• 20. Dissertation sur le révolutionnaire tchèque František Palacký (21/11/12)

     

    Université du Québec à Chicoutimi

     

     

    Département des sciences humaines

     

     

     

     

    L’Europe au XIXe siècle : l’âge des révolutions.

    (4HIS472)

     

     

     

     

    La dissertation

     

     

     

     

     

    Travail présenté à :

     

     

    Madame Cylvie Claveau

     

     

     

     

     

    Travail présenté par :

     

     

     

    Sebastian Kluth (KLUS21088908)

     

     

     

     

     

     

     

    Mercredi, le 21 novembre 2012

     

     

     

     

    Table des matières


    I.           Introduction.…………………………………………………...………. Page 3

    II.         Courte biographie.…….…………………………………………….….Page 3

    III.       Le rôle de Palacký dans le développement de l’identité nationale

    tchèque……………………………………………………………….…Page 5

    IV.        Palacký et l’image du père de la nation……………………………….Page 7

    V.          L’engagement de Palacký dans le cadre de la vague de grands

    libérateurs de peuples en Europe de l’Est…………………………….Page 9

    VI.         L’héritage de Palacký et la réalisation de son rêve d’un royaume

    tchèque……………….………………………………………………...Page 11

    VII.        Conclusion……………………………………………………………..Page 13

    VIII.       Bibliographie…………………………………………………………..Page 14


    I.                   Introduction:


                La présente dissertation porte sur le révolutionnaire tchèque František Palacký, «fondateur de la recherche moderne en histoire tchèque et personnage clé du mouvement national tchèque».[1] Mis à part l’introduction et la conclusion, ce travail présente d’abord un résumé de la riche biographie du personnage dans le but de fournir un portrait introductoire général et afin de mieux saisir les événements abordés lors des différentes questions traitées au long du travail. Celui-ci est par la suite divisé en quatre parties traitant chacune une question différente qui a pour but d’analyser le rôle révolutionnaire que le personnage historique a eu en ce qui est aujourd’hui la République tchèque. La première partie porte sur l’influence du personnage au niveau du développement et de l’identité nationale tchèque. Ensuite, une autre partie est consacrée aux justifications et raisons selon lesquelles le terme «père de la nation» est associé à Palacký ainsi qu’à deux autres personnages historiques ayant vécu avant et après lui. Après, ce travail s’interroge sur un contexte plus large dans lequel le rôle révolutionnaire du personnage est traité dans le cadre de la vague de grands libérateurs de peuples en Europe de l’Est vers le milieu du dix-neuvième siècle. Enfin, la dernière partie cherche à mettre l’accent sur les traces laissés et l’héritage transmis par le personnage après son décès.

     

    II.                Courte biographie:

     

    František Palacký fut né le 14 juin 1798 à Hodslavice en Moravie. Il était le descendant d’une famille protestante tchèque ayant maintenu sa foi en secret pendant longtemps. Dans sa jeunesse, il était un ardent étudiant en langues slaves malgré la proximité de la frontière linguistique tchéco-allemande. Il parlait un total de onze langues différentes dont il étudiait plusieurs à l’école régulière de Kunavald, à l’école latine de Trenčín et ensuite au lycée évangélique luthérien de Bratislava. Dès sa jeunesse, il cherchait à promouvoir les langues slaves, les annales de l’histoire tchèque et le développement d’une identité nationale tchèque. Il commençait d’abord à travailler entre autres comme précepteur dans des familles nobles hongroises.

    Malgré l’hostilité des autorités autrichiennes à l’égard de ses idéaux, il devint archiviste et historiographe des États de la couronne de Bohême en 1829. Dès ses premiers travaux, il commença à dessiner le schéma canonique des époques de l’histoire tchèque, en lui donnant au XVIe siècle une personnalité juridico-politique propre et un rôle au moins égal à celui de ses souverains.[2] Son œuvre clé en cinq tomes sur l’«Histoire du peuple tchèque en Bohême et Moravie» fut créée en 1836 et 1837.

