuxième Jeanne d’Arc réapparut ou ressuscita, ce qui se manifeste par exemple par des témoignages de plusieurs membres de famille de la Pucelle et le fait que même le roi Charles VII de France donna une audience à une prétendue Jeanne d'Arc, cette thèse est restée peu populaire et peu explorée.

    Ce qui est d’ailleurs indéniable après toutes ces preuves et l’analyse du contexte politique, religieux et social, c'est le fait que le procès de condamnation fut mené d’une telle manière que le jugement final ne pouvait être que défavorable pour Jeanne d’Arc qui était devenue une cible d’enjeux idéologiques et politiques, s’étant mêlée d’affaires d’une telle importance qu’elle en perdait le contrôle.

    Le chemin de la réhabilitation

                            Presque tout de suite après la reprise de Rouen, lieu où se sont déroulés les événements entourant la condamnation et la mort de Jeanne, Charles VII prend en main de faire avancer les choses et demande qu'on se penche sur la question d’une possible réhabilitation. Guillaume Bouillé, conseiller du roi et doyen de la cathédrale de Noyon, reçoit la charge d'entendre des témoins et de rassembler de l'information sur la condamnation. Dès le début de mars 1450, ce dernier reçoit sept figures importantes dans le premier procès et les interroge: Jean Toutmouillé, docteur en théologie; Ysambart de La Pierre, l'un des principaux assesseurs du procès; Martin Ladvenu, confesseur et conducteur de la Pucelle en ses derniers jours; Guillaume Duval, docteur en théologie; Guillaume Manchon, greffier au procès de Jeanne d’Arc, Jean Massieu, jadis doyen de la chrétienté et Jean Beaupère, docteur en théologie, ce dernier ayant joué un rôle d'envergure dans la procédure de Cauchon. Cependant, il semblerait que Bouillé ait arrêté l'avancée de l'enquête[11], même considérant que certains autres témoins ayant joué un rôle important dans le procès de condamnation auraient pu être entendus.

    On peut considérer son travail incomplet comme une démonstration d’une certaine légèreté marquant le traitement de certains points de la procédure de réhabilitation. A-t-on voulu passer sous silence certains aspects du passé en se rapprochant d’une manière hésitante d’un procès qui n’a réellement commencé que cinq ans après?

                Un travail énorme pour réhabiliter la Pucelle de France est réalisé par Jean Brehal et le procureur Prévosteau. Ce dernier recueille de nombreux témoignages, se rend dans plusieurs villes pour s'informer et s'instruit de l'opinion de plusieurs docteurs. Joseph Fabre considère Brehal comme «l'âme de toute la procédure». C'est lui qui, pour reprendre les mots de Fabre, assemble et formule tous les motifs de la sentence définitive.[12] Grâce aux efforts de ces hommes, on a disculpé Jeanne de ses accusations. On déclare qu'elle ne s'est pas trompée sur le fait d'avoir reçu conseil de voix divines. Elle aurait entendu ces voix venues d'en haut parce que sa virginité, son intégrité, son humilité et sa piété l'en rendaient, disait-on, digne. Il est aussi dit que cette intervention divine s'explique par le fait que la France était pour ainsi dire, au fond du baril et que Dieu a voulu intervenir pour changer les choses. Le fait que Jeanne ait quitté la maison paternelle figurait parmi ses torts et elle en fut également déculpabilisée puisqu'elle avait désobéi à ses parents seulement que pour obéir à Dieu. Concernant ses prédictions, Jeanne est également innocentée: on dit qu'elle était de bonne foi et à preuve, on souligne que la plupart se sont réalisées. Pour ce qui est du port des vêtements d'homme, cet élément d'accusation ayant ulcéré les acteurs du procès de sa condamnation, on déclare que cela n'a pas été à l'encontre des règles canoniques et des exemples des saints. La pureté de ses intentions la justifie, dit-on. Il est déclaré que c'est à tort qu'on a accusé Jeanne d'indocilité envers l'Église: elle a eu de justes craintes à l'égard d'hommes d'Église, mais a manifesté sa soumission au pape et au concile. Bref, Jeanne est pleinement réhabilitée, mais pourquoi y a-t-on mis autant d'énergie? N'était-ce pas là pour l'Église la reconnaissance d'un grand tort que de revenir sur ces graves accusations et de les lever? Pour comprendre la raison de cette volte-face surprenante, il est nécessaire de considérer le contexte différent dans lequel ont été mené les deux procès ainsi que les motivations des acteurs derrière ces événements. Grâce aux changements survenus entre temps, les gens de l'époque ont pu porter un regard nouveau sur la supposée hérétique suppliciée à Rouen.

                En 1455, la guerre de Cent Ans est terminée depuis environ deux ans et s'est soldée par une victoire française. Les Anglais défaits, la fierté française est de retour. La monarchie s'en sort renforcée. Pour appuyer ce pouvoir grandissant et cette fierté nationale naissante, il semble que redorer le blason d'une ancienne héroïne patriotique et de la montrer en personne de grande qualité semble tout à fait approprié. Qui plus est, le roi a tout avantage à ce que la personne dont il tient sa couronne soit bien vue. D'autre part, le totalitarisme ecclésiastique prévalait lors de l'époque de la condamnation de Jeanne d'Arc. Cette situation de pouvoir énorme et d'infaillibilité dont l'Église dite militante jouissait s'est effritée avec le temps. On peut donc plus facilement entreprendre la révision du jugement de culpabilité de Jeanne d'Arc, d'autant plus que certains éléments en sont maintenant caducs puisque l'Église n'a plus les mêmes dispositions qu'alors. Comme lors du procès de condamnation, on voit que les enjeux politiques, sociaux et religieux ne sont pas absents du décor des événements. 

                Le procès de condamnation avait déjà fait l'objet d'une déclaration du rapporteur Manchon qui l'avait jugé, dix ans après y avoir travaillé, mal traduit et même mensonger. On aurait selon lui tenté d'aggraver, par ces moyens peu honnêtes, la réputation, l’influence et le destin de Jeanne. La validité juridique de ce même procès sera aussi remise en doute plus tard.[13] Dans la révision, on tient rigueur à Pierre Cauchon qu'on accuse d'avoir manifesté envers l'accusée une «partialité monstrueuse». Ledit juge Cauchon aurait dû, selon les conclusions de la révision du procès, «tenir compte des protestations de Jeanne récusant son juge et faisant appel au pape.» L'empressement qu'il a eu dans les démarches pour remettre Jeanne aux Anglais est également vu comme un signe de son inacceptable partialité. Lumière est faite sur certains aveux de Jeanne qu'on a découvert comme ayant été forcés par la torture. Toutes ces accusations jugées injustifiées, ces procédures incorrectes qu'on a découvertes et toutes les autres critiques que s'est attiré le procès de condamnation font qu'il est finalement presque complètement réfuté.

    Conclusion

    En terminant, l'histoire peu commune de Jeanne d'Arc en fait un personnage historique très intéressant. Les incertitudes concernant sa vie, son destin unique, le procès douteux qui l'a condamnée, sa prétendue réapparition et sa réhabilitation révèlent que le procès n'était pas des plus neutres et laissent penser que des intérêts politiques et ecclésiastiques ont fortement intervenu dans l'histoire et ont orienté le jugement final. Chose est sûre, par ses agissements et son histoire hors du commun, Jeanne est devenue et reste comme une figure patriotique française importante, si l’on pense par exemple  à sa canonisation en 1920 qui arrive l'année même où le traité de Versailles entre en vigueur, redonnant l'Alsace-Lorraine (d'ailleurs terre natale de Jeanne la Pucelle) à la France et où des circonstances politiques, ecclésiastiques et sociales ont encore joué un rôle déterminant. 

     


    [1]              BLAIS, Jean-François, L’affaire Jeanne d’Arc, Oriflamme – Le magazine médiéval du Québec, Volume 10, Montréal, août 2003, 55 pages

    [2]               MEISSONNIER, Martin, Jeanne d’Arc – la contre-enquête – vraie Jeanne, fausse Jeanne,  Strasbourg, arte (télévision franco-allemande), 2008

    [3]              MICHAUD-FRÉJAVILLE, Françoise, Un habit «déshonnête» - Réfléxions sur Jeanne d’Arc et l’habit d’homme à la lumière de l’histoire du genre, Paris, Institut historique allemand, Francia 34/1, 2007   

    [4]               BLAIS, Jean-François, L’affaire Jeanne d’Arc, Oriflamme – Le magazine médiéval du Québec, Volume 10, Montréal, août 2003, 55 pages               

    [5]              FRAIKIN, Jean, Notice des sources du procès de condamnation de Jeanne d’Arc, dans le Colloque d’Histoire Médiévale, Orléans 1979, Jeanne d’Arc – Une époque, un rayonnement, Paris, Éditions du CNRS, 1982, 301 pages

    [6]               LETHEL, Père François Marie, La soumission à l’Église militante: un aspect théologique de la condamnation de Jeanne d’Arc dans Colloque d’Histoire Médiévale, Orléans 1979, Jeanne d’Arc – Une époque, un rayonnement, Paris, Éditions du CNRS, 1982, 301 pages 

    [7]               VALE, Malcolm, Jeanne d’Arc et ses adversaires: Jeanne, victime d’une guerre civile, dans le Colloque d’Histoire Médiévale, Orléans 1979, Jeanne d’Arc – Une époque, un rayonnement, Paris, Éditions du CNRS, 1982, 301 pages

    [8]               GUILLEMAIN, Bernard, Une carrière: Pierre Cauchon, dans le Colloque d’Histoire Médiévale, Orléans 1979, Jeanne d’Arc – Une époque, un rayonnement, Paris, Éditions du CNRS, 1982, 301 pages

    [9]               LETHEL, Père François Marie, La soumission à l’Église militante: un aspect théologique de la condamnation de Jeanne d’Arc dans le Colloque d’Histoire Médiévale, Orléans 1979, Jeanne d’Arc – Une époque, un rayonnement, Paris, Éditions du CNRS, 1982, 301 pages 

    [10]             KENNEDY, Susan, Les 1001 jours qui ont changé le monde, Montréal, Éditions du Trécarré, 2009, 960 pages  

    11            MAROT, Pierre. Documents et recherches relatifs à Jeanne la Pucelle,Textes établis, traduits et annotés par Paul     Doncoeur et Yvonne Lanhers, Revue d'histoire de l'Église de France, 1956, vol. 42, n° 139, pp. 261-264. [En ligne] (Page consultée le 30 mars 2010)

    12                           FABRE, Joseph. Procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc, raconté et traduit d'après les textes latins officiels, 1re édition : C. Delagrave, Paris, 1888, Tome 2, pagination inconnue.

    13  CONTAMINE, Philippe. Le procès en réhabilitation de Jeanne d'Arc, Canal Académie, émission mise en ligne le 29 juin 2006. [En ligne] (Page consultée le 29 mars 2010)

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    Les années 1960 furent une décade particulièrement émouvante pour les États-Unis. Bouleversés par la mort du jeune président John F. Kennedy, critiqués pour une guerre coûteuse au Vietnam et sa ségrégation raciale, concurrencés technologiquement et idéologiquement par une Union Soviétique et ses alliés devenant de plus en plus puissants, effrayés par la peur d’une possible guerre nucléaire ou un nouveau krach boursier et mis en question par une nouvelle génération critique qui trouve le moyen de s’exprimer à l’aide des manifestations, des médias et de la culture, les États-Unis vivent une décade de grandes espérances et de grandes difficultés durant laquelle le pays tente de se redéfinir et moderniser tout en restant fidèle à ses traditions et son idéologie du rêve américain. Le travail suivant tente d’analyser de plus près comment les États-Unis ont relevé ces défis et s’ils avaient réussi leur tâche de transformation. Cet exposé met un accent particulier sur la jeunesse de plus en plus contestataire vers la fin de la décennie tout en liant ses mouvements avec le contexte politique et le contexte culturel d’après le fameux slogan ou cliché «sex, drugs and rock ‘n’ roll». Ce travail est divisé en plusieurs parties en débutant par une introduction décrivant brièvement le développement culturel et politique des États-Unis après la Deuxième Guerre mondiale qui a mené à cette vague de révoltes vingt ans après en mettant l’accent sur les premiers succès du rock ‘n’ roll, les nouvelles vedettes de Hollywood, la «Beat Generation» et d’autres influences culturelles. Par la suite, j’aimerais mettre l’accent sur la situation politique, économique et enfin culturelle des États-Unis durant les années 1960 tout en décrivant les causes, pensées et influences qui expliquent l’émergence de cette jeunesse contestataire. Ensuite, je vais tenter de conclure, analyser et expliquer les éléments les plus importants et mon point de vue personnel. Enfin, j’aimerais comparer comme ouverture brièvement cette jeunesse avec les mouvements de révolutions générales un peu partout sur la planète, par exemple par rapport aux manifestations révolutionnaires du mai 1968 en Europe et particulièrement en France et en Allemagne, mais aussi par rapport à la Révolution tranquille au Québec en abordant aussi brièvement la continuation de la jeunesse contestataire est sa perception d’aujourd’hui.

