Eklablog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

by Sebastian Kluth

08. Résumé du roman "Der Schüler Gerber" d'un point de vue socio-pédagogique (21/10/10)

 

            J’ai choisi le livre «Der Schüler Gerber» (en français: «L’élève Gerber»)  de Friedrich Torberg comme volume sur lequel je voulais faire un résumé pour trois bonnes raisons. Premièrement, ce livre est tout simplement un de mes livres préférés qui présente selon moi des personnages authentiques et touchants confrontés à des événements dramatiques. Deuxièmement, je trouve que le sujet du livre est relié au cours de l’hétérogénéité dans les classes, au baccalauréat en enseignement et ainsi aussi à ma future profession en général. Troisièmement, ce livre est un classique dans les pays germanophones, mais malheureusement méconnu à l’extérieur de ces pays et je trouve que cet ouvrage mérite d’être présenté et discuté partout où on se préoccupe des sciences de l’éducation et de la psychologie.

 

            Pour comprendre le contenu du roman, il est important de connaître son auteur. C’est pour cette raison que je vais donner une courte biographie de l’écrivain qui inclut également des faits autour du roman dont je vais parler plus en détail par la suite. Friedrich Torberg est le nom de plume de l’écrivain autrichien Friedrich Ephraim Kantor, né le 16 septembre 1908 à Vienne. Il grandit à Prague où il fut intégré dans un système scolaire arriéré et établie par la monarchie sous lequel il souffrit beaucoup. En 1927, il échoua aux épreuves finales pour obtenir le certificat de la maturité et ne passa les examens qu’en 1928. Dans ce temps-là, Torberg travailla déjà pour plusieurs journaux. Il fréquenta ensuite durant une courte période l’université de Prague pour faire des études en philosophie et peu après en droits. Après trois semestres, il fit face aux premières épreuves écrites et décida d’abandonner ses cours pour ne pas devoir faire face à ces examens, se rappelant de ses mauvaises expériences en 1927.

 

 «Der Schüler Gerber» était son premier roman, écrit en hiver 1929, qui devint un succès inattendu. Le livre fut traduit en sept langues en une année, plus tard en plus que dix langues et un film fut réalisé dans les années quatre-vingt. À nos jours, ce roman est d’ailleurs souvent suggéré comme lecture de cours de pédagogie ou de psychologie en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Suite à ce succès, les livres de Torberg, qui avait des racines juives et qui avait écrit pour des journaux sionistes radicaux, furent interdit par le régime nazi. Torberg émigra bientôt en Suisse, par la suite en France et finalement aux États-Unis et il critiqua le régime nazi par le moyen littéraire. Il ne revint dans sa ville natale qu’en 1951 où il s’impliqua politiquement et littérairement contre la nouvelle menace communiste et rédigea d’autres romans qui n’eurent pas tout à fait le même succès que son premier. Il mourut dans cette ville le 10 novembre 1979 à l’âge de 71 ans.

 

            Le roman «Der Schüler Gerber» peut être considéré comme une œuvre semi-autobiographique. Torberg fut fortement inspiré par ses propres difficultés rencontrées durant sa carrière scolaire. Il y a un événement spécial qui a largement influencé l’auteur de composer de son roman. Dans la préface de la version originale, Torberg décrit que dans la semaine du 27 janvier au 3 février 1929, dix suicides commis par des élèves en une seule semaine furent mentionnés par les journaux locaux et bouleversèrent la société.

 

            Pour comprendre le contenu du roman, il faut également parler de conditions de la société et du système scolaire de l’époque. Une décade après la fin de la Première Guerre mondiale, la vie est difficile en Autriche. L’économie se rétablit très lentement de la guerre, il est difficile de trouver un emploi et si les gens en ont un, celui-ci demande beaucoup de temps et d’investissement et les salaires sont peu élevés. Beaucoup de gens épargnent encore de l’argent pour reconstruire leurs biens et maisons qui étaient détruits ou perdus durant la guerre ou ils ont des dettes. À cause de ces nombreux problèmes-là, beaucoup d’enfants n’ont pas l’affection et l’attention nécessaire de leurs parents. Les parents sont souvent frustrés par la situation économique et politique, l’ambiance est mauvaise. La violence des pères souvent tyranniques envers les enfants est fréquente et les femmes ne s’en opposent pas parce qu’elles ont peur. Beaucoup de parents n’ont pas les moyens financiers d’envoyer leurs enfants à l’école. Les élèves qui y vont sont privilégiés et les parents s’attendent en retour que leurs enfants performent bien, réussissent leurs études et pourront trouver leurs places dans la société. La pression sur les élèves est souvent énorme. Le jugement et le rôle des enseignants décident ainsi souvent sur le futur des élèves qui sont dépendants d’eux. Certains enseignants abusent de ce pouvoir.

