by Sebastian Kluth
Les années 1960 furent une décade particulièrement émouvante pour les États-Unis. Bouleversés par la mort du jeune président John F. Kennedy, critiqués pour une guerre coûteuse au Vietnam et sa ségrégation raciale, concurrencés technologiquement et idéologiquement par une Union Soviétique et ses alliés devenant de plus en plus puissants, effrayés par la peur d’une possible guerre nucléaire ou un nouveau krach boursier et mis en question par une nouvelle génération critique qui trouve le moyen de s’exprimer à l’aide des manifestations, des médias et de la culture, les États-Unis vivent une décade de grandes espérances et de grandes difficultés durant laquelle le pays tente de se redéfinir et moderniser tout en restant fidèle à ses traditions et son idéologie du rêve américain. Le travail suivant tente d’analyser de plus près comment les États-Unis ont relevé ces défis et s’ils avaient réussi leur tâche de transformation. Cet exposé met un accent particulier sur la jeunesse de plus en plus contestataire vers la fin de la décennie tout en liant ses mouvements avec le contexte politique et le contexte culturel d’après le fameux slogan ou cliché «sex, drugs and rock ‘n’ roll». Ce travail est divisé en plusieurs parties en débutant par une introduction décrivant brièvement le développement culturel et politique des États-Unis après la Deuxième Guerre mondiale qui a mené à cette vague de révoltes vingt ans après en mettant l’accent sur les premiers succès du rock ‘n’ roll, les nouvelles vedettes de Hollywood, la «Beat Generation» et d’autres influences culturelles. Par la suite, j’aimerais mettre l’accent sur la situation politique, économique et enfin culturelle des États-Unis durant les années 1960 tout en décrivant les causes, pensées et influences qui expliquent l’émergence de cette jeunesse contestataire. Ensuite, je vais tenter de conclure, analyser et expliquer les éléments les plus importants et mon point de vue personnel. Enfin, j’aimerais comparer comme ouverture brièvement cette jeunesse avec les mouvements de révolutions générales un peu partout sur la planète, par exemple par rapport aux manifestations révolutionnaires du mai 1968 en Europe et particulièrement en France et en Allemagne, mais aussi par rapport à la Révolution tranquille au Québec en abordant aussi brièvement la continuation de la jeunesse contestataire est sa perception d’aujourd’hui.
En 1945, les États-Unis étaient sortis comme l’un des grands gagnants et libérateurs de la Deuxième Guerre mondiale en Europe et le pays, surtout ses soldats, bénéficia d’une image assez positive qui fut d’ailleurs déjà bouleversée pour certains avec l’emploi des deux bombes atomiques au Japon peu après la capitulation de l’Allemagne. Plusieurs personnes voyaient ici déjà la preuve que les États-Unis étaient devenus l’état le plus fort de la planète et que celui-ci disposait de moyens dont tous les autres pays de l’époque n’avaient pas encore accès, ce qui créa un déséquilibre. Vu que le pays ne montra pas de scrupule d’employer ces deux armes dévastatrices, on craignait déjà les conflits à suivre malgré l’euphorie de l’après-guerre. En effet, la dégradation des relations avec l’Union soviétique, le seul pays qui pouvait empêcher un déséquilibre mondial et une prédominance américaine ce qui fit du pays une malédiction et une bénédiction en même temps pour beaucoup de gens, et la division du monde en un camp capitaliste et un camp socialiste causa de nouveaux conflits qui menèrent vite à ce qu’on appelle aujourd’hui la guerre froide où les deux idéologies ne s’affrontèrent pas directement, mais dans des guerres proxy dont la première et une des plus fameuses fut celle de la Guerre en Corée. Celle-ci fut très coûteuse pour les États-Unis non seulement concernant les vies des soldats, mais surtout en ce qui concerna l’image et la crédibilité de la nation. Cela se manifesta surtout en ce qui concerne le personnage du général Douglas MacArthur: il était un des grands héros de la Deuxième Guerre mondiale, mais lors de la Guerre en Corée, il s’opposa contre son propre président, envahit le territoire de la Corée du Nord au lieu de simplement repousser l’agresseur, songea même à employer une bombe atomique ou nucléaire et provoqua ainsi l’entrée en guerre de la Chine qui se sentait menacée. Le résultat de cette guerre était non seulement la réputation défaite du général, mais aussi une prolongation inutile des hostilités qui finirent après trois ans comme elles avaient commencé. Il n’y avait pas de véritable gagnant, ni de perdant et la Corée reste jusqu’aujourd’hui marquée par cette guerre, car elle est toujours séparée, officiellement encore en état de guerre, car on n’avait signé qu’une armistice et les soldats américains sont encore aujourd’hui présents sur la péninsule pour faire des parades militaires et assurer la sécurité de la Corée du Sud, ce qui isole davantage la Corée du Nord, crée toujours des tensions et est un des facteurs qui empêchent la possibilité d’une réconciliation ou réunification des deux pays. Mais, il y avait aussi de l’angoisse et de la tension à l’intérieur des États-Unis, si on prend la période du maccarthysme comme exemple où une véritable peur rouge et chasse aux sorcières créa une ambiance anticommuniste et une vraie manie de la persécution qui détruisit d’ailleurs la vie de plusieurs victimes innocentes accusées grâce à des fausses preuves et témoins manipulés d’être des collaborateurs ou même espions communistes. Un autre problème intérieur fut la ségrégation raciale qui s’améliora seulement peu, malgré l’intégration des Afro-américains au sein de l’armée et le succès de plusieurs vedettes noires notamment dans la musique contemporaine comme Chuck Berry ou Little Richard. Ces deux vedettes faisaient parties d’un nouveau genre musical, le rock ‘n’ roll, basé sur le «rhythm and blues» autant que le «country», le «blues» et d’autres sous-groupes. Ce mouvement divisa le pays en deux parties. Les jeunes étaient prêts à se faire changer d’idées, à s’échapper de la réalité d’un pays conservateur de plus en plus menacé, impliquée dans des guerres et dans la voie d’une course aux armements, tandis que les personnes plus âgées ne donnaient pas de chance à ce nouveau genre car il était partiellement basé sur la musique des Afro-américains et car ils craignaient que ce nouveau genre de musique pourrait devenir une révolution culturelle dangereuse pour l’état de plus en plus conservateur qui voulait empêcher tout risque de faiblesse ou instabilité face à la menace communiste qui demandait un maximum de concentration. En plus, les adversaires de ce mouvement critiquaient la lutte pour les vedettes par rapport au système de la payola, un ensemble de paiements effectués par une maison de disques à des stations de radios pour faire jouer leurs artistes, ce qui causa une manipulation et corruption affectant énormément la réputation du genre. En plus, plusieurs vedettes du rock ‘n’ roll étaient arrêtées, souvent par erreur, pour une consommation de drogues ou des bagarres, par exemple Carl Perkins, mais aussi Ray Charles ou Johnny Cash. Lorsque les trois vedettes Buddy Holly, Ritchie Valens et Big Bopper décédèrent le 3 février 1959 lors d’un accident d’avion, une journée qui est encore aujourd’hui appelée «the day that the music died», ce qui signifie littéralement «la journée durant laquelle la musique mourait», les adversaires de ce genre musical espérèrent que cela signifia la fin du rock ‘n’ roll. Ils semblaient avoir raison, car plusieurs artistes s’orientèrent vers d’autres genres et ce n’était que grâce à l’influence anglaise et le succès de nouveaux groupes tels que les Rolling Stones et les Beatles, qui se firent dire au début que le genre de musique qu’ils voulaient jouer n’était plus moderne et ne se vendait pas bien, que le genre reconnût une certaine renaissance qui influença par la suite largement la jeunesse contestataire. La fin des années 1950 fut aussi celle de la «Beat Generation» qui rejetta la société américaine de son temps. Les révoltés, appartenant souvent à la classe moyenne, exprimèrent leurs sentiments dans des formes musicales comme le jazz, des formes religieuses comme le bouddhisme ou encore des formes cinématographiques en voyant en des acteurs tels que Marlon Brando dans «L’Équipée sauvage» de 1953 ou James Dean dans «La Fureur de vivre» en 1955 des icônes d’un changement. Par contre, l’origine de ce genre est purement littéraire et le nom fut défini par les auteurs principaux du genre comme Jack Kerouac, Allen Ginsberg et William S. Burroughs pour un peuple en rythme, euphorique après la fin de la guerre vivant une nouvelle ère de prospérité, mais aussi pour un peuple fatigué et usé des nombreux conflits. Vu que certaines publications des auteurs traitant des sujets comme la vie durant la guerre froide, le bouddhisme ou l’existentialisme influencé notamment par des auteurs français tels qu’Albert Camus, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir qui étaient idéologiquement plutôt gauchistes, furent considérés comme trop obscènes, il y avait même plusieurs procès juridiques menés contre certains auteurs, mais ceux-ci furent libérés des accusations et permirent ainsi une plus grande liberté de presse et de publications généralement dans le pays. Ce mouvement était d’ailleurs encore mal vu par les forces conservatrices et les personnes plus âgées, car plusieurs auteurs prenaient fréquemment de drogues. Ce mouvement prépara idéologiquement le champ pour les hippies et même le Youth International Parti, un parti politique antiautoritaire créé en 1967 par des hippies intellectuels. Un autre genre littéraire fameux de l’époque était celui de la science-fiction, plus précisément de la dystopie. Ce genre présenta souvent un monde sombre et imaginaire ou un pays connu dans un temps futur où tout le monde est égal, mais d’une telle sorte que l’individu ne peut plus s’exprimer et doit se soumettre à un état autoritaire et bien défini. Des sujets tels que la guerre nucléaire, l’extrémisme et la rébellion de l’individu sont abordés dans des romans tels que «Le meilleur des mondes» d’Aldous Huxley (paru en 1932 en Angleterre), «1984» de George Orwell (publié en 1949 en Angleterre), qui avait d’ailleurs aussi écrit le livre anti-staliniste «La Ferme des Animaux» peu avant, et aux États-Unis surtout «Fahrenheit 451» de Ray Bradbury (publié en 1953). Ce dernier livre raconte l’histoire d’un pompier qui doit brûler des livres des rares personnes intellectuelles afin de protéger l’état et qui, fasciné par une jeune femme qui se révolte et de plus en plus fatigué de la vie avec sa femme suicidaire qui ne vit que pour des émissions télévisées ressemblant à des jeux de rôles sans établir aucun lien avec son mari, se laisse tenter de lire des livres interdits. Il se fait trahir par sa femme et poursuivre par ses propres supérieurs avant de s’enfuir dans la forêt où il décide de vivre dans une sorte de commune intellectuelle d’où il suit le début d’une guerre nucléaire. Ces livres reflétèrent bien les sentiments de la future jeunesse contestataire qui craignait la guerre et se sentait soumise à un état trop puissant. Mais il y avait encore d’autres productions littéraires d’après-guerre. Yves-Henri Nouailhat décrit dans son livre «Les États-Unis de 1917 à nos jours» que ces productions sont dominées par une «quête d’identité» et mentionne «L’attrape-cœurs» (1951) ainsi que «Franny et Zooey» (1961) de l’auteur américain J.D. Salinger.
La décennie suivante fut marquée par des changements importants. Sur le plan politique, quatre présidents différents marquèrent les États-Unis durant les années 1960 dont le plus populaire était sans aucun doute John F. Kennedy. Élu de justesse, il apporta une vague de fraîcheur dans la politique américaine et fut surtout aimé par la jeunesse en quête de plus de liberté et de paix qui avait été influencé par la vague du rock ‘n’ roll. Kennedy fut le plus jeune président élu du pays, le premier président catholique et un partisan de la détente avec l’Union soviétique, de l’interdiction de la ségrégation des races et des programmes spatiaux incluant le progrès scientifique. Yves-Henri Nouailhat décrit que selon Kennedy, «l’Amérique a une mission à accomplir: défendre la liberté partout où elle est menacée» en prenant ainsi la tête du monde libre. Mais ce président qui incarna le changement eut de la difficulté à établir cette tâche, car six coups d’État ont lieu sur le continent américain et forcent le président à tolérer des régimes non démocratiques. La menace la plus importante vint d’ailleurs de Cuba qui avait vécu une révolution victorieuse durant laquelle Fidel Castro avait pris la place du dictateur Batista, qui fut soutenu par les États-Unis qui avaient pris auparavant une influence majeure sur la guerre d’indépendance cubaine. Kennedy donna son d’accord au CIA de renverser le jeune régime de Castro qui envoya 1400 Cubains anticastristes dans la baie des Cochons le 17 avril 1961, mais le peuple cubain resta fidèle à Castro et la mission fut un grand échec avec des conséquences très graves, car Castro chercha maintenant davantage la protection de l’Union soviétique, ce qui mena à la crise des missiles de Cuba un an plus tard. La planète semblait être sur la veille d’une guerre nucléaire, mais Kennedy réussit de corriger son mauvais choix et de calmer la situation en assurant de ne pas tenter d’envahir le Cuba et en retirant secrètement des missiles américaines en Turquie. Un an plus tard, Kennedy intervint à Berlin-Ouest où il empêcha les Soviétiques d’occuper entièrement la ville et où il prononça son fameux discours qui finit avec les mots: «Ich bin ein Berliner.» avec lesquels il démontra sa solidarité face à la ville divisée et assiégée depuis dix-huit ans. Robert Pearce décrit même dans le livre «Les 1001 jours qui ont changé le monde» que Kennedy «ne fut pas directement à l’origine de la réunification allemande en 1990, mais sans une telle prise de position publique de l’Ouest, cette réunification aurait été plus improbable». L’ambiance dans les États-Unis devint de plus en plus optimiste et ouverte d’esprit suite à la guerre nucléaire évitée et ce fameux discours, il y avait une sorte de nouvel espoir qui se créa au sein de la population qui influença aussi la situation des Afro-américains qui commencèrent à se révolter contre la ségrégation raciale et qui furent animés par le fameux discours de Martin Luther King devant 200,000 manifestants dans la capitale américaine lorsqu’il prononce son fameux «I have a dream». Mais cette nouvelle euphorie politique et sociale fut sauvagement détruite avec l’assassinat de John F. Kennedy dans sa limousine à Dallas au Texas, un meurtre autour duquel plein de théories et hypothèses émergent encore aujourd’hui. Ce ne fut pas le seul personnage qui fut assassiné durant cette décennie, car Malcolm X, militant des droits de l’homme qui, contrairement à Martin Luther King qui fut assassiné en 1968, ne favorisait pas la révolution tranquille, mais des moyens plus drastiques comme la formation d’un état noir indépendant, se fit assassiner en 1965. Le quatrième personnage important qui se fit assassiner durant ce siècle fut Robert F. Kennedy, frère de John F. Kennedy, qui était sénateur de l’État de New York jusqu’à sa mort en 1968, mais qui avait aussi des ambitions à devenir un candidat pour les élections présidentielles. Ce ne sont pas seulement ces quatre assassinats qui transformèrent l’état d’euphorie en un état de tragédie, mais aussi les escalades de la guerre du Vietnam dans laquelle les États-Unis s’engagèrent définitivement sous le nouveau président Johnson et qui devint, comme la guerre en Corée, une guerre sans fin et sans résultats satisfaisants.
Sur le plan économique, la guerre du Vietnam causa également beaucoup de pertes aux États-Unis. Durant la deuxième moitié de la décennie, la croissance économique américaine se fit dépasser par des pays de la Communauté européenne et même celle du Japon qui s’était bien rétabli de sa défaite durant la Deuxième Guerre mondiale. Selon les statistiques, le budget de la Défense représenta 45 à 50 pourcent du budget fédéral et les nombreuses dépenses développèrent une inflation qui augmenta assez drastiquement vers la fin des années 1960 après une période de prospérité. Averti du krach boursier et de la Grande dépression, la population trouva ainsi une autre raison pour contester la guerre et exprimer son mécontentement.
Sur le plan social et culturel, les États-Unis vécurent de nombreux événements. Les mouvements féministes devinrent de plus en plus forts, soutenus par la commercialisation de la pilule contraceptive en 1960 qui fut le moteur des femmes pour se détacher d’une vision conservatrice et religieuse de leurs rôles. Avec la renaissance du rock ‘n’ roll durant la décennie, au début grâce à des groupes anglais tels que les Rolling Stones et les Beatles et ensuite Jimmy Hendricks, Bob Dylan et surtout les vedettes féminines Joan Baez et Janis Joplin, les femmes célébrèrent une toute nouvelle liberté sexuelle et levée des tabous qui initia le mouvement de la jeunesse contestataire à développer un sens critique envers des sujets d’actualité. Ce nouveau sentiment de liberté se démarqua aussi dans la célébration de l’alcool et des drogues en lien avec la musique. Le premier festival international de musique pop de Monterey en 1967 et par la suite le fameux festival de Woodstock en 1969 devinrent des véritables lieux de cultes où la nouvelle génération s’échangea et manifesta ses opinions. Cette nouvelle liberté fut aussi soulignée par le développement de plusieurs nouveaux styles musicaux qui réinventèrent le vieux rock ‘n’ roll, comme par exemple le rock progressif qui mêla les influences de la musique zen et folklorique avec la musique rock. Les camps des hippies et des rockers formèrent ainsi dès maintenant une force unie, un nouveau mouvement contestataire. Ce genre de musique fut également ouvertement influencé par la prise de drogues en essayant d’atteindre une ouverture de conscience maximale. Cet effet psychédélique se retrouva dans les premiers succès de groupes tels que les groupes anglais Pink Floyd, Deep Purple, Led Zeppelin et King Crimson ou aussi le groupe néerlandais Golden Earring aux États-Unis, malgré que des groupes de ce genre ne se formèrent que plus tard en Amérique du Nord comme Kansas aux États-Unis, Rush au Canada et Harmonium au Québec. En même temps, vers la fin des années 1960 et le début des années 1970, se créa aussi le style du heavy metal avec des pionniers américains tels que Blue Cheer et des pionniers anglais tels que Black Sabbath qui démontra la tendance des artistes et de la population d’aller toujours plus loin et d’expérimenter encore plus, un peu d’ailleurs comme les dirigeants des États-Unis qui voulaient toujours aller plus loin par rapport à la conquête spatiale en même temps et réussirent de rattraper les Russes qui avaient envoyé le premier satellite en 1957, le premier être vivant durant la même année et le premier être humain dans l’espace en 1961, tandis que les États-Unis envoyèrent le premier être humain sur la lune en 1969. Ce mouvement de la contre-culture américaine influença aussi le cinéma. Le Nouvel Hollywood se créa grâce au film «Easy Rider» célébrant également la liberté sans limites et montrant l’image d’une Amérique conservatrice et raciste. Des films tels que «Bonnie et Clyde» et «Le Lauréat» avaient déjà présenté auparavant ce nouveau visage des États-Unis. Ce nouveau style fut souvent marqué par une construction de film atypique, une rompure avec le système de production de divertissements et un accent mis sur le réalisateur au lieu du producteur. Également influencée par la «Beat Generation», les romans dystrophiques et des nouveaux philosophes plutôt gauchistes, de nombreux œuvres littéraires critiques comme «L’Homme unidimensionnel» d’Herbert Marcuse (publié aux États-Unis en 1964) furent écrits et des héros anti-américains tels que Che Guevara devinrent de véritables figures de cultes et moyens de provocation utilisés par la jeunesse américaine à l’exemple de leurs confrères et consœurs européens, notamment français, qui étaient impliqués dans les mouvements de révolte en mai 1968. La société américaine, marquée par un certain désintérêt envers les nombreuses guerres et complications diplomatiques sans fin, était auparavant plus concentrée sur le fait de rester fidèle à la patrie et de combattre toutes les influences étrangères qui étaient généralement mal vues. Une certaine xénophobie, surtout envers les immigrants, la population noire, les homosexuels et les gauchistes ou progressistes avait lieu. Cette période de renfermement, comparable au terme de la période Biedermeier dans les états de la Confédération germanique et l’Autriche entre le Congrès de Vienne en 1815 et le début de la Révolution de 1848 qui était marqué par un certain désintérêt politique et une attitude conservatrice, fut interrompue par le jeune et dynamique président John F. Kennedy qui a su motiver les jeunes à s’intéresser de plus en plus pour les affaires politiques et à s’ouvrir à ce qui se passe dans le monde. Ainsi, l’intérêt de la population pour la guerre du Vietnam est beaucoup plus élevé que celui pour la guerre en Corée. Les années 1960 furent non seulement une révolution culturelle générale, mais aussi une période d’émancipation et de libérations pour plusieurs couches de la société américaines bien précises comme entre autre les femmes. Pour les immigrants noirs et les Afro-américains aux États-Unis, l’indépendance de plusieurs colonies africaines au début de la décennie fut célébrée et perçue comme un signe encourageant, ainsi que les discours de Martin Luther King et Malcolm X. Malgré une hausse de la popularité du Ku Klux Klan, même si celle-ci fut beaucoup moins importante que durant les années 1920 où l’organisation suprématiste blanche protestante des États-Unis eut jusqu’à six millions de membres, qui était responsable pour la mort et la torture cruelle de Charles Eddie Moore et Henry Hezekiah Dee qui eut lieu le deux mai 1964 dans l’État de Mississippi, cette même année marqua la fin de la ségrégation raciale grâce à une loi initiée par John F. Kennedy et finalisée par le nouveau président Johnson. Durant la même année, Sydney Poitier est le premier acteur noir à recevoir un Oscar et Cassius Clay, converti plus tard à l’Islam sunnite et s’appelant Muhammed Ali, devint champion mondial de la boxe et obtint une réputation et attention internationale. Au Mississippi, un des États les plus conservateurs de l’époque où le Ku Klux Klan avait une grande influence, un homme blanc est accusé en 1966 d’avoir violé une femme noire et est mis en prison pour une sentence à vie au lieu de subir une peine de mort. Les conditions et l’acceptation du peuple noir dans le pays progressèrent énormément durant les années 1960 et les présidents Kennedy et Johnson travaillèrent beaucoup plus proches avec les intellectuels Afro-américains qu’aucun autre président auparavant. En ce qui concerna la liberté sexuelle et l’acceptation des homosexuels, les émeutes de Stonewall au Greenwich Village en 1969 dans la Christopher Street (le Christopher Street Day étant aujourd’hui une journée de fête pour les tous gais et lesbiennes du monde) contre un raid de police composé de policiers racistes furent souvent aperçus comment le moment symbolique qui marqua le début du mouvement des droits civiques pour les homosexuels partout au monde. Les États-Unis étaient donc transformés par bien plus de choses que par ce qui proclame le fameux slogan «sex, drugs and rock ‘n’ roll». Grâce aux militants de droits civiques pour les Noirs, femmes ou homosexuels, le pays réussit véritablement à se moderniser tout en restant fidèle au rêve américain qui permit dès ce moment-là la réalisation de chacun et chacune comme Martin Luther King dit: «J’ai fait un rêve. Ce rêve est profondément enraciné dans le rêve américain. Je rêve qu’un jour cette nation se lèvera et qu’elle exprimera le vrai sens de sa philosophie: nous tenons ces vérités pour évidentes, celles que tous les hommes ont été créés égaux.» Grâce à une nouvelle fraîcheur dans la politique américaine et dans la jeunesse contestataire qui décida de s’impliquer au lieu de se taire pour justement faire fonctionner le système démocratique que le pays chercha tant à glorifier et épandre, le peuple et la politique prirent conscience des événements en dehors de leur propre pays et s’approchèrent sur une base nouvelle. Dans une période de guerres qui menacèrent le sort du monde, il fut primordial de célébrer davantage le «peace and love» des hippies et de proclamer la liberté inconditionnelle qui donne jusqu’aujourd’hui aux États-Unis encore la réputation d’être le pays des possibilités illimitées, même si cette attitude plutôt paisible des années 1960 se modifia lors de la prochaine décennie qui vit plusieurs manifestations sanglantes et confrontations brutaux entre des étudiants et la police. Le président Nixon fut critiqué pour ces actions et ordres par les jeunes contestataires qui se fâchèrent d’autant plus lorsque Nixon hésita de retirer honnêtement les troupes américaines du Vietnam. Même si certaines personnes critiquent davantage la consommation élevée de drogues, une levée exagérée des tabous ou cette vague de violence plus loin et une levée exagérée des tabous, il est certain que le pays avait besoin de cette liberté provocatrice, dont certains abusaient sans aucun doute, pour se moderniser. J’irais même si loin de dire que cette petite ère de révolution était une conséquence logique après tant d’années de guerres. Selon moi, les années 1960 furent la décennie la plus importante culturellement de tout le vingtième siècle mondialement et en Europe et aux États-Unis spécialement.
Pour en finir, il est intéressant de comparer la jeunesse contestataire des États-Unis avec quelques autres révolutions dans le monde à travers les années 1960. Si l’on compare les événements aux États-Unis avec les événements du mai 1968, il faut constater que la jeunesse contestataire, influencée par les hippies, était beaucoup plus calme et paisible que celle en Europe qui n’hésita pas à faire des grèves et à attaquer des autorités de l’État ou d’aller manifester violemment. Tandis que les événements aux États-Unis n’eurent pas d’impact politique majeur direct, malgré la fin de la guerre du Vietnam durant les années 1970, la France et l’Allemagne furent particulièrement bouleversées. En France, Charles de Gaulle démissionna peu après les révoltes et un mouvement gauchiste s’établit en France et le parti socialiste gagna de plus en plus d’influence. Valéry Giscard d’Estaing devint ainsi en 1981 président de la Cinquième République. En Allemagne, la Fraction armée rouge se forma en 1968 et présenta un mouvement de guérilla urbaine d’extrême-gauche commettant plusieurs attentats et bouleversant le pays qui vécut déjà énormément de problèmes étant une zone de tampon séparée en le bloc capitaliste et le bloc communiste. En allant géographiquement plus proche des États-Unis, on peut constater une Révolution tranquille au Québec durant les années 1960. Celle-ci fut moins violente qu’en Europe, mais plus profonde qu’aux États-Unis, car le Québec avait été largement influencé par l’Église catholique et une politique renfermé et autonome de Maurice Duplessis auparavant. Cette révolution servit aussi à construire une nouvelle identité nationale québécoise et est la révolution la plus appréciée de mes quatre exemples en ce qui concerne l’opinion publique et le jugement des médias et sociologues. Malgré les actes terroristes provoqués par le Front de libération du Québec, comparable à l’idéologie de la Fraction armée rouge en Allemagne, dont certains membres ont pu quitter la prison, sont réhabilités et ont même regagné une certaine influence politique comme dans le cas de Paul Rose, qui avait pris la tête du Parti de la démocratie socialiste pendant six ans à partir de 1996, la Révolution tranquille est considérée comme une libération et redéfinition nécessaire. La révolution du «peace and love» et du «sex, drugs and rock ‘n’ roll» aux États-Unis reste jusqu’aujourd’hui moins bien aperçue à cause de sa levée extrême de tabous et les révoltes en France et en Allemagne sont jugées différemment par les sociologues, historiens et politiciens. Tous ces exemples démontrent qu’une bonne partie des sociétés occidentales ont été bouleversées, modernisées et transformées durant les années 1960 et que la jeunesse contestataire est peut-être une des plus connues à cause de son contexte culturel ayant influencé la musique, la littérature et le cinéma de l’époque, mais aussi une des moins drastiques et provocatrices finalement. En plus, il ne faut pas faire l’erreur de contribuer le progrès des droits civils des Noirs directement avec les initiatives de la jeunesse contestataire qui critiquait plus précisément la guerre, l’impérialisme américain et l’insouciance écologique, ce qui rend le mouvement de la jeunesse moins global et profond. C’est plutôt le contraire, car des gens comme Martin Luther King étaient des symboles importants pour la génération du «peace and love» et ont indirectement influencé la jeunesse contestataire. On peut donc parler de ce que j’appellerais plusieurs petites révolutions bien différentes au sein des États-Unis durant les années 1960, tandis que les révolutions en Europe ou au Québec étaient plus globales et complètes.