    František Palacký connut ensuite une montée en popularité et s’engagea dans les domaines de l’historiographie, de l’éducation, des arts et plus tard même dans la politique. Lors du Printemps des peuples en 1848, il joua un rôle primordial en étant élu président du Parlement slave de Prague. Malgré ses idées révolutionnaires, il considérait néanmoins que l’existence de l’Autriche fédérée était vitale pour les Tchèques.

    Un an plus tard, le ministre-président Felix zu Schwarzenberg mit son véto à la nomination de Palacký à l’université Charles de Prague et y plaça un protégé nommé à la nouvelle chaire d’histoire autrichienne en langue tchèque. Celui-ci prit pourtant bientôt lui-même l’initiative de développer une conception synchronique de l’histoire de la Bohême influencée en partie par les œuvres de Palacký et attira la disgrâce de Thun. Dans les gymnases et les lycées, les réformes de Leopold von Thun und Hohenstein, nouveau ministre de la culture et de l’enseignement, prévoyaient seulement des cours d’histoire et d’ethnographie de l’Autriche et un enseignement d’histoire universelle.

    Malgré une surveillance policière accrue et des répressions gouvernementales, Palacký continua à faire valoriser la langue tchèque en devenant président du Comité pour la création du Théâtre national tchèque en 1850. En 1860, il signa une pétition-memorandum pour protester contre les discriminations linguistiques et afin de promouvoir la mise en place d’un journal politique en langue tchèque. Avec la création du journal «Národní listy», fondé par František Ladislav Rieger, le beau-fils et complice idéologique de Palacký, cette réclamation prit une forme concrète en 1861.

    František Palacký fut élu au Parlement tchèque en 1861 et devint peu après le chef du parti national-fédéraliste en promouvant l’idée d’un royaume tchèque assemblant la Bohême, la Moravie et la Silésie tchèque.

    En 1867, Palacký mena une campagne de sensibilisation traitant la question tchèque à Paris qui voulait pourtant rester fidèle à l’Autriche car on comptait sur ce partenaire pour freiner la montée en force de la Prusse bismarckienne. Ce n’était qu’en 1870 lors d’une protestation publiée dans «Národní listy» désapprouvant la politique de rapprochement entre l’Autriche et l’Allemagne et condamnant l’annexion de l’Alsace-Lorraine que se développait une première forme d’amitié franco-tchèque concrète.

    Toujours en 1867, Palacký assista à l’important Congrès panslave de Moscou lorsque les responsables politiques tchèques développaient deux axes de politique extérieure, une orientée vers l’Ouest, l’autre vers l’Est. Le congrès traitait notamment l’idée d’une parenté slave commune et la problématique comment ancrer concrètement une telle communauté sur le plan constitutionnel. La participation controversée à cet événement attira le mépris des Polonais qui se sentaient trahis et la rancune du ministre-président d’Autriche Friedrich-Ferdinand von Beust. La délégation sous Palacký avait dès lors une image de russophiles tandis que celle de libéraux et d’Austro-Slaves était davantage affaiblie. D’un autre côté, la délégation reçut une certaine reconnaissance internationale et faisait preuve de diplomatie, d’ouverture d’esprit et de prise d’initiatives.

    Après le recul de la monarchie autrichienne devant une promesse de fédéralisation au bénéfice de Prague en 1871, František Palacký rappela que le Royaume de Bohême avait existé bien avant l’Autriche habsbourgeoise et qu’il pourrait bien lui survivre.

    František Palacký décéda de causes naturelles le 26 mai 1876 à Prague.


    III.             Le rôle de Palacký dans le développement de l’identité nationale tchèque:


    Selon moi, František Palacký peut être considéré comme un des personnages piliers de l’émergence de l’identité nationale tchèque avec ses implications au niveau artistique, historiographique, pédagogique, philosophique et politique.

    Tout comme Palacký lui-même qui avait grandi dans une famille protestante, mais qui est devenu un homme politique tout au long de sa vie, l’identité nationale tchèque se modifia depuis la fin du dix-septième et tout au long du dix-neuvième siècle d’une identité religieuse à une identité nationale.[3] L’idée d’une parenté slave commune remonte d’ailleurs jusqu’à la fin du dix-huitième siècle avec les propos faits par le père de la slavistique Josef Dobrovský. Cette dualité politico-religieuse figure aussi dans la comparaison de Palacký avec le grammairien, pédagogue et philosophe tchèque Jan Amos Komenský dont il se voyait être l’héritier et le successeur. Ce membre du mouvement protestant des Frères Moraves était à son époque vu comme le père de la pédagogie moderne. Tout comme Palacký, il mettait également l’accent sur l’apprentissage des langues et s’engagea politiquement en promouvant la réconciliation entre différentes nations durant et après la guerre de Trente Ans.

    En réalité, Palacký était le successeur de l’historiographe du Royaume de Bohême František Pubička, mais il cherchait à innover le métier en créant une nouvelle synthèse érudite basée sur l’accès aux archives jusqu’alors inaccessibles ou négligés.[4] Palacký combina dans ses œuvres non seulement une connaissance exhaustive des sources disponibles, mais également l’érudition méthodologique des Lumières. On peut notamment y retrouver la philosophie de l’histoire de Georg Wilhelm Friedrich Hegel et l’assimilation de la leçon libérale d’un François Pierre Guillaume Guizot avec la mise en circulation de mythes fondateurs.[5]

    Sa valorisation de l’enseignement de la langue tchèque mena à des transformations progressives qui aboutirent en 1868 en de nouvelles lois qui accordaient à la langue tchèque le statut de la langue d’enseignement dans les lycées, qui se partageaient désormais entre établissements tchèques et allemands.[6] Sa présidence au sein du Parlement slave de Prague lors du Printemps des peuples, son élection au Parlement tchèque en 1861, son rôle de chef du parti national-fédéraliste promouvant l’idée d’un royaume tchèque assemblant la Bohême, la Moravie et la Silésie tchèque et son ouverture sur l’identité panslaviste exprimée dans le cadre du Congrès panslave de Moscou en 1867 démontrent la concrétisation politique que Palacký exerça pour l’appui de ses conceptions ethniques, linguistiques et pédagogiques.

    Pour en conclure, František Palacký a joué un rôle primordial, diversifié et continu dans le développement de l’identité nationale tchèque.


    IV.             Palacký et l’image du père de la nation:


    Plusieurs historiens appellent Palacký «le père de la nation tchèque» tandis que d’autres le mettent sur un pied d’égalité avec deux autres personnages historiques qui sont Charles IV du Saint-Empire ayant vécu avant lui et le premier président de la République tchécoslovaque qui était le pédagogue, philosophe et sociologue Tomáš Garrigue Masaryk ayant vécu en même temps et après Palacký. Selon moi, il est un des trois personnages les plus marquants que l’on peut appeler «les pères de la nation».

    Tandis que les billets de mille couronnes tchèques portent l’effigie de Palacký, les billets de cent couronnes portent celle de Charles IV. D’ailleurs, les billets de cinq milles couronnes sont à l’effigie de Tomáš Garrigue Masaryk. De cette façon, la République tchèque moderne rend un hommage sensiblement égal aux trois personnages.

    Charles IV du Saint-Empire, membre de la maison de Luxembourg et empereur romain germanique au quatorzième siècle, joua un très important rôle dans l’histoire de l’identité tchèque. Tout comme Palacký, le prestigieux empereur s’impliqua au niveau artistique, notamment sous forme architectural, et rédigea même ses propres mémoires[7]. Au niveau éducatif et aussi grâce à son rôle administratif et politique, il véhiculait l’émergence de ce qui est appelé à nos jours le premier âge d’or de la Bohême. De cette émergence profitait la Bohême entière, même si la majorité des innovations prirent précisément place dans la ville de Prague uniquement. Originaire de Křivoklát en Bohême centrale, Charles IV faisait venir une panoplie d’artistes de toute l’Europe à son lieu de résidence qui devenait bientôt le cœur administratif et artistique du Saint-Empire. Au niveau architectural, il ordonna la reconstruction gothique de la cathédrale Saint-Guy de Prague dès 1344, la construction du château fort de Karlštejn en 1348 comme retraite impériale et la création du pont Charles en 1357. Au niveau éducatif, il fonda en 1348 l’université Charles de Prague, la première université du monde germanique. Au niveau administratif, il fonda durant la même année la Nouvelle Ville de Prague qui doubla la surface de l’ancienne ville. De nouveaux marchés au bétail, aux chevaux et au foin émergeaient durant les années suivantes et diversifiaient l’économie.

    En ce qui concerne Tomáš Garrigue Masaryk, celui-ci s’impliqua notamment au niveau politique, mais aussi sur le plan artistique pour le peuple tchèque. Il était tout comme František Palacký un passionné des langues. Né d’un père slovaque et d’une mère allemande, il parlait aisément l’allemand, le slovaque et le tchèque dès sa tendre jeunesse et apprenait plus tard l’anglais, le français, le grec, le latin, le polonais et le russe. Comme Palacký, il gagnait d’abord sa vie comme précepteur pour les enfants de familles riches. Le père d’une de ces familles, le directeur de la police Anton Le Monnier, devint son mécène et lui paya des études. Lors de la Première Guerre mondiale, Masaryk milita en exile en Italie, en Angleterre et en Russie pour l’indépendance tchèque et contre l’empire austro-hongrois. Contrairement à Palacký, Masaryk s’engagea également au niveau militaire dans les légions tchécoslovaques du côté de la Triple-Entente. Il rencontra le célèbre terroriste Boris Savinkov qui était bientôt accusé d’une tentative de meurtre contre Lénine avec la militante du Parti socialiste-révolutionnaire russe Fanny Kaplan. Selon les dires de Savinkov, Masaryk aurait financé l’attentat, mais il demeure impossible d'affirmer ou de nier que Masaryk aurait voulu faire exécuter Lénine.[8] Il quitta la Russie en passant par le Japon et le Canada pour s’installer aux États-Unis. Il s’y adressa aux milieux tchéco-américains, mit la communauté slovaco-américaine de son côté et réussit à convaincre le président Woodrow Wilson de la justesse de sa cause en faveur d’un état tchécoslovaque dont il prononça l’indépendance à Philadelphie le 18 octobre 1918. Il devint chef du gouvernement provisoire et fut élu président en 1920. Comme Charles IV et František Palacký, il donna un forum aux artistes littéraires. Protecteur du jeune état, il essaya de prendre des précautions contre la montée du nazisme. En raison de son prestige et du bénéficie d’un énorme consensus, il resta président de l’état jusqu’en 1935 malgré une grave maladie.  

    En conclusion, on peut dire que chacun des trois personnages historiques a profondément marqué l’identité nationale tchèque de son époque. Selon moi, ils méritent tous l’honneur d’être considérés comme pères de la nation. En comparaison avec d’autres personnages historiques tchèques comme le réformateur religieux Jan Hus par exemple, l’engagement de ces personnages dans plus qu’un seul domaine ainsi que la durée étendue de leur implication pour l’identité tchèque les distingue clairement et les pose par-dessus la panoplie de personnages historiques intrigants. Pourtant, j’inclurais un quatrième personnage dans la liste avec le premier président de la République tchèque Václav Havel qui est estimé comme une personnalité extraordinaire de son pays et souvent appelé le «président-philosophe».[9]


    V.                L’engagement de Palacký dans le cadre de la vague de grands libérateurs de peuples en Europe de l’Est:


    Selon moi, František Palacký faisait en effet partie d’une vague de grands libérateurs de peuples en Europe de l’Est vers le milieu du dix-neuvième siècle.

    Des revendications semblables à celles de Palacký se faisaient à l’intérieur et à l’extérieur du territoire administré par l’Autriche impériale. Ce qui est important à constater est le fait que la vague de libérations n’était pas uniquement véhiculée à l’extérieur de l’administration autrichienne, mais également au sein de celle-ci.

    Un bon exemple pour la deuxième option est le cas du fonctionnaire et statisticien autrichien originaire de Černousy en Tchéquie qui était le baron Karl Freiherr von Czoernig-Czernhausen avec lequel František Palacký avait des échanges lettrées très régulières. Il était considéré comme le premier scientifique à appliquer le cadre théorique romantique à l’étude de la langue minoritaire du Frioul, en l’élargissant par la prise en compte des aspects ethnographiques et linguistiques de la région. Son but initial était d’actualiser les études sur la région et de confirmer la doctrine politique autrichienne basée sur un centralisme multiethnique sous direction germanophone.[10] Pourtant, avec la proposition et l’application de la loi autrichienne sur les recensements en 1857, il fit en sorte que la minorité frioulane était dès lors considérée comme groupe ethnique. De plus, il aida Jacun Pirona en 1871 à obtenir le soutien économique de l’Académie des Sciences de Vienne pour la publication de son vocabulaire frioulan qui fit partie de l’important processus d’officialisation de la langue. Des cas comme celui de Czoernig-Czernhausen prouvent que les autorités autrichiennes étaient elles-mêmes fortement divisées et faisaient au moins en partie preuve d’ouverture au niveau des questions nationales.

    Des chocs extérieurs comme la perte d’une partie des possessions italiennes et la montée en puissance de la Prusse sous Otto Eduard Leopold von Bismarck jouaient également un rôle primordial dans l’ouverture de Vienne concernant une révision de l’ordre constitutionnel et un dialogue plus étendu avec les différentes minorités ethniques. L’adoption de ce qui est connu sous le nom du Compromis austro-hongrois en décembre 1867 peut être considérée comme «l’An 1» de la politique extérieure tchèque.[11]

    Lors du printemps des peuples, des poussées de sentiments nationaux et de mouvements indépendantistes pouvaient être observés partout en Europe. Mis à part le territoire tchèque, on peut citer en Europe de l’Est la proclamation de la Voïvodine de Serbie en 1848 qui ne dura qu’un an ou la déclaration d’indépendance de l’Hongrie en 1849 qui est déjouée par un affaiblissement intérieur causé par un morcèlement de mouvements indépendantistes parmi le nombre élevé de minorités ethniques au sein du territoire et par l’intervention militaire autrichienne qui est soutenue par l’Empire russe. En Europe centrale, Frédéric-Guillaume IV de Prusse refusa la couronne impériale du Parlement de Francfort car il ne voulut pas être considéré comme un roi de droit populaire, mais plutôt de droit divin et parce qu’il ne voulait pas offenser l’ensemble des nombreux princes et rois sur le territoire allemand. Suite à l’intervention autrichienne, la situation antérieure fut rétablie en novembre 1850. En Europe de l’Ouest, le peuple de Paris renversa l’ultime roi français Louis-Philippe Ier en 1848 suite à une crise économique importante et son abdication mena à la proclamation de la Deuxième République. Celle-ci était pourtant de courte durée et trouva sa fin avec le coup d’État bonapartiste en 1851 et l’instauration du Second Empire en 1852. En Europe du Sud, des révoltes éclataient dans les principales villes italiennes comme Milan, Naples ou mêmes dans les États pontificaux en 1848. De différentes constitutions furent accordées, mais les interventions militaires autrichienne et française ramenèrent rapidement l’ordre.[12]

    On peut donc constater que l’engagement de František Palacký pour l’identité nationale tchèque est un exemple parmi plusieurs événements à l’extérieur et à l’intérieur de la gouvernance autrichienne lors de la grande vague de libérateurs de peuples dans le cadre du printemps des peuples. Ces événements ne se limitaient pas seulement à l’Europe de l’Est, mais touchaient également son centre, l’ouest et le sud. Les mouvements indépendantistes étaient de courte durée et peu couronnés de succès. D’un autre côté, le grand nombre de contestations déstabilisa l’Europe de nouveau et allait mener à d’autres tentatives semblables dans le futur, mais aussi à de nombreuses guerres et de nombreuses modifications au niveau de la gouvernance des grandes puissances.


    VI.             L’héritage de Palacký et la réalisation de son rêve d’un royaume tchèque:


    Pour terminer, cette partie de la dissertation a pour but de prouver que František Palacký avait laissé des traces profondes au sein de la communauté tchèque, qu’il est devenu un des personnages les plus importants de son pays et que son rêve d’un royaume tchèque s’est réalisé en grandes parties.

    La politique tchèque fut définie en 1848 par les douze articles dits de «Saint Venceslas» réclamant l’autonomie administrative des pays tchèques et par la «Lettre au Parlement de Francfort» de Palacký dans laquelle in expliqua qu’il refusa de participer au pré-parlement libéral de Francfort, considérant que l’avenir des Slaves d’Autriche devait se dérouler au sein d’une monarchie fédéralisée.[13] Sous l’impression du printemps des peuples et de plusieurs révoltes à Vienne, le peuple tchèque commença à définir son identité sur le plan de la politique extérieure. Premièrement, on s’opposa à une Allemagne centraliste. Deuxièmement, on décida de vouloir adhérer et se définir par rapport à l’austro-slavisme. Troisièmement, on voulait progressivement renforcer la solidarité slave. Même si la révolution du peuple tchèque fut écrasée comme les autres, ce mouvement dont Palacký faisait partie avait laissé des traces profondes. C’était le point de départ d’une longue série de revendications politiques et de mouvements nationaux.  

    Selon Palacký, l’essence de l’existence nationale tchèque n’était qu’une lutte continuelle entre slavité et germanité, à la fois combat et émulation, rejet et acceptation des coutumes et des lois allemandes et il s’agit d’une lutte autant à l’intérieur qu’à l’extérieur, menée autant par la force que par l’esprit et la parole de façon ouverte et implicite véhiculée par une ardeur éclairée et une passion aveugle conduisant non seulement à la victoire ou à la soumission, mais aussi à la réconciliation.[14] Cette vision confirma la conception de la nation tchèque comme pont entre la germanité et la slavité, entre l’Ouest et l’Est de l’Europe par son histoire et par son emplacement géographique.

    Loin après sa mort, un autre père fondateur du nom de  Tomáš Garrigue Masaryk réalisa en partie le rêve de Palacký avec la proclamation de la République tchécoslovaque. Cette jeune république devait relever des défis importants lors de la montée du nazisme en Allemagne et était encore loin de l’aboutissement de tous les idéaux tants espérés par Palacký et Masaryk lui-même.

    L’expulsion définitive des forces allemandes à la fin de la Deuxième Guerre mondiale mit alors un terme à cette coexistence et donna un nouveau visage à l’identité nationale tchèque. En théorie, c’était l’aboutissement de la question tchèque selon la conception de Palacký. Une autre rupture avec cette identité était pourtant le joug d’un nouveau système totalitaire sous Joseph Staline quand la dominance autrichienne ou allemande fut simplement remplacée par celle de l’Union soviétique. Ce ne fut que temporairement lors du Printemps de Prague en 1968 que des opportunités d’expression de l’identité nationale tchèque dans des conditions de discussions plus libres étaient véhiculées. L’aboutissement de cette vague libératrice était enfin la création de la République tchèque sous son premier président Václav Havel qui peut être considéré comme un autre père fondateur ayant hérité des progrès démarrés par Palacký et Masaryk et ayant accompli une mission débutée il y a au moins un siècle et demi.

    L’histoire contemporaine prouve donc que František Palacký avait laissé un héritage fructueux, inspirant et profond, qu’il peut sans le moindre doute être considéré comme un personnage clé de l’histoire tchèque et que son rêve d’un royaume tchèque s’est enfin réalisé sous la forme contemporaine de la démocratie.


    VII.          Conclusion:


    Pour en conclure, František Palacký a eu une énorme influence sur le développement de l’identité nationale tchèque en favorisant un renouveau national tout en défendant une conception fédéraliste au sein de l’empire autrichien. Il peut être considéré comme un des pères fondateurs en raison de la multitude de domaines qu’il avait innové pendant une période étendue comme les arts, l’historiographie, la pédagogie, la philosophie et la politique. Le prestigieux Charles IV du Saint-Empire, le premier président de la République tchécoslovaque Tomáš Garrigue Masaryk ainsi que le premier président de la République tchèque Václav Havel peuvent selon moi être aussi considérés comme pères fondateurs tandis que Palacký était certainement le personnage le plus diversifié qui faisait partie d’une vague de grands libérateurs de peuples en Europe durant le printemps des peuples. Enfin, Palacký a énormément influencé les générations de politiciens suivantes. Son rêve d’un royaume tchèque s’est réalisé à nos jours.

     

    VIII.       Bibliographie


    1.      1. BAQUIAST, Paul et Emmanuel DUPUY, L’idée républicaine en Europe – XVIIIe / XXIe siècles – Histoire et pensée universelle – La république universelle, Volume 1, Paris, Éditions l’Harmattan, 2007, 238 pages.


    2.      2. CADORINI, Giorgio, «Le frioulan, sept ans après son officialisation», dans Ianua. Revista Philologica Romanica, Prague, Publications de l’Université Caroline et maison d’édition Romania Minor, numéro quatre, 2003, p. 49 à 55.

     

    3.       CORNIS-POPE, Marcel et John NEUBAUER, History of the Literary Cultures of East-Central Europe: Junctures and Disjunctures in the 19th and 20th Centuries, Volume 4, Amsterdam, Éditions John Benjamins, 2004, 714 pages.

     

    4.      DUCREUX, Marie-Élizabeth, «Nation, état, éducation: L’enseignement de l’histoire en Europe centrale et orientale», dans Histoire et Nation en Europe centrale et orientale XIXe-XXe siècles, Paris, Histoire de l’éducation du Service d’histoire de l’éducation de l’Institut national de recherche pédagogique, numéro 86, 2000/2, 156 pages, p. 5 à 36.

     

    5.      EVEN-GRANBOULAN, Geneviève, Václav Havel, president philosophe, La Tour-d'Aigues, Éditions de l’Aube, 2003, 349 pages.

     

    6.      HAUNER, Milan et autres, L’autre Europe A26 27 - Transitions, Paris, Éditions de l’Âge d’Homme, 1993, 231 pages.

     

    7.      HOREL, Catherine, Nations, cultures et sociétés d’Europe centrale aux XIXe et XXe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2006/05, 288 pages.

     

    8.      Kořalka, Jiří, Frantisek Palacky  (1798-1876): der Historiker der Tschechen im österreichischen Vielvölkerstaat), Vienne, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, 2007, 609 pages.

     

    9.      MARÈS, Antoine, Quelle politique étrangère mener sans État? – Le cas tchèque au XIXe siècle, Paris, Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, numéro 32, 2/2010, 204 pages, p. 15 à 31.

     

    10.  NEYEN, Auguste, Biographie luxembourgeoise: histoire des hommes distingues originaires de ce pays, considéré à l'époque de sa plus grande étendue, ou qui se sont rendus remarquables pendant le séjour qu'ils y ont fait, Volume 1, Luxembourg, Éditions P. Bruck, 1860, 480 pages.

                                                                                                                                   

    11.  NESPOR, Zdeněk R., L’amnésie de la remémoration dans la société tchèque, Paris, Archives de sciences sociales des religions, numéro 149, 2010/1, 292 pages, p. 109 à 128.

     

    12.  PANEK, Jaroslav et Oldřich TUMA, A history of the Czech lands, Prague, Éditions de l’université Charles de Prague, 2009, 639 pages.

     

    13.  SOUBIGOU, Alain, Tomas Masaryk, Paris, Éditions Fayard, 2002, 550 pages.

     

    14.  VLCEK, Ivo, La France et les pays tchèques de 1871 à 1914. Etude sur la diplomatie, l'opinion publique, les doctrines politiques et leur interdépendance, Strasbourg, Publication de l’Université, 1970, 390 pages.

     

     



    [1] HOREL, Catherine, Nations, cultures et sociétés d’Europe centrale aux XIXe et XXe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2006/05, page 139 (sur 288)

     

    [2] PANEK, Jaroslav et Oldřich TUMA, A history of the Czech lands, Prague, Éditions de l’université Charles de Prague, 2009, 639 pages.

    [3] NESPOR, Zdeněk R., L’amnésie de la remémoration dans la société tchèque, Paris, Archives de sciences sociales des religions, numéro 149, 2010/1, 292 pages, p. 119 (p. 109 à 128), lien direct: http://www.cairn.info/revue-archives-de-sciences-sociales-des-religions-2010-1-page-109.htm.

    [4] CORNIS-POPE, Marcel et John NEUBAUER, History of the Literary Cultures of East-Central Europe: Junctures and Disjunctures in the 19th and 20th Centuries, Volume 4, Amsterdam, Éditions John Benjamins, 2004, p. 197 (sur 714 pages).   

     

    [5] Kořalka, Jiří, Frantisek Palacky (1798-1876): der Historiker der Tschechen im österreichischen Vielvölkerstaat), Vienne, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, 2007, p. 7 (609 pages).

     

    [6] DUCREUX, Marie-Élizabeth, «Nation, état, éducation: L’enseignement de l’histoire en Europe centrale et orientale», dans Histoire et Nation en Europe centrale et orientale XIXe-XXe siècles, Paris, Histoire de l’éducation du Service d’histoire de l’éducation de l’Institut national de recherche pédagogique, numéro 86, 2000/2, 156 pages, p. 18 (p. 5 à 36), lien direct: http://histoire-education.revues.org/1559.

     

    [7] NEYEN, Auguste, Biographie luxembourgeoise: histoire des hommes distingues originaires de ce pays, considéré à l'époque de sa plus grande étendue, ou qui se sont rendus remarquables pendant le séjour qu'ils y ont fait, Volume 1, Luxembourg, Éditions P. Bruck, 1860, p. 382 (480 pages).

    [8] SOUBIGOU, Alain, Tomas Masaryk, Paris, Éditions Fayard, 2002, p. 233 à 241 (550 pages).

    [9] EVEN-GRANBOULAN, Geneviève, Václav Havel, president philosophe, La Tour-d'Aigues, Éditions de l’Aube, 2003, 349 pages.

    [10] CADORINI, Giorgio, «Le frioulan, sept ans après son officialisation», dans Ianua. Revista Philologica Romanica, Prague, Publications de l’Université Caroline et maison d’édition Romania Minor, numéro quatre, 2003, p. 49 à 55, lien direct: http://www.romaniaminor.net/ianua/ianua04/ianua04_06.pdf.

    [11] VLCEK, Ivo, La France et les pays tchèques de 1871 à 1914. Etude sur la diplomatie, l'opinion publique, les doctrines politiques et leur interdépendance, Strasbourg, Publication de l’Université, 1970, 390 pages.

    [12] BAQUIAST, Paul et Emmanuel DUPUY, L’idée républicaine en Europe – XVIIIe / XXIe siècles – Histoire et pensée universelle – La république universelle, Volume 1, Paris, Éditions l’Harmattan, 2007, 238 pages.

    [13] MARÈS, Antoine, Quelle politique étrangère mener sans État? – Le cas tchèque au XIXe siècle, Paris, Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin, numéro 32, 2/2010, 204 pages, p. 18 (p. 15 à 31), lien direct

    [14] HAUNER, Milan et autres, L’autre Europe A26 27 - Transitions, Paris, Éditions de l’Âge d’Homme, 1993, p. 34 (231 pages).

    « 19. Travail de réflexion sur l’article «Les filles du roi émigrées au Canada au XVIIe siècle, ou un exemple de choix du conjoint en situation de déséquilibre des sexes» par Yves LandryThe 69 Eyes - X (2012) (6,5/10) »
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