    En 1945, les États-Unis étaient sortis comme l’un des grands gagnants et libérateurs de la Deuxième Guerre mondiale en Europe et le pays, surtout ses soldats, bénéficia d’une image assez positive qui fut d’ailleurs déjà bouleversée pour certains avec l’emploi des deux bombes atomiques au Japon peu après la capitulation de l’Allemagne. Plusieurs personnes voyaient ici déjà la preuve que les États-Unis étaient devenus l’état le plus fort de la planète et que celui-ci disposait de moyens dont tous les autres pays de l’époque n’avaient pas encore accès, ce qui créa un déséquilibre. Vu que le pays ne montra pas de scrupule d’employer ces deux armes dévastatrices, on craignait déjà les conflits à suivre malgré l’euphorie de l’après-guerre. En effet, la dégradation des relations avec l’Union soviétique, le seul pays qui pouvait empêcher un déséquilibre mondial et une prédominance américaine ce qui fit du pays une malédiction et une bénédiction en même temps pour beaucoup de gens, et la division du monde en un camp capitaliste et un camp socialiste causa de nouveaux conflits qui menèrent vite à ce qu’on appelle aujourd’hui la guerre froide où les deux idéologies ne s’affrontèrent pas directement, mais dans des guerres proxy dont la première et une des plus fameuses fut celle de la Guerre en Corée. Celle-ci fut très coûteuse pour les États-Unis non seulement concernant les vies des soldats, mais surtout en ce qui concerna l’image et la crédibilité de la nation. Cela se manifesta surtout en ce qui concerne le personnage du général Douglas MacArthur: il était un des grands héros de la Deuxième Guerre mondiale, mais lors de la Guerre en Corée, il s’opposa contre son propre président, envahit le territoire de la Corée du Nord au lieu de simplement repousser l’agresseur, songea même à employer une bombe atomique ou nucléaire et provoqua ainsi l’entrée en guerre de la Chine qui se sentait menacée. Le résultat de cette guerre était non seulement la réputation défaite du général, mais aussi une prolongation inutile des hostilités qui finirent après trois ans comme elles avaient commencé. Il n’y avait pas de véritable gagnant, ni de perdant et la Corée reste jusqu’aujourd’hui marquée par cette guerre, car elle est toujours séparée, officiellement encore en état de guerre, car on n’avait signé qu’une armistice et les soldats américains sont encore aujourd’hui présents sur la péninsule pour faire des parades militaires et assurer la sécurité de la Corée du Sud, ce qui isole davantage la Corée du Nord, crée toujours des tensions et est un des facteurs qui empêchent la possibilité d’une réconciliation ou réunification des deux pays. Mais, il y avait aussi de l’angoisse et de la tension à l’intérieur des États-Unis, si on prend la période du maccarthysme comme exemple où une véritable peur rouge et chasse aux sorcières créa une ambiance anticommuniste et une vraie manie de la persécution qui détruisit d’ailleurs la vie de plusieurs victimes innocentes accusées grâce à des fausses preuves et témoins manipulés d’être des collaborateurs ou même espions communistes. Un autre problème intérieur fut la ségrégation raciale qui s’améliora seulement peu, malgré l’intégration des Afro-américains au sein de l’armée et le succès de plusieurs vedettes noires notamment dans la musique contemporaine comme Chuck Berry ou Little Richard. Ces deux vedettes faisaient parties d’un nouveau genre musical, le rock ‘n’ roll, basé sur le «rhythm and blues» autant que le «country», le «blues» et d’autres sous-groupes. Ce mouvement divisa le pays en deux parties. Les jeunes étaient prêts à se faire changer d’idées, à s’échapper de la réalité d’un pays conservateur de plus en plus menacé, impliquée dans des guerres et dans la voie d’une course aux armements, tandis que les personnes plus âgées ne donnaient pas de chance à ce nouveau genre car il était partiellement basé sur la musique des Afro-américains et car ils craignaient que ce nouveau genre de musique pourrait devenir une révolution culturelle dangereuse pour l’état de plus en plus conservateur qui voulait empêcher tout risque de faiblesse ou instabilité face à la menace communiste qui demandait un maximum de concentration. En plus, les adversaires de ce mouvement critiquaient la lutte pour les vedettes par rapport au système de la payola, un ensemble de paiements effectués par une maison de disques à des stations de radios pour faire jouer leurs artistes, ce qui causa une manipulation et corruption affectant énormément la réputation du genre. En plus, plusieurs vedettes du rock ‘n’ roll étaient arrêtées, souvent par erreur, pour une consommation de drogues ou des bagarres, par exemple Carl Perkins, mais aussi Ray Charles ou Johnny Cash. Lorsque les trois vedettes Buddy Holly, Ritchie Valens et Big Bopper décédèrent le 3 février 1959 lors d’un accident d’avion, une journée qui est encore aujourd’hui appelée «the day that the music died», ce qui signifie littéralement «la journée durant laquelle la musique mourait», les adversaires de ce genre musical espérèrent que cela signifia la fin du rock ‘n’ roll. Ils semblaient avoir raison, car plusieurs artistes s’orientèrent vers d’autres genres et ce n’était que grâce à l’influence anglaise et le succès de nouveaux groupes tels que les Rolling Stones et les Beatles, qui se firent dire au début que le genre de musique qu’ils voulaient jouer n’était plus moderne et ne se vendait pas bien, que le genre reconnût une certaine renaissance qui influença par la suite largement la jeunesse contestataire. La fin des années 1950 fut aussi celle de la «Beat Generation» qui rejetta la société américaine de son temps. Les révoltés, appartenant souvent à la classe moyenne, exprimèrent leurs sentiments dans des formes musicales comme le jazz, des formes religieuses comme le bouddhisme ou encore des formes cinématographiques en voyant en des acteurs tels que Marlon Brando dans «L’Équipée sauvage» de 1953 ou James Dean dans «La Fureur de vivre» en 1955 des icônes d’un changement. Par contre, l’origine de ce genre est purement littéraire et le nom fut défini par les auteurs principaux du genre comme Jack Kerouac, Allen Ginsberg et William S. Burroughs pour un peuple en rythme, euphorique après la fin de la guerre vivant une nouvelle ère de prospérité, mais aussi pour un peuple fatigué et usé des nombreux conflits. Vu que certaines publications des auteurs traitant des sujets comme la vie durant la guerre froide, le bouddhisme ou l’existentialisme influencé notamment par des auteurs français tels qu’Albert Camus, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir qui étaient idéologiquement plutôt gauchistes, furent considérés comme trop obscènes, il y avait même plusieurs procès juridiques menés contre certains auteurs, mais ceux-ci furent libérés des accusations et permirent ainsi une plus grande liberté de presse et de publications généralement dans le pays. Ce mouvement était d’ailleurs encore mal vu par les forces conservatrices et les personnes plus âgées, car plusieurs auteurs prenaient fréquemment de drogues. Ce mouvement prépara idéologiquement le champ pour les hippies et même le Youth International Parti, un parti politique antiautoritaire créé en 1967 par des hippies intellectuels. Un autre genre littéraire fameux de l’époque était celui de la science-fiction, plus précisément de la dystopie. Ce genre présenta souvent un monde sombre et imaginaire ou un pays connu dans un temps futur où tout le monde est égal, mais d’une telle sorte que l’individu ne peut plus s’exprimer et doit se soumettre à un état autoritaire et bien défini. Des sujets tels que la guerre nucléaire, l’extrémisme et la rébellion de l’individu sont abordés dans des romans tels que «Le meilleur des mondes» d’Aldous Huxley (paru en 1932 en Angleterre), «1984» de George Orwell (publié en 1949 en Angleterre), qui avait d’ailleurs aussi écrit le livre anti-staliniste «La Ferme des Animaux» peu avant, et aux États-Unis surtout «Fahrenheit 451» de Ray Bradbury (publié en 1953). Ce dernier livre raconte l’histoire d’un pompier qui doit brûler des livres des rares personnes intellectuelles afin de protéger l’état et qui, fasciné par une jeune femme qui se révolte et de plus en plus fatigué de la vie avec sa femme suicidaire qui ne vit que pour des émissions télévisées ressemblant à des jeux de rôles sans établir aucun lien avec son mari, se laisse tenter de lire des livres interdits. Il se fait trahir par sa femme et poursuivre par ses propres supérieurs avant de s’enfuir dans la forêt où il décide de vivre dans une sorte de commune intellectuelle d’où il suit le début d’une guerre nucléaire. Ces livres reflétèrent bien les sentiments de la future jeunesse contestataire qui craignait la guerre et se sentait soumise à un état trop puissant. Mais il y avait encore d’autres productions littéraires d’après-guerre. Yves-Henri Nouailhat décrit dans son livre «Les États-Unis de 1917 à nos jours» que ces productions sont dominées par une «quête d’identité» et mentionne «L’attrape-cœurs» (1951) ainsi que «Franny et Zooey» (1961) de l’auteur américain J.D. Salinger.

    La décennie suivante fut marquée par des changements importants. Sur le plan politique, quatre présidents différents marquèrent les États-Unis durant les années 1960 dont le plus populaire était sans aucun doute John F. Kennedy. Élu de justesse, il apporta une vague de fraîcheur dans la politique américaine et fut surtout aimé par la jeunesse en quête de plus de liberté et de paix qui avait été influencé par la vague du rock ‘n’ roll. Kennedy fut le plus jeune président élu du pays, le premier président catholique et un partisan de la détente avec l’Union soviétique, de l’interdiction de la ségrégation des races et des programmes spatiaux incluant le progrès scientifique. Yves-Henri Nouailhat décrit que selon Kennedy, «l’Amérique a une mission à accomplir: défendre la liberté partout où elle est menacée» en prenant ainsi la tête du monde libre. Mais ce président qui incarna le changement eut de la difficulté à établir cette tâche, car six coups d’État ont lieu sur le continent américain et forcent le président à tolérer des régimes non démocratiques. La menace la plus importante vint d’ailleurs de Cuba qui avait vécu une révolution victorieuse durant laquelle Fidel Castro avait pris la place du dictateur Batista, qui fut soutenu par les États-Unis qui avaient pris auparavant une influence majeure sur la guerre d’indépendance cubaine. Kennedy donna son d’accord au CIA de renverser le jeune régime de Castro qui envoya 1400 Cubains anticastristes dans la baie des Cochons le 17 avril 1961, mais le peuple cubain resta fidèle à Castro et la mission fut un grand échec avec des conséquences très graves, car Castro chercha maintenant davantage la protection de l’Union soviétique, ce qui mena à la crise des missiles de Cuba un an plus tard. La planète semblait être sur la veille d’une guerre nucléaire, mais Kennedy réussit de corriger son mauvais choix et de calmer la situation en assurant de ne pas tenter d’envahir le Cuba et en retirant secrètement des missiles américaines en Turquie. Un an plus tard, Kennedy intervint à Berlin-Ouest où il empêcha les Soviétiques d’occuper entièrement la ville et où il prononça son fameux discours qui finit avec les mots: «Ich bin ein Berliner.» avec lesquels il démontra sa solidarité face à la ville divisée et assiégée depuis dix-huit ans. Robert Pearce décrit même dans le livre «Les 1001 jours qui ont changé le monde» que Kennedy «ne fut pas directement à l’origine de la réunification allemande en 1990, mais sans une telle prise de position publique de l’Ouest, cette réunification aurait été plus improbable». L’ambiance dans les États-Unis devint de plus en plus optimiste et ouverte d’esprit suite à la guerre nucléaire évitée et ce fameux discours, il y avait une sorte de nouvel espoir qui se créa au sein de la population qui influença aussi la situation des Afro-américains qui commencèrent à se révolter contre la ségrégation raciale et qui furent animés par le fameux discours de Martin Luther King devant 200,000 manifestants dans la capitale américaine lorsqu’il prononce son fameux «I have a dream». Mais cette nouvelle euphorie politique et sociale fut sauvagement détruite avec l’assassinat de John F. Kennedy dans sa limousine à Dallas au Texas, un meurtre autour duquel plein de théories et hypothèses émergent encore aujourd’hui. Ce ne fut pas le seul personnage qui fut assassiné durant cette décennie, car Malcolm X, militant des droits de l’homme qui, contrairement à Martin Luther King qui fut assassiné en 1968, ne favorisait pas la révolution tranquille, mais des moyens plus drastiques comme la formation d’un état noir indépendant, se fit assassiner en 1965. Le quatrième personnage important qui se fit assassiner durant ce siècle fut Robert F. Kennedy, frère de John F. Kennedy, qui était sénateur de l’État de New York jusqu’à sa mort en 1968, mais qui avait aussi des ambitions à devenir un candidat pour les élections présidentielles. Ce ne sont pas seulement ces quatre assassinats qui transformèrent l’état d’euphorie en un état de tragédie, mais aussi les escalades de la guerre du Vietnam dans laquelle les États-Unis s’engagèrent définitivement sous le nouveau président Johnson et qui devint, comme la guerre en Corée, une guerre sans fin et sans résultats satisfaisants.

    Sur le plan économique, la guerre du Vietnam causa également beaucoup de pertes aux États-Unis. Durant la deuxième moitié de la décennie, la croissance économique américaine se fit dépasser par des pays de la Communauté européenne et même celle du Japon qui s’était bien rétabli de sa défaite durant la Deuxième Guerre mondiale. Selon les statistiques, le budget de la Défense représenta 45 à 50 pourcent du budget fédéral et les nombreuses dépenses développèrent une inflation qui augmenta assez drastiquement vers la fin des années 1960 après une période de prospérité. Averti du krach boursier et de la Grande dépression, la population trouva ainsi une autre raison pour contester la guerre et exprimer son mécontentement.

    Sur le plan social et culturel, les États-Unis vécurent de nombreux événements. Les mouvements féministes devinrent de plus en plus forts, soutenus par la commercialisation de la pilule contraceptive en 1960 qui fut le moteur des femmes pour se détacher d’une vision conservatrice et religieuse de leurs rôles. Avec la renaissance du rock ‘n’ roll durant la décennie, au début grâce à des groupes anglais tels que les Rolling Stones et les Beatles et ensuite Jimmy Hendricks, Bob Dylan et surtout les vedettes féminines Joan Baez et Janis Joplin, les femmes célébrèrent une toute nouvelle liberté sexuelle et levée des tabous qui initia le mouvement de la jeunesse contestataire à développer un sens critique envers des sujets d’actualité. Ce nouveau sentiment de liberté se démarqua aussi dans la célébration de l’alcool et des drogues en lien avec la musique. Le premier festival international de musique pop de Monterey en 1967 et par la suite le fameux festival de Woodstock en 1969 devinrent des véritables lieux de cultes où la nouvelle génération s’échangea et manifesta ses opinions. Cette nouvelle liberté fut aussi soulignée par le développement de plusieurs nouveaux styles musicaux qui réinventèrent le vieux rock ‘n’ roll, comme par exemple le rock progressif qui mêla les influences de la musique zen et folklorique avec la musique rock. Les camps des hippies et des rockers formèrent ainsi dès maintenant une force unie, un nouveau mouvement contestataire. Ce genre de musique fut également ouvertement influencé par la prise de drogues en essayant d’atteindre une ouverture de conscience maximale. Cet effet psychédélique se retrouva dans les premiers succès de groupes tels que les groupes anglais Pink Floyd, Deep Purple, Led Zeppelin et King Crimson ou aussi le groupe néerlandais Golden Earring aux États-Unis, malgré que des groupes de ce genre ne se formèrent que plus tard en Amérique du Nord comme Kansas aux États-Unis, Rush au Canada et Harmonium au Québec. En même temps, vers la fin des années 1960 et le début des années 1970, se créa aussi le style du heavy metal avec des pionniers américains tels que Blue Cheer et des pionniers anglais tels que Black Sabbath qui démontra la tendance des artistes et de la population d’aller toujours plus loin et d’expérimenter encore plus, un peu d’ailleurs comme les dirigeants des États-Unis qui voulaient toujours aller plus loin par rapport à la conquête spatiale en même temps et réussirent de rattraper les Russes qui avaient envoyé le premier satellite en 1957, le premier être vivant durant la même année et le premier être humain dans l’espace en 1961, tandis que les États-Unis envoyèrent le premier être humain sur la lune en 1969. Ce mouvement de la contre-culture américaine influença aussi le cinéma. Le Nouvel Hollywood se créa grâce au film «Easy Rider» célébrant également la liberté sans limites et montrant l’image d’une Amérique conservatrice et raciste. Des films tels que «Bonnie et Clyde» et «Le Lauréat» avaient déjà présenté auparavant ce nouveau visage des États-Unis. Ce nouveau style fut souvent marqué par une construction de film atypique, une rompure avec le système de production de divertissements et un accent mis sur le réalisateur au lieu du producteur. Également influencée par la «Beat Generation», les romans dystrophiques et des nouveaux philosophes plutôt gauchistes, de nombreux œuvres littéraires critiques comme «L’Homme unidimensionnel» d’Herbert Marcuse (publié aux États-Unis en 1964) furent écrits et des héros anti-américains tels que Che Guevara devinrent de véritables figures de cultes et moyens de provocation utilisés par la jeunesse américaine à l’exemple de leurs confrères et consœurs européens, notamment français, qui étaient impliqués dans les mouvements de révolte en mai 1968. La société américaine, marquée par un certain désintérêt envers les nombreuses guerres et complications diplomatiques sans fin, était auparavant plus concentrée sur le fait de rester fidèle à la patrie et de combattre toutes les influences étrangères qui étaient généralement mal vues. Une certaine xénophobie, surtout envers les immigrants, la population noire, les homosexuels et les gauchistes ou progressistes avait lieu. Cette période de renfermement, comparable au terme de la période Biedermeier dans les états de la Confédération germanique et l’Autriche entre le Congrès de Vienne en 1815 et le début de la Révolution de 1848 qui était marqué par un certain désintérêt politique et une attitude conservatrice, fut interrompue par le jeune et dynamique président John F. Kennedy qui a su motiver les jeunes à s’intéresser de plus en plus pour les affaires politiques et à s’ouvrir à ce qui se passe dans le monde. Ainsi, l’intérêt de la population pour la guerre du Vietnam est beaucoup plus élevé que celui pour la guerre en Corée. Les années 1960 furent non seulement une révolution culturelle générale, mais aussi une période d’émancipation et de libérations pour plusieurs couches de la société américaines bien précises comme entre autre les femmes. Pour les immigrants noirs et les Afro-américains aux États-Unis, l’indépendance de plusieurs colonies africaines au début de la décennie fut célébrée et perçue comme un signe encourageant, ainsi que les discours de Martin Luther King et Malcolm X. Malgré une hausse de la popularité du Ku Klux Klan, même si celle-ci fut beaucoup moins importante que durant les années 1920 où l’organisation suprématiste blanche protestante des États-Unis eut jusqu’à six millions de membres, qui était responsable pour la mort et la torture cruelle de Charles Eddie Moore et Henry Hezekiah Dee qui eut lieu le deux mai 1964 dans l’État de Mississippi, cette même année marqua la fin de la ségrégation raciale grâce à une loi initiée par John F. Kennedy et finalisée par le nouveau président Johnson. Durant la même année, Sydney Poitier est le premier acteur noir à recevoir un Oscar et Cassius Clay, converti plus tard à l’Islam sunnite et s’appelant Muhammed Ali, devint champion mondial de la boxe et obtint une réputation et attention internationale. Au Mississippi, un des États les plus conservateurs de l’époque où le Ku Klux Klan avait une grande influence, un homme blanc est accusé en 1966 d’avoir violé une femme noire et est mis en prison pour une sentence à vie au lieu de subir une peine de mort. Les conditions et l’acceptation du peuple noir dans le pays progressèrent énormément durant les années 1960 et les présidents Kennedy et Johnson travaillèrent beaucoup plus proches avec les intellectuels Afro-américains qu’aucun autre président auparavant. En ce qui concerna la liberté sexuelle et l’acceptation des homosexuels, les émeutes de Stonewall au Greenwich Village en 1969 dans la Christopher Street (le Christopher Street Day étant aujourd’hui une journée de fête pour les tous gais et lesbiennes du monde) contre un raid de police composé de policiers racistes furent souvent aperçus comment le moment symbolique qui marqua le début du mouvement des droits civiques pour les homosexuels partout au monde. Les États-Unis étaient donc transformés par bien plus de choses que par ce qui proclame le fameux slogan «sex, drugs and rock ‘n’ roll». Grâce aux militants de droits civiques pour les Noirs, femmes ou homosexuels, le pays réussit véritablement à se moderniser tout en restant fidèle au rêve américain qui permit dès ce moment-là la réalisation de chacun et chacune comme Martin Luther King dit: «J’ai fait un rêve. Ce rêve est profondément enraciné dans le rêve américain. Je rêve qu’un jour cette nation se lèvera et qu’elle exprimera le vrai sens de sa philosophie: nous tenons ces vérités pour évidentes, celles que tous les hommes ont été créés égaux.» Grâce à une nouvelle fraîcheur dans la politique américaine et dans la jeunesse contestataire qui décida de s’impliquer au lieu de se taire pour justement faire fonctionner le système démocratique que le pays chercha tant à glorifier et épandre, le peuple et la politique prirent conscience des événements en dehors de leur propre pays et s’approchèrent sur une base nouvelle. Dans une période de guerres qui menacèrent le sort du monde, il fut primordial de célébrer davantage le «peace and love» des hippies et de proclamer la liberté inconditionnelle qui donne jusqu’aujourd’hui aux États-Unis encore la réputation d’être le pays des possibilités illimitées, même si cette attitude plutôt paisible des années 1960 se modifia lors de la prochaine décennie qui vit plusieurs manifestations sanglantes et confrontations brutaux entre des étudiants et la police. Le président Nixon fut critiqué pour ces actions et ordres par les jeunes contestataires qui se fâchèrent d’autant plus lorsque Nixon hésita de retirer honnêtement les troupes américaines du Vietnam. Même si certaines personnes critiquent davantage la consommation élevée de drogues, une levée exagérée des tabous ou cette vague de violence plus loin et une levée exagérée des tabous, il est certain que le pays avait besoin de cette liberté provocatrice, dont certains abusaient sans aucun doute, pour se moderniser. J’irais même si loin de dire que cette petite ère de révolution était une conséquence logique après tant d’années de guerres. Selon moi, les années 1960 furent la décennie la plus importante culturellement de tout le vingtième siècle mondialement et en Europe et aux États-Unis spécialement.

    Pour en finir, il est intéressant de comparer la jeunesse contestataire des États-Unis avec quelques autres révolutions dans le monde à travers les années 1960. Si l’on compare les événements aux États-Unis avec les événements du mai 1968, il faut constater que la jeunesse contestataire, influencée par les hippies, était beaucoup plus calme et paisible que celle en Europe qui n’hésita pas à faire des grèves et à attaquer des autorités de l’État ou d’aller manifester violemment. Tandis que les événements aux États-Unis n’eurent pas d’impact politique majeur direct, malgré la fin de la guerre du Vietnam durant les années 1970, la France et l’Allemagne furent particulièrement bouleversées. En France, Charles de Gaulle démissionna peu après les révoltes et un mouvement gauchiste s’établit en France et le parti socialiste gagna de plus en plus d’influence. Valéry Giscard d’Estaing devint ainsi en 1981 président de la Cinquième République. En Allemagne, la Fraction armée rouge se forma en 1968 et présenta un mouvement de guérilla urbaine d’extrême-gauche commettant plusieurs attentats et bouleversant le pays qui vécut déjà énormément de problèmes étant une zone de tampon séparée en le bloc capitaliste et le bloc communiste. En allant géographiquement plus proche des États-Unis, on peut constater une Révolution tranquille au Québec durant les années 1960. Celle-ci fut moins violente qu’en Europe, mais plus profonde qu’aux États-Unis, car le Québec avait été largement influencé par l’Église catholique et une politique renfermé et autonome de Maurice Duplessis auparavant. Cette révolution servit aussi à construire une nouvelle identité nationale québécoise et est la révolution la plus appréciée de mes quatre exemples en ce qui concerne l’opinion publique et le jugement des médias et sociologues. Malgré les actes terroristes provoqués par le Front de libération du Québec, comparable à l’idéologie de la Fraction armée rouge en Allemagne, dont certains membres ont pu quitter la prison, sont réhabilités et ont même regagné une certaine influence politique comme dans le cas de Paul Rose, qui avait pris la tête du Parti de la démocratie socialiste pendant six ans à partir de 1996, la Révolution tranquille est considérée comme une libération et redéfinition nécessaire. La révolution du «peace and love» et du «sex, drugs and rock ‘n’ roll» aux États-Unis reste jusqu’aujourd’hui moins bien aperçue à cause de sa levée extrême de tabous et les révoltes en France et en Allemagne sont jugées différemment par les sociologues, historiens et politiciens. Tous ces exemples démontrent qu’une bonne partie des sociétés occidentales ont été bouleversées, modernisées et transformées durant les années 1960 et que la jeunesse contestataire est peut-être une des plus connues à cause de son contexte culturel ayant influencé la musique, la littérature et le cinéma de l’époque, mais aussi une des moins drastiques et provocatrices finalement. En plus, il ne faut pas faire l’erreur de contribuer le progrès des droits civils des Noirs directement avec les initiatives de la jeunesse contestataire qui critiquait plus précisément la guerre, l’impérialisme américain et l’insouciance écologique, ce qui rend le mouvement de la jeunesse moins global et profond. C’est plutôt le contraire, car des gens comme Martin Luther King étaient des symboles importants pour la génération du «peace and love» et ont indirectement influencé la jeunesse contestataire. On peut donc parler de ce que j’appellerais plusieurs petites révolutions bien différentes au sein des États-Unis durant les années 1960, tandis que les révolutions en Europe ou au Québec étaient plus globales et complètes.

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    Suite à la chute du bloc de l’est en 1991 qui mit fin à la guerre froide, à l’exception de quelques conflits toujours existants dans certains pays restés communistes, notamment la Chine avec laquelle les relations se normalisent, le petit voisin Cuba duquel on reste méfiant mais auquel on s’est habitué au fil de l’histoire et surtout la Corée du Nord qui reste fidèle à son idéologie, les Étas-Unis devinrent la seule superpuissance mondiale, selon Pierre Mélandri «un empire du milieu autour duquel gravite le monde». Ce travail tente d’analyser la politique extérieure des États-Unis sous les présidents William Jefferson «Bill» Clinton, George Walker Bush et Barack Hussein Obama II après la fin de la guerre froide avant de décrire quelle direction la politique extérieure des États-Unis pourrait prendre pour le vingt-et-unième siècle après une décennie d’expériences.

                En premier lieu, il faut mentionner que certains éléments majeurs de la politique étrangère après la chute de l’Union Soviétique étaient déjà en développement vers la fin de la guerre froide. La guerre contre la drogue en est un bon exemple. L’action militaire la plus connue attribuée à ce nouvel ennemi sans visage concret était d’ailleurs l’invasion du Panama entre le 20 décembre 1989 et le 31 janvier 1990. L’«Opération Just Cause», dont le nom indique déjà à quel point les États-Unis étaient convaincues de la justesse de leur intervention, ce qui éprouve une très bonne estime patriotique et idéologique souvent interprétée comme une sorte d’arrogance et d’imposition par la force, déposa le dictateur Noriega de son pouvoir après avoir été accusé d’être un agent communiste double et d’être impliqué dans le trafic de drogues malgré son travail antérieur pour les États-Unis, notamment pour le «CIA» et la «Drug Enforcement Administration», pour réduire le trafic de drogues et pour promouvoir les intérêts américains en Amérique centrale. À part de la lutte contre le trafic de drogues et la protection de la neutralité du canal de Panama, le président George H. W. Bush défendit l’intervention militaire pour les raisons de la sauvegarde de la vie des citoyens des États-Unis au Panama et la défense de la démocratie et les droits de l’homme, deux éléments de justification qui revinrent souvent au cours de futurs conflits. L’occupation du Panama qui cause de nombreuses victimes civiles, des pillages et une époque d’anarchisme fut malgré tout appelée «Promote liberty», une idée de laquelle les États-Unis sont jusqu’à nos jours encore profondément convaincues et que le pays tente de réaliser à n’importe quel coût. Suite à cette intervention, des pays tels que la Colombie, le Pérou et la Bolivie furent surveillées de plus près et même pénalisés économiquement sous Clinton. Celui-ci mena une politique extérieure plutôt calme et distante en voulant se concentrer sur les problèmes internes du pays après la disparition du grand ennemi communiste. Clinton tenta de collaborer de plus près avec les Nations Unies, par exemple lors de l’«Opération Restore Hope» en Somalie en 1993 qui devint, malgré quelques succès comme la construction de routes et l’établissement d’écoles et d’orphelinats provisoires, un échec complet. Cet échec démarqua le début d’une période moins interventionniste des États-Unis tout au long des deux mandats de Clinton. Celui-ci fut un président plutôt diplomatique qui s’intéressa plutôt à stabiliser l’économie grâce à l’«Accord de libre-échange nord-américain» incluant le Mexique qui entra en vigueur en 1994 et qui fut déjà préparé sous George H. W. Bush et il soutint également l’économie mondiale avec des interventions dosées dans des pays en difficultés ou en voie de développement en Asie et en Afrique. À cause des guerre culturelles, traitant des sujets comme la sexualité, la violence, le féminisme, la défense de l’environnement et des animaux, une toute nouvelle ère diplomatique, une nouvelle vague d’immigrants, le développement de nouveaux mélanges culturels en voie pour ce que l’on appelle la mondialisation et une opposition forte de la part des Républicains dans le Sénat, Clinton fut obligé de se concentrer sur une forte politique interne. Clinton perdit beaucoup de crédibilité avec «l’affaire Monica Lewinsky» et fut encore plus bloqué politiquement vers la fin de son deuxième mandat.

                Vers le début du nouveau millénaire, les États-Unis connurent une période de paix, stabilité et prospérité et Clinton incarna cette tranquillité. Par contre, cette prospérité causait une certaine inflation, le faussé entre les plus riches et les plus pauvres s’agrandissait, le taux de chômage augmentait tranquillement. Malgré quelques ralentissements de l’aggravation des problèmes, le manque d’initiatives et de solutions du nouveau président George W. Bush, ayant gagné les élections présidentielles malgré certaines anomalies contestables en Floride, mena vers une crise économique mondiale vers la fin de son mandat en 2008. Ses deux mandats furent marqués par une guerre contre le terrorisme à l’aide d’un contingent militaire maintenu élevé, malgré l’époque pacifique sous Clinton et du renforcement du Département de la Défense des États-Unis. Selon Colin Powell, ancien militaire et Secrétaire d’État, la nouvelle politique extérieure des États-Unis chercha à surmonter les différences entre les pays et cultures au lieu de sauver ces particularités en favorisant l’unilatéralisme plutôt que la diplomatie. Le nouveau gouvernement, contrairement à celui de Clinton, ne chercha qu’à s’approcher principalement des pays qui se développèrent le mieux comme la Chine, l’Inde et la Russie, tandis que l’Europe fut plutôt considérée comme un grand ensemble de pays partenaires sans expliciter leurs particularités. Selon Noam Chomsky, les États-Unis percevaient comme communauté internationale seulement les pays étant d’accord avec les idées principales des États-Unis. Cette attitude explique largement les interventions américaines en Afghanistan et en Irak suite aux attentats terroristes du 11 septembre 2001. En ce qui concerne le premier exemple, les États-Unis ne voulurent pas montrer de faiblesses et refusèrent de mener une action militaire avec les quatre-vingts pays qui offrirent leur soutien au régime dans sa légitime défense nationale, à l’exception des Britanniques et de quelques petits groupes spécialisés et limités. Cette attitude changea durant le deuxième mandat de George W. Bush lorsqu’il demanda aux Nations Unies de soutenir la démocratisation et stabilisation en Afghanistan qui n’est toujours pas atteinte. Au contraire, l’Afghanistan est déjà devenu une sorte de deuxième Vietnam, un traumatisme américain où l’idéologie américaine ne peut pas être adaptée ni par le moyen de la guerre, ni par le moyen d’une occupation qui se veut diplomatique. Lors de la deuxième intervention majeure, la guerre en Irak, le régime américain s’isola encore plus en attaquant le pays sans passer par l’autorisation du Conseil de Sécurité et sans fournir des épreuves pertinentes pour une menace des armes de destruction massive qui ne furent d’ailleurs jamais trouvées. Cette intervention fut encore un échec plus considérable pour le gouvernement de George W. Bush. Depuis la guerre, l’Irak se retrouve quasiment dans un état de guerre civile avec des attentats meurtriers quotidiens, de nombreux pillages, de nombreux sans-abris et fugitifs traversant illégalement la frontière envers d’autres pays et quant à la politique extérieure, une bonne partie du monde perçut le gouvernement américain comme une unité basée sur des interventions unilatérales, agressives et délibérées qui déstabilisèrent la diplomatie et la paix mondiale. En stigmatisant l’Irak, l’Iran et la Corée du Nord comme «l’axe du mal», en appuyant en même temps financièrement et militairement la Corée du Sud et l’Israél  et en envahissant l’Irak, le gouvernement américain poussa les pays mentionnés à s’isoler davantage et à s’extrêmiser. Tandis que la Corée du Nord sous Kim Jong Il s’était échangée de plus près avec le gouvernement de Clinton qui avait accepté certains compromis et rapproché le pays divisé vers une possible politique d’apaisement, le pays se retira complètement suite à ces discours provocateurs et investit davantage dans le militaire et dans des programmes spatiaux et nucléaires. Par rapport à l’Iran, les États-Unis acceptèrent le programme nucléaire de l’Israël comme légitime défense et n’intervinrent pas non plus concrètement aux expansions territoriales aux dépens des droits de l’homme et la liberté du peuple palestinien et envahirent en plus le pays voisin de l’Iran, ce qui fut une sorte de triple-provocation dangereuse envers l’Iran après les discours sur l’«axe du mal». Cette nouvelle politique interventionniste, agressive et anti-diplomatique détériora l’image des États-Unis vers la fin du deuxième mandat de George W. Bush et même l’adversaire politique de l’actuel président Obama, parla d’un événement historique et d’une nouvelle voie qui s’ouvrit aux États-Unis avec l’Élection du nouveau président.

                Obama fut souvent comparé à John F. Kennedy qui avait amené une certaine fraîcheur à la Maison Blanche et qui avait, estimé d’être trop jeune, différent et incompétent par ses adversaires, réussi à maîtriser la crise des missiles de Cuba. Obama donna des promesses révolutionnaires et souvent utopiques comme la fermeture de la prison de Guantanamo, en acceptant par contre celle de Bagram, en prônant le dialogue avec les ennemis du pays, mais en avertissant qu’un interventionnisme serait toujours préférable à une passivité trop dangereuse, en voulant changer avec un monde en mouvement perpétuel, tout en protégeant l’idéologie du rêve américain et celle des pères fondateurs des États-Unis, en travaillant proche de la future superpuissance Chine afin de s’adapter à une ère transpacifique, tout en envisageant de pouvoir aussi travailler seul et en critiquant l’idéologie communiste du pays. Vu de même, Obama se veut rigide et patriotique comme Bush, mais ouvert d’esprit, moderne, moins impulsif et plus diplomatique comme Clinton. Pour un président américain, il incorpore le changement, mais le reste du monde risque d’avoir de trop hautes attentes envers lui, ce qui démontra par exemple la distribution du prix Nobel de la paix à Obama, car celui-ci n’est pas assez diplomatique pour pouvoir réparer les provocations entreprises par George W. Bush envers l’axe du mal et pour régler les conflits mondiaux les plus importants, notamment en Asie et en Afrique d’une manière assez neutre. La politique étrangère américaine dépend ici de la bonne volonté de ses anciens et nouveaux adversaires et concurrents. Si ceux-ci sont prêts à faire de sacrifices et à favoriser la diplomatie, Obama pourrait tenir ses promesses et agir en tant que médiateur neutre en acceptant des pays tels que la nouvelle puissance mondiale chinoise comme un partenaire honnête, mais si les autres pays ne changent et ne se globalisent pas, il devrait continuer à agir comme interventionniste en voyant par exemple en la nouvelle puissance mondiale chinoise un concurrent. Même si ces différences ne risquent pas de mener à des conflits guerriers, aussi grâce à une population américaine plus impliquée concrètement dans des mouvements pacifiques qu’à la fameuse époque du «peace and love», elles pourraient nuire à la mondialisation et séparer la planète de nouveau en deux camps. La politique étrangère américaine risque alors de favoriser des partenariats et compromis au fur et à mesure d’atteindre un équilibre global tendu d’une poursuite accélérée de la mondialisation. Le plus grand travail idéologique du nouveau siècle sera d’ailleurs pour la société américaine d’envisager de ne plus être la superpuissance mondiale, mais un global player parmi plusieurs.

    Bibliographie

    1.      FRIESECKE, Uwe (2009), «US-Aussenpolitik auf neuen Wegen» («La politique extérieure etats-unienne sur de nouveaux chemins»), apparu sur le site politique allemand «www.solon-line.de» le 10 mars 2009, Wiesbaden, lien sur internet:

    http://www.solon-line.de/us-aussenpolitik-auf-neuen-wegen.html 

     

    2.      GOODMAN, Amy (2010), «Noam Chomsky sur la politique étrangère d’Obama, sur sa propre histoire et sur l’importance de faire entendre son opinion», apparu sur le site de «Mecano Web news» (traduction d’une entrevue lors de l’émission américaine «Democracy Now!»), le 15/20 mars 2010, New York, lien sur internet: http://mecanoblog.wordpress.com/2010/03/20/noam-chomsky-sur-la-politique-etrangere-d%E2%80%99obama-sur-sa-propre-histoire-et-sur-l%E2%80%99importance-de-faire-entendre-son-opinion-democracy-now/ 

     

    3.      Gxs/AFP (auteur inconnu), «Barack Obama – Aussenpolitik soll nach Asienreise mehr auf China ausgerichtet werden» («Barack Obama – La politique extérieure devrait être plus adaptée à la Chine après le voyage en Asie»), apparu dans le magazine hebdomadaire allemand «Focus» le 12 novembre 2009, Munich, lien sur internet: http://www.focus.de/politik/weitere-meldungen/barack-obama-aussenpolitik-soll-nach-asienreise-mehr-auf-china-ausgerichtet-werden_aid_453435.html 

     

    4.      KLOSE, Hans-Ulrich (2004), «Was will Amerikas Aussenpolitik im 21. Jahrhundert?» («Que veut la politique extérieure etats-unienne au 21e siècle?»), apparu dans le journal quotidien allemand «Hamburger Abendblatt» du 31 janiver 2004, Hambourg, lien sur internet:

    http://www.abendblatt.de/politik/ausland/article232922/Was-will-Amerikas-Aussenpolitik-im-21-Jahrhundert.html 

     

    5.      NOUAILHAT, Yves-Henri (2009), «Les États-Unis de 1917 à nos jours», les Éditions Armand Coln, Paris, 192 pages 

     

    6.      NouvelObs (auteur inconnu) (2008), «Obama changerait-il vraiment la politique étrangère des États-Unis?», apparu sur «www.nouvelObs.com», journal d’actualité en temps réel, le 12 mars 2008, Paris, lien sur internet: http://globe.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/03/11/obama-quelle-politique-etrangere.html 

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