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by Sebastian Kluth

21. Travaux et réflexions sur l'âge des révolutions en Europe au XIXe siècle

Université du Québec à Chicoutimi

 

 

Département des sciences humaines

 

 

L’Europe au XIXe siècle : l’âge des révolutions.

(4HIS472)

 

 

Examen-maison

 

 

Travail présenté à :

Madame Cylvie Claveau

 

 

Travail présenté par :

Sebastian Kluth (KLUS21088908)

 

 

Mercredi, le 12 décembre 2012

 

 

3.) Expliquez le luddisme paysan et ouvrier, le jacobinisme anglais, le chartisme, le socialisme et le syndicalisme expérimentés par trois générations d’ouvriers britanniques et indiquez le lien qui les unit les uns aux autres dans l’histoire sociale de l’Angleterre.

            D’abord, il y a plusieurs événements marquants qui ont mené à ce qu’est devenu plus tard le luddisme. Il faut notamment mentionner les soulèvements dans la campagne anglaise qui ont vu leurs débuts dans la deuxième moitié du dix-huitième siècle et qui ont surtout pris de l’ampleur à partir de 1795. Ces soulèvements s’opposaient notamment contre la mécanisation des machines agricoles à l’aube de l’industrialisation. Ce mouvement agricole a rapidement touché les villes.[1]

Un des premiers exemples d’un mouvement ouvrier de plus en plus organisé est celui des luddistes dans le pays phare de l’industrialisation qui a eu lieu entre 1811 et 1817 dans les centres urbains. Le terme du luddisme semble trouver son origine dans le nom du personnage mythique de Ned Ludd qui aurait détruit deux métiers à tisser en 1780. Son existence demeure incertaine, mais plusieurs lettres adressées à des patrons de l’industrie du textile en 1811 menaçant ceux-ci d’actes de sabotage ont été signées de ce nom.[2] Tandis que le chef du mouvement demeurait un personnage mythique auquel les autorités ne pouvaient pas s’attaquer, le mouvement lui-même était plutôt bien organisé et avait même son propre rite de passage durant lequel le nouveau membre devait embrasser la bible et jurer de ne jamais trahir le mouvement et un de ses membres.

Cette révolte ouvrière était elle aussi liée à l’apparition de métiers mécaniques menaçant les professions des tondeurs de drap, les tisserands sur coton ainsi que les tricoteurs sur métier.[3] Malgré l’interdiction de toute association ancrée dans le Combination Act de 1799, plusieurs ouvriers commençaient à manifester leur mécontentement en forme de manifestations syndicales, d’abord à Nottingham en 1811 où une grève a pris de l’ampleur avec un total entre 40,000 et 60,000 participants qui tentaient de former une première forme de syndicat avec la Nottingham Union Society. Les actes de vandalisme devenaient plus fréquents, notamment dans les usines du Lancashire et du Yorkshire en 1812. Le but des luddistes n’était pas de simplement briser des machines et de s’opposer contre le progrès scientifique comme on pourrait croire, mais de manifester contre les conditions de travail de plus en plus déplorables. Les luddistes s’attaquaient au militaire qui les affrontait, mais aussi aux juges qui les condamnaient et aux marchands par lesquels ils se voyaient être exploités. Le mouvement s’est radicalisé lorsque deux luddistes se sont faits tuer durant une tentative commune de prendre une fabrique par la force. Les luddistes se sont alors mieux organisés en planifiant des actions armées ou en faisant des collectes d’argent et une véritable conspiration nationale s’est développée avec le but ultime de renverser même le gouvernement. Le gouvernement anglais a donc mobilisé des hommes pour contrer les révoltes et procédait à de nombreuses arrestations jusqu’en 1814. Plusieurs manifestants arrêtés ont été pendus ou déportés de façon accélérée en Australie, mais les luddistes bénéficiaient également du soutien de plusieurs paysans qui les cachaient malgré plusieurs actes de vol dans leurs communes. D’un autre côté, le gouvernement et les patrons d’entreprise ou d’usine tentaient indirectement d’apaiser les luddistes avec des augmentations salariales. Le gouvernement ne réussissait pourtant pas d’étouffer définitivement ce mouvement malgré la fin du luddisme organisé en 1813 et cherchait plutôt des solutions rapides face à une guerre contre la France napoléonienne qui a trouvé son apogée durant la même époque.[4]

Les jacobins anglais étaient d’abord ceux qui soutenaient les idées véhiculées par la Révolution française comme Samuel Taylor Coleridge ou William Wordsworth. À partir de 1792 se formaient ce qu’on appelle les Corresponding Societies qui étaient parmi les premières associations réformistes ouvrières britanniques. La plus importante de ces sociétés était celle de Londres, plus tard appelée la United Englishmen.[5] Créée par l’homme de loi John Frost et le cordonnier Thomas Hardy, elle visait des réformes radicales au sein du Parlement britannique, notamment l’expansion de la représentation de la classe ouvrière.[6] D’autres filiales étaient rapidement établies à Manchester, Norwich, Sheffield et Stockport. Les filiales étaient pourtant observées de près par des espions du gouvernement britannique qui intervenait de façon plus organisée à partir de 1794 ce qui menait à de nombreuses arrestations. Les sociétés se dispersaient en plusieurs mouvements radicaux peu organisés et cessaient officiellement d’exister vers 1799.

Le chartisme est un autre mouvement ouvrier britannique qui s’est développé un peu plus tard vers le milieu du dix-neuvième siècle. Le chartisme était une réaction à la réforme électorale de 1832 qui avait établi un système électoral censitaire qui désavantageait les classes laborieuses démunies. À l’initiative de l’Association des travailleurs londoniens, la Charte populaire était adoptée en 1838.[7] Elle réclamait entre autres le suffrage universel masculin, une révision de l’emplacement des circonscriptions électorales, l’abolition du cens électoral, la réunion annuelle du Parlement, le secret des votes ainsi que l’allocation d’une indemnité aux députés. Le mouvement existait jusqu’aux révolutions de 1848 et inspirait la création d’autres mouvements coopératifs et syndicaux, mais se heurtait non seulement au gouvernement et aux forces armées, mais aussi par des dissensions internes après l’échec de plusieurs revendications et des plans de plus en plus utopiques tels que la création d’une assemblée nationale fantôme alternative au Parlement britannique.[8]

Quant à l’idéologie socialiste, celle-ci a accompagné les transformations de l’économie britannique, cherché à bouleverser les rapports de production et les relations de travail et proposé un idéal de liberté et de communauté harmonieuse. Un des premiers personnages marquants du socialisme anglais était Robert Owen, un grand industriel de Manchester qui tentait d’abolir le profit lié à l’utilisation de la monnaie et qui créait ainsi un Magasin d’échange à Londres en 1832, au sein duquel les ouvriers pouvaient échanger les produits de leur fabrication à l’aide de bons de travail.[9] À son image se développait ce qui était alors appelé l’owenisme basée sur le mouvement coopératif et l’établissement de communautés utopiques qui a également vu des tentatives d’implantation aux États-Unis.[10] Bientôt, d’autres économistes et philosophes britanniques commençaient à critiquer l’économie capitaliste comme John N. Gray, Thomas Hodgskin ou William Thompson au courant des années 1830 et 1840.

Au niveau du syndicalisme britannique, on peut citer deux volets importants. D’abord, il y a celui du mouvement ouvrier en forme du chartisme, du luddisme ou de l’owenisme qui favorisait l’éclosion d’un syndicalisme de masse. Il y avait aussi des tentatives de concilier les idées socialistes avec la pensée libérales. Inspiré du saint-simonisme, John Stuart Mill se distançait su libéralisme économique en s’approchant de ce qu’allait devenir le socialisme libéral et prônait par exemple une société dans laquelle le progrès économique ne serait pas une fin en soi et qui viserait la justice sociale via une équitable répartition des richesses et du travail, ainsi qu'une organisation autogestionnaire des travailleurs qui prendraient eux-mêmes en charge leur destin dans des coopératives

Pour en conclure, tous ces différents mouvements étaient de différentes tentatives de bouleversements dans le but d’améliorer le sort de la classe laborieuse en ce qui concerne notamment les conditions de travail, la justice sociale et la représentation politique. Ces mouvements étaient souvent inspirés de tentative semblables venant notamment de la France. Pour une première fois depuis l’ère des croisades, les différentes nations européennes étaient unies dans des causes semblables qui allaient mener au Printemps des peuples. Il ne faut pas voir les mouvements sociaux du luddisme paysan et ouvrier, du jacobinisme anglais, du chartisme ainsi que des différentes formes naissantes du socialisme et du syndicalisme comme des événements distincts, mais bien comme des étapes interdépendantes menant vers un but commun des classes laborieuses.

            4.) Quels sont les groupes sociaux animant une première vague de mouvements révolutionnaires précédant les révolutions libérales et nationales de 1830 et quelles sont leurs revendications en Allemagne, en Italie et en Russie?

            En Allemagne, en Italie et en Russie, on pouvait observer des revendications en vue d’un nationalisme naissant d’un côté ainsi que de réformes libérales d’un autre côté durant la première moitié d’un dix-neuvième siècle riche en mouvement révolutionnaires.

En Allemagne, il faut mettre l’accent sur l’importance de la période du Vormärz entre le Congrès de Vienne en 1815 et le Printemps des Peuples en 1848 s’opposant au mouvement conservateur et résigné politiquement du Biedermeier. Suite au Congrès de Vienne, le défunt Saint-Empire romain germanique a été remplacé par la Confédération germanique sous la direction des Habsbourg et basée sur une entente entre la Maison d’Autriche et la Prusse. L’Empire de Habsbourg ne comptait plus que 6.5 millions d’Allemands sur un total autour de vingt millions d’habitants et visait en plus une expansion vers les terres des peuples slaves. Cet état de minorité véhiculait le sentiment national allemand attaché à la préservation de la langue et au romantisme historique selon lequel chaque individu pourrait s’épanouir au sein d’une société d’ordres structurée. Il se développait aussi un renouveau du catholicisme et un courant libéral et national inspiré en grandes parties des modèles français et britanniques. L’idée de base était la réclamation d’une constitution avec un parlement élu au suffrage censitaire et des libertés individuelles garanties par l’État. Les trois États du Sud se montraient en accord avec ces idées. Le renouveau national s’observait d’abord par la formation de sociétés étudiantes, les Burschenschaften en débutant avec celle de l’université d’Iéna en 1815. Peu après, il y avait la fête de la Wartbourg en 1817 durant laquelle environ 500 étudiants allemands de 13 universités démontraient leur mécontentement face au manque de réformes démocratiques en brûlant entre autres des parties d’uniformes prussiennes et autrichiennes ainsi que des livres comme le Code civil. Les différents événements semblent avoir été influencés par  l’initiateur du Mouvement gymnique allemand Friedrich Ludwig Jahn et sont décrits comme un «mélange confus de manifestations anti-conservatrices, de célébrations d’un culte germanique, de francophobie et d’antisémitisme».[11] De plus, les étudiants affichaient pour la première fois un drapeau montrant les couleurs de la nation allemande inspirées d’une uniforme qui sont le noir, le rouge et l’or et qui forment aujourd’hui encore le drapeau allemand. Suite à et influencé par cet événement, un «premier programme de Parti allemand» a été rédigé sous la direction du professeur Heinrich Luden.[12] Celui-ci visait une unité économique, politique et religieuse et la formation d’une monarchie constitutionnelle allemande. Il y avait également des manifestations en 1818 pour notamment célébrer la victoire allemande à Leipzig contre Napoléon Ier. Face à la faiblesse grandissante de la Confédération allemande sur le plan international, les mouvements national et libéral commençaient à s’unir étape par étape en recrutant surtout de jeunes universitaires pour nourrir le développement intellectuel.[13] L’assassinat de l’écrivain August von Kotzebue dont les œuvres littéraires avaient déjà passé au feu lors de la fête de la Wartbourg, par l’étudiant Karl Sand menait à une époque de censure et de contrôle de l’État accentué sous forme des décrets de Karlsbad en 1819 qui était véhiculée par Clément-Wenceslas-Népomucène-Lothaire de Metternich-Winneburg-Beilstein. Tandis que certains résignaient et adaptaient ce qu’allait plus tard être appelé la période du Biedermeier, d’autres continuaient et s’opposaient contre les contraintes ce qui allait être appelé la période du Vormärz. D’autres événements historiques tels que les Trois Glorieuses en 1830 ou la Crise du Rhin entre la confédération germanique et le royaume de France en 1840 étaient des signes annonciateurs du Printemps des Peuples. Il y avait aussi un mouvement d’abord littéraire promouvant des idées progressistes regroupé en quatorze clubs littéraires dispersés en Allemagne, en France et en Suisse, appelé Jeune-Allemagne, et véhiculé par des œuvres littéraires de Heinrich Heine et surtout de Georg Büchner.[14]

            À l’époque de la signature du Congrès de Vienne, l’Italie était encore contrôlé par un bon nombre de ducs qui étaient souvent d’origines étrangères et qui tentaient de revenir en arrière en instaurant un système semblable à celui avant les guerres napoléoniennes. L’Italie se voyait être découpée en morceaux.[15] L’Autriche obtenait la Vénétie ainsi que les citadelles de Comacchio, der Ferrare et de Plaisance, la Ligurie passait au royaume de Sardaigne, la maison de Savoie récupérait Nice, Piémont, la Savoie et tentait de mettre la main sur Gênes, le bourbon Ferdinand Ier retrouvait son royaume des Deux-Siciles, Marie-Louise d’Autiche se voyait attribuer les duchés de Guastalla, Parme et aussi Plaisance, Modène et la Toscane étaient cédées aux Habsbourg et le pape retrouvait ses États pontificaux. Le peuple italien pourtant s’opposait de plus en plus à ce retour en arrière. Cela menait rapidement à des guerres d’indépendance livrées contre l’empire austro-hongrois qui allait aboutir dans la période du Risorgimento qui unissait les différents mouvements indépendantistes contre l’Empire d’Autriche lors du Printemps des Peuples et marquait ainsi le passage à la nation italienne et à son accession au monde moderne.[16] Avant, la création de plusieurs sociétés secrètes du carbonarisme avaient vu la lumière du jour dès 1817. Au début des années 1820, elles constituaient un des rares moyens d’expression politique dans une période confuse de répression et orchestraient une vague révolutionnaire face à l’absolutisme austro-hongrois. D’abord exilé en France et plus tard au Royaume-Uni, Giuseppe Mazzini allait fonder l’association politique insurrectionnelle du mouvement Giovine Italia en 1831. Ce mouvement visait l’union nationale de l’Italie.[17] Il était inspiré du modèle de la Révolution française et se référait à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.[18] Il était idéologiquement proche de la Jeune-Allemagne tout en étant plus militante au niveau politico-pratique avant de s’unir avec le mouvement allemand ainsi qu’avec mouvement polonais semblable dès 1834 sous le nom de la Jeune-Europe.

            En Russie, l’élite intellectuelle était inspirée des Lumières et de la Révolution française à la fin du dix-huitième et au début du dix-neuvième siècle. On peut parler d’une véritable occidentalisation de la noblesse russe. L’empereur Alexandre Ier de Russie et son successeur Nicolas Ier de Russie avaient par contre des visions conservatrices sur le plan politique. Gagnants motivés par leurs rôles en Europe suite au Congrès de Vienne couronnée de succès et membres de la Sainte-Alliance, le premier s’opposait à la reconstitution de l’État polonais et le deuxième participait à la répression des soulèvements contre les monarchies, par exemple en Varsovie en 1830 ou en Hongrie en 1849.[19] Expansionnistes, les deux continuaient la poussée vers le sud dans le Caucase et vers les bouches du Danube en annexant un bon nombre de principautés. Une bonne partie du peuple russe avait pourtant espéré une libéralisation de l’empire tsariste. Inspirées entre autres du carbonarisme italien, plusieurs sociétés secrètes étaient créées durant les années 1820 qui discutaient des possibilités de restructurer politiquement et socialement le grand empire en développant des programmes révolutionnaires. Lorsque Nicolas Ier de Russie s’avérait être aussi conservateurs que son prédécesseur, cela menait à l’insurrection décabriste le 14 décembre 1825 à Saint-Pétersbourg. Durant cette tentative de coup d’État militaire véhiculée par des révolutionnaires nobles, on refusait de prêter serment au nouvel empereur et exigeait plutôt une constitution garantissant la liberté d’expression et d’opinion ainsi que la fin du servage pour les moujiks, les paysans de rang social peu élevé, mais le coup d’État se voyait être réprimé la soirée même.[20] Le nouveau tsar avait recours à des arrestations, au bagne, aux déportations en Sibérie, à l’exil, à des interrogatoires, aux pendaisons et aux travaux forcés pour punir les révolutionnaires. L’idée de venger les décabristes était véhiculée à partir des années 1830 et inspirait entre autres l’anarchiste collectiviste Mikhaïl Aleksandrovitch Bakounine qui influençait aussi un petit mouvement littéraire occidentaliste à l’université de Moscou qui ne prenait pourtant pas la même ampleur qu’en Allemagne ou en Italie.[21]   

 

5.) Qu’est-ce que le Volksgeist tel qu’il a été forge par J.G. Herder?

            Le terme de Volksgeist peut se traduire littéralement par esprit populaire, mais le terme de génie national est plus approprié lorsqu’il est question du sens derrière le concept. Le concept du nationalisme cosmopolite du philosophe allemand Gottfried von Herder datant du dix-huitième siècle a été une source importante du nationalisme culturel du dix-neuvième siècle.[22] Celui-ci a entre autres mené à un virulent racisme contre le peuple noir.[23] Herder suppose que chaque peuple dispose d’un génie et d’une nature particulière appelés Volksgeist qui unifierait la vie d’un peuple et sa culture et qui créerait ainsi sa force de base.[24]

Pourtant, les thèses de Herder ont souvent été mal citées car celui-ci s’opposait clairement à l’idée de classification raciale, niait l’existence d’un lien biologique entre les peuples d’une même race et croyait en la fraternité universelle de l’humanité. On ne trouve pas de base d’un nationalisme chauviniste dans ses œuvres. Il disait même qu’en étant homme, n’importe quel homme pourrait s’intégrer dans n’importe quelle période et dans n’importe qu’elle culture et devenir une personne.[25] Il disait aussi que chaque peuple avait sa période de croissance, son apogée et son déclin et que la particularité d’une nation n’est pas basée sur l’éternité, mais sur une période bien restreinte. Selon lui, il n’existe pas de nation parfaite car chacune est composée de vertus et de vices.

D’un autre côté, Herder croyait que l’apogée d’une culture n’a pas seulement une composante temporelle, mais aussi une composante spatiale car une nation ne pourrait trouver son bonheur que chez elle-même et non en idéalisant, imitant ou survalorisant une autre culture. Il allait même plus loin en stipulant que deux nations avec des tendances différentes allaient automatiquement se heurter en raison des préjugés, des vulgarités et des différents nationalismes. Dans ce contexte, il considère le préjugé comme un élément positif car il renforce le nationalisme, rend le peuple heureux et aide les peuples à se trouver eux-mêmes. Selon Herder, la nation est le seul espace dans lequel un individu peut poursuivre sa quête de perfectionnement.

Herder définissait donc le destin d’un peuple plutôt par ses affinités culturelles et linguistiques et s’inspire du néo-humanisme juridique, mais surtout du romantisme allemand et surtout des volets tels que la préservation des traditions et racines culturelles, le perfectionnement de l’homme dans les éléments naturels de son histoire et l’importance de la langue dans le passé et pour le futur.[26]

L’idée naissante du Volksgeist constituait dans la deuxième moitié du dix-huitième siècle le pilier de l’école historique du Droit dont le savant juriste allemand Friedrich Carl von Savigny était le fondateur. Celui-ci promouvait une vision beaucoup plus conservatrice et radicale que Herder. Cette école était une réaction contre l’idéologie de la Révolution française et contre la philosophie des Lumières car celles-ci prônaient un naturalisme subjectiviste.[27] Selon cette vision, le Volksgeist s’oppose à la dialectique marxiste insistant sur l’évolution polémique du droit, tributaire d’un droit combattif issu de la lutte des classes tandis que le Volksgeist se traduit par un droit étant une conséquence logique suivant une succession de changements insensibles.[28] Selon l’école historique du Droit, les différentes classes d’un peuple doivent être bien hiérarchisées et on défend donc une vision conservatrice. Le Volksgeist renvoie ainsi à la conscience nationale étudiée par rapport aux spécificités du peuple allemand, ce qui se traduit également sur le plan pratique de l’histoire tout au long du dix-neuvième siècle. C’est ainsi que s’explique par exemple l’échec ultime de la Révolution de Mars en 1848, véhiculée par le peuple sur le territoire qui allait devenir l’Empire allemand en 1871, une proclamation plus planifiée et stratégiquement véhiculée par les classes dirigeantes. Le désir du peuple allemand est ancré dans cette idée d’hiérarchisation sociale et de distinction explicite du Volksgeist ce qui a mené à un empire totalitaire et plus loin dans le vingtième siècle même à un retour à la dictature après l’échec de la démocratie. Il faut bien distinguer que cette vision du monde n’a emprunté que quelques fragments de l’idée du Volksgeist d’après Herder et n’a presque plus rien en commun avec la thèse originale. On peut donc généralement parler d’une réinterprétation radicale des différents courants philosophiques allemands dont celui du Volksgeist a également été victime.   

Présentons des exemples concrets de cette radicalisation au début du dix-neuvième siècle. La philosophie du Volksgeist et l’institution de l’école historique du Droit rejettent déjà toute théorie portant sur l’état de nature et donc en grandes parties les concepts proposés par John Locke ou Jean-Jacques Rousseau par exemple. Elle s’oppose également à l’idée du droit personnel chez Georg Wilhelm Friedrich Hegel, au volontarisme juridique dit contractualiste de Thomas Hobbes, aux théories sur l’individualisme d’Emmanuel Kant et à l’ontologie juridique de Platon. Le concept du Volksgeist s’oppose initialement à celui du Zeitgeist. Tandis que le deuxième exprime le climat culturel ou intellectuel particulier d’une époque et d’un point de vue plus négatif plutôt une mode ou tendance temporaire, le Volksgeist se voit comme parole du progrès qui stipule que chaque nation a une âme particulière suivant une certaine continuité historique ou même une sorte de droit naturel.[29] Selon cette tendance, le droit ne peut pas être dissocié du domaine historique. De plus, l’idée du Volksgeist s’oppose au positivisme juridique qui admet la loi formelle comme source de droit.[30] À l’opposé, il existe également le concept du Weltgeist défini par Hegel qui stipule qu’il existe un certain esprit du monde depuis le début de l’histoire humaine, mais ce concept a contradictoirement véhiculé la réalisation des esprits historiques de différentes nations se dotant d’un Volksgeist. On peut observer dans ces interprétations de l’école historique du Droit une radicalisation naissante du concept.

D’un autre côté, le concept du Volksgeist démontre encore une certaine affinité envers les idées d’Aristote qui parle du droit de la cité grecque qui est naturel, mais ancré dans une réalité historique du peuple mettant en valeurs les coutumes ancestrâles comme on peut le lire dans son ouvrage «L’Éthique à Nicomaque». Ensuite, l’école historique du Droit est également inspirée par le providentialisme de Johann Gottfried von Herder, qui est opposé au rationalisme progressiste des Lumières. Celui-ci fait le portrait de l’homme ancré dans ses coutumes et traditions visant la création d’une hiérarchie des cultures en prônant les aspects de la création, du génie et de l’originalité d’un peuple. On peut donc encore observer certains aspects plus ouverts du concept qui allaient pourtant être remplacés au courant du dix-neuvième siècle qui annonçait déjà ce que l’Allemagne allait devenir durant la première moitié du vingtième siècle.

Pour en conclure, le Volksgeist peut être décrit comme une sorte de berceau des principes fondamentaux, des coutumes et des traditions d'un peuple qui s'efforce de subsister dans le présent tout en assurant son avenir, à travers la mémorisation de son histoire et de sa culture. Traduisant le principe de génie national, ce terme a une coloration très théorique qui a vu une radicalisation pratique au courant du dix-neuvième siècle qui n’a plus beaucoup de traits en commun avec le concept initial. À nos jours, le concept initial comporte encore des points véridiques, même si la question de nation et de peuple est encore aussi ou sinon plus complexe qu’elle ne l’était durant l’âge des révolutions dans un monde globalisé et marqué par de fortes migrations. Les problématiques ont certes évolué depuis, mais les concepts restent initiaux restent aussi théoriques et difficiles à cerner. Le concept du Volksgeist demeure des plus intéressants car son contenu initial ne s’avère pas être arriéré à nos jours et ne peut pas être concrètement approuvé ou rejeté en demeurant ainsi hautement philosophique.

 

 

 

 

 

Bibliographie

Articles et sites d’internet:

1.)    SITE DE L’OFFENSIVE LIBERTAIRE ET SOCIALE (2006) «Le mouvement luddite», lien direct: http://offensive.samizdat.net/spip.php?article233.

2.)    THE LUDDITES200 ORGANISATION FORUM (2011) «Our heritage, the Luddite Rebellion 1811-1813», lien direct: http://www.luddites200.org.uk/theLuddites.html

Manuels et ouvrages:

3.)    Maxime ALEXANDRE, Romantiques allemands, Paris, La Pléiade, Éditions Gallimard, 1976, p. 12 (Introduction) (1606 pages).

4.)    Bert ALTENA et Dick VAN LENTE, Gesellschaftsgeschichte der Neuzeit 1750-1989, Göttingen, Éditions Vandenhoeck & Ruprecht, 2009, p. 75-76 (444 pages).

5.)    Charles ARNOLD-BAKE, The Companion to British History, Londres, Éditions Routledge, 1996, p. 364-365 (1425 pages).

6.)    Paul BAQUIAST et EMMANUEL DUPUY, La république universelle en Europe - XVIIIe/XXIe siècles – tome I, Paris, Éditions L’Harmattan, 2007 p. 224 (238 pages).

7.)    Henri BARTOLI, Histoire de la pensée économique en Italie, Paris, Éditions et Publications de la Sorbonne, 2003 p. 159 (571 pages).

8.)    Fabrice BENSIMON, Les Britanniques face à la revolution française de 1848, Paris, Éditions L’Harmattan, 2000, p. 95-97 (451 pages).

9.)    Serge BERSTEIN et Pierre MILZA, Histoire du XIXe siècle, Paris, Éditions Hatier, 1996, p. 98 (540 pages).

10.)                       Guillaume BERTIER DE SAUVIGNY, Liberalisme, nationalism and socialism: The birth of three words, Notre Dame, Indiana, dans The Review Of Politics, 1970. 

11.)                       Gilbert BOSETTI, De Trieste à Dubrovnik: Une ligne de fracture de l’Europe, Grenoble, Éditions Ellug, 2006, p. 134-137 (424 pages).

12.)                       Vincent BOURDEAU, François JARRIGE et Julien VINCENT, Les luddistes: Bris de machine, économie politique et histoire, Alfortville, Éditions è®e, 2006 p. 17-18(157 pages).

13.)                       Giorgio DEL VECCHIO, Philosophie du droit, Paris, Éditions Dalloz, 2004, p. 137 (470 pages).

14.)                       George M. FREDRICKSON, The Black Image in the White Mind: The Debate on Afro-American Character and Destiny, 1817-1914, Middletown, Connecticut, Presses de l’Université Wesleyan, 1987, p. 97 (367 pages).

15.)                       Ernst Rudolf HUBER, Deutsche Verfassungsgeschichte. Seit 1789. Teil 1: Reform und Restauration. 1789 bis 1830., Stuttgart, Éditions W. Kohlhammer, p. 722 (820 pages). 

16.)                       Sophie KERIGNARD, 100 fiches d’histoire du XIXe siècle, Paris, Éditions Bréal, 2004 p. 142 (334 pages).

17.)                       Gilbert KREBS, Aspects du Vormärz, Paris, Presses Sorbonne Nouvelles, 1984, p. 209-212 (230 pages).

18.)                       Jacques LAMOUREUX, Le XVIIIe siècle anglais ou le temps des paradoxes, Paris, Éditions L’Harmattan, 2008, p. 275-277 (337 pages).

19.)                       Christoph MÄHRLEIN, Volksgeist und Recht: Hegels Philosophie der Einheit und ihre Bedeutung in der Rechtswissenschaft, Würzburg, Maison d’édition Königshausen & Neumann, 2000, p. 22 et 23 (265 pages).

20.)                       Jean-Luc MAYAUD, 1848, Paris, Éditions Créaphis, 2002, p. 519-524 (580 pages).

21.)                       Frederic P. MILLER, AGNES F. Vandome et John Mcbrewster, Carbonarisme, Sarrebruck, VDM Publishing, 2010, p.5 (80 pages).

22.)                       George L. MOSSE, Toward the Final Solution: A History of European Racism, New York, Éditions Howard Fertig, 1978, p. 36-37 (277 pages).

23.)                       Jean NURDIN, Le rêve européen des penseurs allemands (1700-1950), Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2003, p.76-81 (296 pages).

24.)                       Lucy RIALL, The Italian Risorgimento: State, Society, and National Unification, Londres, Éditions Routledge, 1994, p.1-11 (101 pages).

25.)                       Daniel SPEICH, Die politische Philosophie der Nation bei Kant, Herder, Fichte und Hegel, Zurich, Publications de l’École polytechnique fédérale de Zurich, 1997, p. 14 (21 pages).

26.)                       Stamatios TZITZIS, Le ‘Volksgeist’ entre philosophie politique et philosophie du droit – Le cas de l’École historique du droit, Paris, Publications de l’Université de Paris X-Nanterre, 2007, p.1 (15 pages).

27.)                       Friedrich Carl VON SAVIGNY, System des heutigen römischen Rechts – Band 1, Berlin, Maison d’édition Verlagshaus Veit und Compagnie, p. 20 (351 pages).

28.)                       Clarence Earl WALKER, L’impossible retour: à propos de l’afrocentrisme, Paris, Éditions Karthala, 2004, p. 67 (224 pages).

29.)                       Hans-Ulrich WEHLER, Deutsche Gesellschaftsgeschichte, Band 2: Von der Reformära bis zur industriellen und politischen „Deutschen Doppelrevolution“ – 1815-1845/49“, Munich, Éditions C.H. Beck, 1987, p. 335 (914 pages).

30.)                       Romain YAKEMTCHOUK, La France et la Russie: Alliances et discordances, Paris, Éditions L’Harmattan, p. 45 (261 pages).

31.)                        

 


[1] Vincent BOURDEAU, François JARRIGE et Julien VINCENT, Les luddistes: Bris de machine, économie politique et histoire, Alfortville, Éditions è®e, 2006 p. 17-18(157 pages).

[2] Bert ALTENA et Dick VAN LENTE, Gesellschaftsgeschichte der Neuzeit 1750-1989, Göttingen, Éditions Vandenhoeck & Ruprecht, 2009, p. 75-76 (444 pages).

[3] SITE DE L’OFFENSIVE LIBERTAIRE ET SOCIALE (2006) «Le mouvement luddite», lien direct: http://offensive.samizdat.net/spip.php?article233 (consulté le 9 décembre 2012).

[4] THE LUDDITES200 ORGANISATION FORUM (2011) «Our heritage, the Luddite Rebellion 1811-1813», lien direct: http://www.luddites200.org.uk/theLuddites.html (consulté le 8 décembre 2012).

[5] Jacques LAMOUREUX, Le XVIIIe siècle anglais ou le temps des paradoxes, Paris, Éditions L’Harmattan, 2008, p. 275-277 (337 pages).

[6] Charles ARNOLD-BAKE, The Companion to British History, Londres, Éditions Routledge, 1996, p. 364-365 (1425 pages).

[7] Fabrice BENSIMON, Les Britanniques face à la revolution française de 1848, Paris, Éditions L’Harmattan, 2000, p. 95-97 (451 pages).

[8] Jean-Luc MAYAUD, 1848, Paris, Éditions Créaphis, 2002, p. 519-524 (580 pages).

[9] Serge BERSTEIN et Pierre MILZA, Histoire du XIXe siècle, Paris, Éditions Hatier, 1996, p. 98 (540 pages).

[10] Guillaume BERTIER DE SAUVIGNY, Liberalisme, nationalism and socialism: The birth of three words, Notre Dame, Indiana, dans The Review Of Politics, 1970. 

[11] Hans-Ulrich WEHLER, Deutsche Gesellschaftsgeschichte, Band 2: Von der Reformära bis zur industriellen und politischen „Deutschen Doppelrevolution“ – 1815-1845/49“, Munich, Éditions C.H. Beck, 1987, p. 335 (914 pages).

[12] Ernst Rudolf HUBER, Deutsche Verfassungsgeschichte. Seit 1789. Teil 1: Reform und Restauration. 1789 bis 1830., Stuttgart, Éditions W. Kohlhammer, p. 722 (820 pages). 

[13] Gilbert KREBS, Aspects du Vormärz, Paris, Presses Sorbonne Nouvelles, 1984, p. 209-212 (230 pages).

[14] Jean NURDIN, Le rêve européen des penseurs allemands (1700-1950), Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2003, p.76-81 (296 pages).

[15] Henri BARTOLI, Histoire de la pensée économique en Italie, Paris, Éditions et Publications de la Sorbonne, 2003 p. 159 (571 pages).

[16] Lucy RIALL, The Italian Risorgimento: State, Society, and National Unification, Londres, Éditions Routledge, 1994, p.1-11 (101 pages).

[17] Frederic P. MILLER, AGNES F. Vandome et John Mcbrewster, Carbonarisme, Sarrebruck, VDM Publishing, 2010, p.5 (80 pages).

[18] Gilbert BOSETTI, De Trieste à Dubrovnik: Une ligne de fracture de l’Europe, Grenoble, Éditions Ellug, 2006, p. 134-137 (424 pages).

[19] Romain YAKEMTCHOUK, La France et la Russie: Alliances et discordances, Paris, Éditions L’Harmattan, p. 45 (261 pages).

[20] Paul BAQUIAST et EMMANUEL DUPUY, La république universelle en Europe - XVIIIe/XXIe siècles – tome I, Paris, Éditions L’Harmattan, 2007 p. 224 (238 pages).

[21] Sophie KERIGNARD, 100 fiches d’histoire du XIXe siècle, Paris, Éditions Bréal, 2004 p. 142 (334 pages).

[22] George M. FREDRICKSON, The Black Image in the White Mind: The Debate on Afro-American Character and Destiny, 1817-1914, Middletown, Connecticut, Presses de l’Université Wesleyan, 1987, p. 97 (367 pages).

[23]  George L. MOSSE, Toward the Final Solution: A History of European Racism, New York, Éditions Howard Fertig, 1978, p. 36-37 (277 pages).

[24] Clarence Earl WALKER, L’impossible retour: à propos de l’afrocentrisme, Paris, Éditions Karthala, 2004, p. 67 (224 pages).

[25] Daniel SPEICH, Die politische Philosophie der Nation bei Kant, Herder, Fichte und Hegel, Zurich, Publications de l’École polytechnique fédérale de Zurich, 1997, p. 14 (21 pages).

[26] Maxime ALEXANDRE, Romantiques allemands, Paris, La Pléiade, Éditions Gallimard, 1976, p. 12 (Introduction) (1606 pages).

[27] Stamatios TZITZIS, Le ‘Volksgeist’ entre philosophie politique et philosophie du droit – Le cas de l’École historique du droit, Paris, Publications de l’Université de Paris X-Nanterre, 2007, p.1 (15 pages).

[28] Friedrich Carl VON SAVIGNY, System des heutigen römischen Rechts – Band 1,Berlin, Maison d‘édition Veit und Compagnie, p. 20 (351 pages).

[29] Christoph MÄHRLEIN, Volksgeist und Recht: Hegels Philosophie der Einheit und ihre Bedeutung in der Rechtswissenschaft, Würzburg, Maison d’édition Königshausen & Neumann, 2000, p. 22 et 23 (265 pages).

[30] Giorgio DEL VECCHIO, Philosophie du droit, Paris, Éditions Dalloz, 2004, p. 137 (470 pages).

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