 

            Le roman «Der Schüler Gerber» raconte l’histoire du jeune Kurt Gerber. Le début du roman est situé vers le début de la dernière année scolaire de celui-ci et le roman finit avec la fin de l’année scolaire et le suicide tragique du personnage principal. Durant ces dix mois de l’année scolaire, le personnage principal vit des changements profonds.

 

            Kurt Gerber est un adolescent qui aime la vie, qui a quand-même un bon nombre de connaissances et d’amis dans sa classe et il est généralement un bon élève, il éprouve seulement des petites difficultés en mathématiques et géométrie. Au début de l’année scolaire, on annonce aux élèves leur enseignant titulaire qui les accompagnera durant l’année scolaire. Kurt Gerber est choqué lorsqu’il apprend que cet enseignant sera le professeur Kupfer, appelé par les élèves «Dieu Kupfer». L’élève avait passé ses vacances en famille au même endroit que le professeur et celui-ci n’avait jamais répondu aux salutations de l’élève et il s’est comporté d’une manière arrogante envers lui. Friedrich Torberg décrit l’anecdote comme suit: «Plus tard, Kupfer rencontra également le père de Kurt Gerber et ses premiers mots étaient: «Ah… Gerber? Le père de l’Octavarien?[1] Eh bien, sachiez que votre fils ne s’amusera pas avec moi. Je viendrais à bout d’un petit fruit comme lui.» Une grande agitation se créa suite à cela et son père voulait qu’il change d’école, mais Kurt lui disait que ce ne serait pas nécessaire et qu’on ne pourrait même pas savoir d’avance si Kupfer pouvait devenir l’enseignant titulaire… et maintenant, Dieu Kupfer est là! ».

 

Kupfer a donc déjà d’avance une mauvaise perception se son élève, mais Kurt Gerber veut relever le défi et ne pas changer d’école, même quand Kupfer, qui enseigne justement les mathématiques et la géométrie, lui donne déjà la note «insuffisante» lors d’une épreuve orale durant le deuxième cours. Par contre, Kurt a encore un deuxième problème. Son amie Lisa Berwald, qui lui a envoyé une carte postale durant l’été en marquant qu’elle aurait aimé passer ses vacances à la même place que lui et qu’elle aurait hâte de le revoir, a quitté la classe. Il est déstabilisé par cette mauvaise surprise, Torberg décrit la scène comme suit: «Kurt, faisant vigoureusement attention à entendre son nom mentionné au registre de Kupfer, s’attendait à entendre le nom «Berwald» et se tourna vers le bureau de Lisa. Il était vide. Dans sa stupéfaction, il n’entendit pas comment Kupfer dit: «Berwald a quitté», et n’entendit même pas que Kupfer continua dans son registre, que Blank, Brodetzky, Duffek furent appelés, il n’entendit pas le nom de Gerald ou son propre nom. Ses pensées furent bousculées et comme il avait pensé au nom de «Kupfer» auparavant, c’était maintenant autour de «Lisa» que ses pensées gravitaient dans une hectique insensée. «Lisa». Lisa, Lisa, où est Lisa…».

 

Kurt Gerber ne la rencontre qu’après quelques mois lorsqu’elle rend visite à son ancienne classe. Elle a pris un métier, a un petit ami et semble moins s’intéresser pour Kurt. Mais elle offre à Kurt de passer les vacances d’hiver ensemble avec elle et quelques autres amis et elle joue avec les sentiments de Kurt en s’approchant de lui. Le troisième grand problème de Kurt est la maladie de cœur de son père. Le médecin avait dit que chaque excitation inutile pourrait causer un infarctus mortel. Kurt décide donc de ne pas parler de ses mauvaises notes à son père et ne se confie à personne par rapport à ses problèmes scolaires. Il décide de contrefaire les signatures de son père sous ses travaux et ce n’est qu’en hiver que son père découvre la vérité. Durant le voyage bouleversant avec Lisa, Kurt reçoit une lettre de son père qui lui demande de retourner à la maison et Kurt quitte Lisa dans l’incertitude. Son père ne semble pas être trop fâché après Kurt, mais il lui demande de prendre des cours privés. Kurt décide de les prendre et travaille également davantage avec les meilleurs élèves de la classe. Cela lui cause par contre un quatrième problème. La classe avait déjà été assez bouleversée par Kupfer qui voulait éviter que les élèves se solidarisent contre lui et maintenant, les amis de Kurt se sentent trahis vu qu’il passe son temps avec les meilleurs élèves tandis que ceux-ci ne l’acceptent pas comme l’un des leurs. En plus, Benda, un des anciens camarades de classe de Kurt décède subitement, mais les élèves n’ont pas le temps de pleurer sa perte car Kupfer impose des examens et donne fréquemment des blâmes aux élèves. Kurt est isolé et décide d’arrêter l’apprentissage avec les meilleurs élèves et les cours privés. Il veut faire la fête avec les amis de Lisa Berwald, mais celle-ci ne peut pas lui offrir l’intimité qu’il recherche. Kurt devient de plus en plus sombre et rigide et perd sa virginité à une inconnue payée par lui sans le moindre sentiment de bonheur. Ce n’est que lorsque la santé de son père se détériore davantage et qu’il quitte la famille pour faire une cure, accompagné de la mère, que Kurt se réveille et se remet à faire des efforts pour l’école. Il réussit ses examens finaux écrits et il doit passer par les examens oraux comme dernière étape en avant de la classe devant plusieurs enseignants et élèves. Durant les épreuves en mathématiques et géométrie, Kupfer semble vouloir aider Kurt, mais seulement pour pouvoir dire qu’il était juste avec l’élève et que celui-ci n’a rien su. L’élève commence à mêler la matière avec sa vie réelle dans un enchaînement de pensées monologuistes que Torberg écrit comme suit: «Alors, les données sont un professeur et un élève, n’est-ce pas? L’élève se fait diviser par le professeur. Qu’est-ce qui se passe maintenant? Non, c’est tout faux. Mais le père – n’utilisez pas de tels termes, on ne dit pas: «Le père meurt». On dit: «Le père se fait réduire à zéro.»

 

Kurt est nerveux et rate ses épreuves en mathématiques, mais fait un travail moyen durant les autres épreuves. Il est par contre obsédé par son échec en mathématiques et n’est plus concentré lors des autres épreuves, tout se mêle dans sa tête, il agit mécaniquement, récite des faux textes et perçoit sa performance d’une manière extrêmement négative. Il perd complètement le sens de la réalité. Lorsqu’il quitte la classe pour attendre ses résultats, il s’isole dans un couloir, monte par une fenêtre et saute dans le vide. Ses dernières pensées et hallucinations sont particulièrement discordantes, il mêle des contenus de ses épreuves avec des discours d’enseignants et sa propre vie privée. Torberg décrit la scène finale comme suit: «… «Gerber!»… Oui, oui, j’arrive. Je suis déjà là. Pourquoi tout le monde est debout? Ah, voilà l’inspecteur Marion. Mes honneurs, cher collègue! Un élève vient d’échouer chez moi. Quoi? La vie. La vie, Franz. Complètement immature, en effet. Qu’est-ce que vous voulez encore, la vie? Non. Ca n’aurait plus de sens. Pourquoi tout le monde et si calme et me regarde? Mais oui, je le sais de toute façon. «Abeo abire», oui. Alors: Finissant, «abiturus sum»: je vais partir. Par le centre. Là, où il y a ces trois personnes, il y a une table en arrière, par-dessus la table est une fenêtre. Parfaitement au centre. Par le centre. Pst! Psst! L’indéterminable s’avance. J’arrive par moi-même, me réjouir de votre joie. Le prêtre lève ses bras: Trois fois condamné! --- «Gerber! Mon Dieu! Que faites-vous?»  Le soleil est si rouge. Il tombe sur moi, complètement… »

 

Kurt Gerber se suicide au moment que les enseignants le recherchent pour lui transmettre son résultat final. Il passe sa maturité et obtient son diplôme malgré tout, mais il est trop tard. Ici est l’ironie du destin, la composante tragique de l’histoire.

 

Ce roman décrit en détail comment un élève sain et performant peut se transformer en un individu mentalement instable en seulement une année scolaire. Le roman peut être analysé comme une plaidoirie contre la subjectivité des enseignants et les contextes d’évaluation d’apprentissages en général. Le roman démontre également à quel point la vie humaine est instable et à quel point il est facile de manipuler la population. Kupfer agit comme un dictateur mégalomaniaque qui n’accepte pas les erreurs des élèves et il semble presque que Torberg ajouterait une touche, une métaphore politique à son roman, influencé par les événements se passant en Russie et plus tard en Allemagne durant cette époque. Le roman est donc visionnaire et innovateur et il était le premier à utiliser un langage aussi simple et direct et à décrire la tragédie d’une telle histoire d’une manière réaliste sans la moindre touche poétique.

 

Torberg fait d’ailleurs attention à ne pas uniquement donner la faute à l’école, car l’élève Gerber fait de bonnes expériences avec tous les enseignants autres que Kupfer et ceux-ci lui conseillent même de changer d’école. Leur erreur est par contre de ne pas s’opposer contre Kupfer, de fuir le problème d’une manière défaitiste et de se rendre beaucoup trop tard compte à quel point certains élèves souffrent dans les cours de Kupfer. Ce dernier est un personnage qui est soi-même isolé dans sa vie privée et qui ne peut montrer sa supériorité ou valeur à travers son rôle d’enseignant dominant. Il ne perçoit pas les élèves comme des personnes, mais comme des machines qui doivent faire des apprentissages et qui réussissent ou ne réussissent pas. Lisa Kupfer est une fille qui veut être autonome et indépendante et qui ne laisse Kurt pas trop s’approcher d’elle. Son problème est qu’elle se perçoit plus mature et indépendante que les autres et ne se rend pas compte du mal qu’elle fait. Les parents de Kurt Gerber ont des soucis sérieux avec la maladie du père et ne lui adressent aucune véritable affection et ne remarquent pas qu’ils sont en train de perdre leur enfant. Ces quatre problématiques – la destruction de l’élève doué, le conflit entre l’enseignant et l’élève, l’amour fatale envers une fille et la maladie du père – mènent enfin au suicide de Kurt Gerber.

 

Pour en conclure, on peut dire que la pédagogie, la psychologie et les méthodes d’enseignement ont changé depuis 1930. La relation entre l’élève et l’enseignant est devenue plus personnel. Les élèves et les parents ont le droit de critiquer l’enseignant et de porter des plaintes efficaces. Le ministère, les conseils, les associations et les syndicats protègent les droits de tous et de toutes dans le domaine de l’enseignement. Des services tels que des psychologues et intervenants de milieu se soucient de l’état mental des élèves qui peuvent facilement chercher de l’aide aux écoles. Mais malgré tout, il est encore possible à nos jours que le comportement d’un enseignant peut affecter la santé mentale d’un élève. Les «Dieux Kupfer» de ce monde ont beaucoup diminué, mais ils existent encore. En tant que futurs enseignants, c’est notre mission d’éliminer les derniers «Dieux Kupfer» et de les remplacer par des enseignants empathiques, personnels et compétents pour encourager les élèves et éviter un drame tel qu’il l’est décrit dans le roman.

 

 

 

Bibliographie

 

1.)    REITER, Maike, «Buchanalyse: Torberg, Der Schüler Gerber», receuil de texte analytiques, 56 pages, édition GRIN, Munich, Allemagne, première édition, juillet 2007 (en allemand)

 

2.)    TORBERG, Friedrich, «Der Schüler Gerber» (L‘élève Gerber), roman, 308 pages, éditions Deutscher Taschenbuch Verlag, Munich, Allemagne, 38ème édition, septembre 2010 (version originale autrichienne de 1930) (en allemand)

 



[1] Un Octavarien est un élève qui fréquente la classe de la huitième et dernière année scolaire en Autriche. L’expression «un petit fruit» est utilisée pour décrire quelqu’un d’insolent et d’insignifiant, il s’agit d’une expression très arrogante.

 

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :