Eklablog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

by Sebastian Kluth

19. Travail de réflexion sur l’article «Les filles du roi émigrées au Canada au XVIIe siècle, ou un exemple de choix du conjoint en situation de déséquilibre des sexes» par Yves Landry

 

Université du Québec à Chicoutimi

 

 

Département des sciences humaines

 

 

Histoire du Canada I: de la colonisation à 1840.

(4HIS524)

 

 

Travail de réflexion sur l’article «Les filles du roi émigrées au Canada au XVIIe siècle, ou un exemple de choix du conjoint en situation de déséquilibre des sexes» par Yves Landry

 

 

Travail présenté à :

Madame Dorothée Kaupp

 

 

Travail présenté par :

Sebastian Kluth (KLUS21088908)

 

 

Jeudi 8 novembre 2012

 

 

 

Introduction:

            Le présent compte-rendu de lecture critique porte sur l’article «Les filles du roi émigrées au Canada au XVIIe siècle, ou un exemple de choix du conjoint en situation de déséquilibre des sexes». Il est écrit par le chercheur en démographie historique et professeur Yves Landry qui travaille notamment dans les milieux universitaires français et québécois. L’article a été publié dans le cadre du deuxième numéro de la onzième année de la revue scientifique «Histoire, économie et société» publiée par la maison d’édition française Armand Colin en 1992 et se trouve sur les pages 197 à 216.

Résumé de l’article:

            L’objectif premier de l’article est d’analyser plusieurs facteurs liés aux comportements nuptiaux lors de la création d’un marché matrimonial en Nouvelle-France dans le cadre de l’expédition des Filles du roi entre 1663 et 1673.

            Tout d’abord, l’auteur décrit la situation précaire avant l’expédition des Filles du roi. Il met l’accent sur un taux de masculinité élevé dans la colonie et une émigration masculine élevée causée principalement en raison d’un manque d’épouses.

             Après, il y a le sujet de l’intensité de la nuptialité. L’auteur mentionne qu’au moins 32 femmes venues en la colonie n’ont pas pris d’épouse. La plupart d’entre elles sont retournées en France durant la première année ou après des séjours prolongés de trois à quatre ans. Une exception est la demoiselle de petite noblesse et aventurière Madeleine de Roybon d’Alonne, décédée célibataire à l’âge 72 ans à Montréal en 1718.

            Par la suite, l’auteur décrit les particularités du calendrier de nuptialité. Les Filles du Roi prenaient en moyenne cinq mois pour convoler ce qui est un délai bref en comparaison avec les mariages des immigrantes observés auparavant dans la colonie. Selon l’ordre du roi, les hommes célibataires devaient se marier dans les quinze jours suivant l’arrivée des navires sur lesquels se trouvaient les Filles du Roi sous menace de privation d’activités de chasse, pêche et traite, mais le voyageur anthropologue et écrivain français Louis-Armand de Lom d’Arce mentait au sujet de la réalisation de ces conditions ce qui explique le plus long délai réel. Malgré le désaccord grandissant de la couronne française face aux fiançailles, ces officialisations des relations étaient pratiquement aussi fréquentes qu’en France. En général, un plus grand nombre de contrats de mariage était signé dans de plus brefs délais qu’auparavant en la colonie. La durée entre la publication des bans et le mariage était également exceptionnellement courte.

            Au niveau de la distance culturelle, seulement trois pourcent des Filles du roi étaient mariées à un homme né en Nouvelle-France et la grande majorité des candidats masculins étaient également des immigrants français. Pourtant, il y avait un taux d’endogamie relativement faible. La moitié des candidats masculins venaient de l’Ouest de la France, mais près de la moitié féminine était originaire de la région parisienne. Il y avait donc peu de sélection et beaucoup de hasards au niveau de la formation des couples.

            En ce qui concerne la distance sociale, l’auteur sous-ligne un faible taux d’endogamie socioprofessionnelle et une forte panmixie. Seulement près d’un quart des époux occupaient le même métier que leurs beaux-pères ce qui diffère du chiffre de soixante pourcent récolté durant les trois décennies précédentes en la colonie.

            Enfin, l’auteur observe un écart d’âge d’environ quatre ans et demi entre les deux sexes au moment du mariage. Cette différence est plus grande qu’en France à la même époque, mais moins élevée par rapport aux précédentes générations canadiennes.

            L’auteur conclut son article en constatant que les comportements nuptiaux lors des premières unions des Filles du roi en Nouvelle-France diffèrent sur plusieurs points de ceux observés généralement en France et aussi en Nouvelle-France au courant du dix-septième siècle. Il souligne ici un faible degré d’endogamie culturelle et sociale, un empressement anormal des mariages et une importante contribution à l’établissement de l’équilibre des sexes en la colonie et au développement de sa démographie.

Méthodes de travail de l’auteur:

            L’auteur réalise une étude démographique minutieuse des comportements nuptiaux lors de l’arrivée des Filles du roi en Nouvelle-France. Au lieu d’énoncer une hypothèse concrète, l’auteur cherche plutôt à dresser un portrait détaillé des comportements nuptiaux en faisant ressortir ce qui les distingue par rapport aux situations avant l’arrivée des Filles du roi ou au sein de la mère-patrie durant la même période.

            Au niveau de la méthodologie, l’auteur se sert de l’instrument de recherche qui est le Registre de la population du Québec ancien, rédigé sous la direction de son collègue Bertrand Desjardins. Il consulte également de nombreux ouvrages secondaires du démographe québécois Hubert Charbonneau ou de l’historien Marcel Trudel. Certains ouvrages premiers de l’époque comme ceux des frères l’Honoré ou de Simon Langlois font en sorte que le point de vue historien contemporain est nourri avec des témoignages souvent factuels de l’époque. De plus, l’auteur se sert de plusieurs contrats de mariage authentiques pour approuver ses dires. La méthodologie contient plusieurs figures et tableaux soutenant la compréhension de la recherche dont certains sont tirés d’ouvrages secondaires tandis que d’autres ont été créés par le chercheur lui-même. Le travail contient aussi l’explication précise de formules mathématiques telles que l’index d’homogamie d’après Albert Jacquard et Martine Segalen.

Points positifs de l’article:

            L’auteur se sert de base de l’instrument de recherche le plus réputé dans sa spécialisation. Il consulte largement des travaux de recherche contemporains des historiens les plus réputés. De plus, il consulte des témoignages authentiques de l’époque approuvant ses références. Il fournit des sources primaires telles que des contrats de mariage. L’utilisation de figures, formules mathématiques et tableaux diversifie et facilite le suivi transparent de sa méthodologie et permet une compréhension structurée de sa recherche. Celle-ci devient ainsi même compréhensible pour des lecteurs potentiels non spécialisés sur le sujet. Au niveau des ouvrages consultés et des statistiques utilisées, on peut donc parler d’une clarté structurée et d’une énorme diversité.

Points négatifs de l’article:

            Le travail comporte plusieurs lacunes. L’auteur n’énonce pas d’hypothèse précise en lien avec son travail de recherche. Il s’agit d’une recherche factuelle complémentaire et non d’une thèse cherchant à mettre l’accent sur de nouveaux aspects. L’auteur donne des faits historiques connus au sein de la communauté des historiens spécialisés qui ne peuvent pas être validés comme hypothèses. D’un autre côté, il s’agit d’une étude réalisée comme élément de soutenance dans le cadre d’une thèse de doctorat de l’auteur en 1990. Le travail est donc un outil complémentaire que l’on ne devrait pas juger comme entité complète ou indépendante. De plus, l’auteur précise dans sa conclusion que plusieurs recherches en cours devraient apporter davantage de détails concernant certains aspects complémentaires négligés ce qui démontre que la recherche n’est plus tout à fait à jour.

            Un autre aspect négatif est que l’auteur se concentre sur une période donnée qui est traitée très précisément sans prendre en considération l’évolution de la thématique. Il fait ressortir les conséquences positives de la période des Filles du roi au niveau de la démographie coloniale, mais ne donne pas de suivi.

            L’auteur crée une plus grande confusion dans sa conclusion en constatant que la pénurie d’épouses avant l’arrivée des Filles du roi était plus grave que la menace iroquoise. Cette comparaison semble être aléatoire. Elle n’est pas appuyée méthodologiquement. Il semble impossible de comparer scientifiquement le degré potentiel d’une menace de confrontation armée avec celui d’un déséquilibre démographique. Vu que le sujet est négligé tout au long de l’article, la soudaine mention dans la conclusion semble peu appropriée.

Conclusion:

            La conception des Filles du roi parmi les historiens a largement changé au fil des années. Certains historiens citent par exemple l’intendant Jean Talon qui précise à quel point les candidates ont été choisies de façon précieuse pour qu’elles ne soient pas disgraciées, n’aient rien de rebutant et soient saines et fortes.[1] Paul-André Leclerc parle même d’un chiffre de 961 filles envoyées entre 1663 et 1673 qui varie donc fortement de celui donné par Landry de 770 filles. L’abbé et historien a pourtant pris mot par mot les déclarations faites par les intendants de l’époque sans faire preuve de réflexion. Depuis ce temps-là, plusieurs historiens ont révisé les origines des filles qui étaient alors plutôt modestes et pauvres et ont consulté une panoplie de sources de façon réfléchie. Selon eux, les candidates envoyées en Nouvelle-France étaient souvent orphelines ou mêmes veuves et donc difficiles à marier ou même à être acceptées dans des couvents de France.[2] Le travail de recherche de Landry ne va pas dans de tels détails et reste très statistique sans prendre position. Il se sert d’une méthodologie ancienne autant que d’une méthodologie récente et ne retient que les faits qui semblent être prouvés et acceptés par la majorité de l’ensemble des sources. En résumé, cela fait la force et la faiblesse de son travail qui est à la fois fondé de façon détaillée avec des sources scientifiques fiables, mais qui ne touche que les généralités connues du sujet des Filles du roi et qui n’ose pas de prononcer d’hypothèse pour nourrir d’autres recherches.  

Bibliographie

1.   1. BATES, Réal, «Les conceptions prénuptiales dans la vallée du Saint-Laurent avant 1725», dans «Revue d’histoire de l’Amérique française», Montréal, Institut d’histoire de l’Amérique française, vol. 40, no. 2, 1986, p. 253 à 272, lien direct: http://www.erudit.org/revue/haf/1986/v40/n2/304447ar.pdf. (consulté le 4 novembre 2012)

2.      2. BLAIS, Danie, «Les 770 filles de Louis XIV», dans «Oriflamme», Québec, Éditions Oriflamme, vol. 8, no. 4, 2008, p. 6 à 10, lien direct: http://repere3.sdm.qc.ca/cgi-bin/reptexte.cgi?A985295+PDF. (consulté le 7 novembre 2012)

3.      3. GEYH, Patricia Kenney, «French Canadian Sources: A Guide for Family Historians», Nashville, Turner Publishing Company, 2002, 329 pages, lien direct: http://books.google.ca/books?id=svJKKvIWfUcC&printsec=frontcover&dq=French+Canadian+Sources:+A+Guide+for+Family+Historians&hl=fr&sa=X&ei=Hw-cUKfcCoPfyQHd2YH4AQ&ved=0CDIQ6AEwAA. (consulté le 7 novembre 2012)

4.   4. LABERGE, Alain, «La famille en Nouvelle-France: mythes et réalités», dans «Cap-aux-Diamants: la revue d’histoire du Québec», Québec, Les Éditions Cap-aux-Diamants Inc., no. 39, 1994, p. 10 à 12, lien direct: http://www.erudit.org/culture/cd1035538/cd1042227/8652ac.pdf. (consulté le 4 novembre 2012)

    5. LANDRY, Yves, «Les Filles du roi émigrées au Canada au XVIIe siècle, ou un exemple de choix du conjoint en situation de déséquilibre des sexes», Histoire, économie et société, 1992, vol. 11,  n° 11-2, p. 197-216, lien direct: http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hes_0752-5702_1992_num_11_2_1632. (consulté le 27 octobre 2012)

6.    6. LECLERC, Paul-André, «Le mariage sous le régime français – chapitre III», dans «Revue d’histoire de l’Amérique française», Montréal, Institut d’histoire de l’Amérique française, vol. 14, no. 1, 1960, p. 34-60, lien direct: http://www.erudit.org/revue/haf/1960/v14/n1/302029ar.pdf. (consulté le 4 novembre 2012)

7.     7. PARENT, France, «Au-delà des rôles, la place des femmes», dans «Cap-aux-Diamants: la revue d’histoire du Québec», Québec, Les Éditions Cap-aux-Diamants Inc., no. hors série, 2004, p. 25 à 29, lien direct: http://www.erudit.org/culture/cd1035538/cd1046306/7618ac.pdf. (consulté le 4 novembre 2012)

8. 8. VÉZINA, Hélène, «Origines et contributions génétiques des fondatrices et des fondateurs de la population québécoise», dans «Cahiers québécois de démographie», Québec, Éditions de l’Association des démographes du Québec, vol. 34, no. 2, 2005, p. 235 à 258, lien direct: http://www.erudit.org/revue/cqd/2005/v34/n2/014011ar.pdf. (consulté le 4 novembre 2012)



[1] LECLERC, Paul-André, «Le mariage sous le régime français II» dans «Revue d’histoire de l’Amérique française», Montréal, Institut d’histoire de l’Amérique française, vol. 14, no. 1, 1960, p. 34-60 (page 53).

[2] GEYH, Patricia Kenney, «French Canadian Sources: A Guide for Family Historians», Nashville, Turner Publishing Company, 2002, 329 pages (page 168).

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :