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by Sebastian Kluth

4. Travail de réflexion sur les régimes politiques d'après Philippe Bénéton

 

                 Les extraits des pages 89 à 125 de «Les régimes politiques» de l’universitaire français Philippe Bénéton qui travaille sur la philosophie politique m’ont inspiré plusieurs questionnements et réflexions.

            Tout d’abord, l’auteur constate que sous sa forme radicale, la pensée moderne déclare que l’homme se fait lui-même et devient ainsi son propre créateur. Cette citation m’a amené à réfléchir au dilemme de cette idée.

D’un côté, cette attitude détache les humains de toute force supérieure et les rend égaux en droits et libertés.

En même temps, cette idée s’oppose à un sentiment commun. Elle favorise donc plutôt une quête vers l’amélioration perpétuelle et une sorte de système de concurrence dans lequel chaque humain cherche à triompher sur l’autre. Cette thèse est aussi vidée de tout espoir. Si un humain réussit moins qu’un autre, c’est donc uniquement de sa faute et non celle du destin, d’une force supérieure ou d’une société déséquilibrée. Il devrait donc se considérer comme étant plus faible. Cette pensée met beaucoup de pression sur les épaules d’un être humain et symbolise une vision de plus en plus égoïste dans ce monde. En même temps, cette pensée dite moderne ne reflète pas les réalités du monde contemporain. Ce n’est pas juste depuis le début de la mondialisation que le fossé entre les gens pauvres et riches, malades et sains, limités et illimités se cristallise davantage. Cette pensée utopique ne sera jamais tout à fait réelle dans un monde dit émancipé qui est pourtant déchiré entre l’assimilation et la distinction où peu de gens trouvent un bon équilibre entre une intégration dans le monde moderne tout en gardant leurs coutumes et idéaux.

              Ensuite, l’auteur dresse un bilan dévastateur des régimes totalitaires et autoritaires face aux régimes démo-libéraux.

Certes, les faits sont véridiques, mais l’auteur fait exprès de choisir les exemples les plus négatifs pour soutenir sa thèse. Je trouve que cette vision est en fait un peu limitée. Ce n’est pas que la plupart des pays sous régime autoritaire sont ignorants et qu’ils ne connaissent pas les bienfaisances d’un système démocratique et libéral. Cela est plutôt le cas dans des régimes totalitaires qui tendent à éliminer toute autonomie humaine et toute influence extérieur comme c’était le cas dans l’Union soviétique sous Joseph Staline ou comme c’est encore le cas en République populaire démocratique de Corée sous la dynastie Kim où le pouvoir fait croire aux gens qu’il n’existe pas d’autre régime fonctionnel que le leur.

Dans le cas des régimes autoritaires, c’est souvent même le peuple qui a soutenu l’installation de ce dernier car les régimes démo-libéraux ou des régimes autoritaires mis en place ou soutenus par des forces extérieures auparavant étaient facilement corruptibles, peu adaptés aux divers problèmes de la population et manquaient de fil conducteur pour faire face aux nombreux défis. On peut citer la révolution russe ou la révolution cubaine comme exemples pour des exemples pour révoltes populaires contre un régime mis en place suivi de l’installation d’un autre régime autoritaire, mais il y a aussi des exemples démocratiques comme l’échec de la République de Weimar à la fin de laquelle le peuple allemand a fait exprès d’élire par la voie démocratique un homme politique qui avait clairement annoncé de vouloir abolir ce système peu fonctionnel en retournant à une forme autoritaire traditionnelle. Les citoyens allemands qui défendent leur choix en disant qu’ils ne savaient pas qu’Adolf Hitler promouvait des idées radicales ont tort car l’essentiel de son idéologie antisémite  a été rédigé dans «Mein Kampf» et en suivant de près ses discours avant la prise du pouvoir, on a déjà facilement pu se rendre compte de sa vision du monde. Les gens qui ont soutenu cet homme ont donc échoué dans leur devoir citoyen de se renseigner adéquatement sur ce candidat ou ils étaient majoritairement en accord avec lui. Le peuple allemand a librement choisi cet homme et la majorité l’a soutenue jusqu’à la toute fin.

D’autres pays sont tellement divisés en différents groupes ethniques ou linguistiques qu’un système démo-libéral créerait davantage de confusions et des infrastructures trop instables qui changeraient à chaque fois qu’un nouveau gouvernement prendrait le pouvoir. On voit que le chaos règne davantage dans des pays tels que l’Afghanistan, l’Iraq ou la Libye depuis que les systèmes autoritaires ont chuté. Ici, on n’est pas loin d’une anarchie dévastatrice qui est encore beaucoup plus grave que les systèmes autoritaires d’avant. Un régime autoritaire n’est peut-être pas juste à l’égard de tous et de toutes, mais il promet une certaine longévité et une sorte de compromis radical. Ce n’est pas pour rien que plusieurs pays de l’ancienne Union soviétique souhaitent aujourd’hui réintégrer la Russie vu qu’ils font face à un manque d’infrastructures, une économie très peu variée et des influences extérieures hostiles mettant en péril l’héritage culturel de ces pays comme la montée de l’islamisme dans des pays tels que le Tadjikistan.

D’autres pays autoritaires semblent même être très fonctionnels dans le monde moderne tel que la République populaire de Chine dont le produit intérieur brut ne cesse d’augmenter dans un temps où les pays occidentaux doivent tous couper dans leurs budgets ou ne tiennent le coup que grâce à une communauté forte comme c’est le cas en Grèce. Si le pouvoir central chinois ne s’opposait pas aux mouvements indépendantistes, cela déstabiliserait tout le continent et mènerait à davantage de conflits. Imaginons que le Tibet devienne indépendant et formerait un nouveau pays sous le dalaï-lama. Alors d’autres minorités ethniques et religieuses en seraient motivées pour réclamer radicalement l’indépendance à leur tour aussi, par exemple la Mongolie-Intérieure ou le Xinjiang ce qui désintégrera le pays entier. Le fait d’accorder des statuts de régions autonomes à ces endroits n’est pas tout à fait un chemin démo-libéral, mais un compromis sensé pour l’ensemble de la population et le gouvernement dans le contexte chinois.

C’est pour cela que j’observe les contestations indépendantistes en Catalogne, en Tchétchénie, au Québec, au Tibet et partout ailleurs dans le monde de façon moins enthousiaste et avec beaucoup de prudence. De plus, les derniers pays ayant obtenu l’indépendance tels que le Sud-Soudan n’ont pas réellement pu progresser et constituent davantage un fardeau pour la communauté internationale.

Ceci étant dit, je suis clairement opposé à tout régime totalitaire et en général en désaccord avec un bon nombre de régimes autoritaires vu que je me considère l’état démocratique comme un système se rapprochant le plus d’un idéal pourtant utopique et je suis très reconnaissant d’avoir pu grandir et de vivre dans de tels systèmes. Mais les régimes démo-libéraux ne constituent pas la seule et unique solution et ont leurs lacunes qui font en sorte que certains endroits dans le monde ne pourront pas être fonctionnels sous ce système et semblent être mieux gouvernés sous des régimes autoritaires. Les universitaires occidentaux devraient donc être plus vigilants et ouverts d’esprit lorsqu’ils se prononcent sur les régimes politiques et se mettre davantage dans le contexte des pensées et réalités locales sans considérer ces pays comme retardataires ou en voie de développement. N’oublions pas que la démocratie moderne est également issue d’une révolution arbitraire et très sanguinaire en France qui a été un échec clair et net en résultant dans un retour relativement durable à la monarchie. N’oublions pas non plus que le système démocratique a été rigoureusement imposé par des forces extérieures dans le cas des pays tels que l’Allemagne et le Japon sans compter les pays colonisés par la force par des pays tels que la Belgique, l’Espagne, la France, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni et ainsi de suite. Il faut aussi constater que les pays démo-libéraux ne sont pas très tolérants envers toute autre forme d’état. Si un pays de l’Union européenne décidait d’élire un régime autoritaire par la voie démocratique, il serait sans le moindre doute tout de suite exclu de l’association et puni sur plusieurs niveaux pour son choix pourtant démocratique et libre ce qui est contradictoire. Il faut donc se poser la question, si nos systèmes politiques modernes sont aussi démo-libéraux qu’on nous fait croire.

Cela m’amène à réfléchir sur un dernier point. Est-ce que la démocratie libérale est réellement si profondément enracinée dans les pays occidentaux comme Philippe Bénéton le souligne? Je pense que cela n’est pas le cas car la tradition démocratique n’est que très jeune dans le cas d’un bon nombre de pays occidentaux. Dans la majorité des pays, cela ne fait même pas un siècle que la démocratie libérale est mise en place et auparavant, ces pays avaient un passé souvent monarchique et autoritaire durable et fonctionnel pendant plusieurs siècles.

Ensuite, Philippe Bénéton juge que la démocratie libérale exige un minimum de vertu civique des acteurs politiques. Je me pose donc la question suivante: est-ce qu’une démocratie sans démocrates est réellement fonctionnelle? Je pense qu’un certain flegmatisme politique de la part de la population que l’on peut également observer dans la participation aux élections dans les pays occidentaux indique un certain désenchantement au sein de la communauté face aux réalités des états démo-libéraux. Ce découragement n’est pas sans danger car les gens diffusant des opinions radicales seront plus écoutés et ceux-ci ne tarderont pas à s’impliquer sur le plan politique pour augmenter leur poids d’influence. Il est difficile de contrer ce problème, mais il y a plusieurs pistes de solution allant d’une sensibilisation au niveau des institutions scolaires ou des médias à l’imposition d’un vote obligatoire qui doit être effectué par chaque citoyen. Pourtant, ces interventions ciblées seront rarement effectuées de façon neutre et peuvent même causer des effets contraires à la pensée démo-libérale ce qui démontre une des principales faiblesses de ce système qui ne peut pas avoir une forme parfaite de l’altérité.

 Sur le plan historique, les systèmes démo-libéraux semblaient avoir emporté la victoire après la chute du communisme en Union soviétique il y a vingt ans, mais depuis ce temps-là, les pays occidentaux ont vécu des crises économiques et politiques graves qui les ont affaiblis et certains régimes restent toujours accrochés à d’autres fromes d’états ou ont même vu des retours à des systèmes radicaux. Des cas de génocides comme au Ruanda ou même en Yougoslavie prouvent que certains problèmes du passé vécus sous des régimes autoritaires persistent encore dans un monde de plus en plus démo-libéral. Cela montre qu’il n’y a pas une telle chose qu’une «victoire finale» (ce terme me déplaît car il a été fréquemment utilisé par les dirigeants du Troisième Reich allemand ce qui prouve que la terminologie radicale entre les différentes formes d’état n’est malheureusement pas tellement différente) pour un système en particulier et que notre monde demeure malgré les effets positifs de la mondialisation une planète bien diversifiée faisant face à des nouveaux, mais aussi à des vieux défis qui semblent des fois être éternels.

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