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    1.      De quoi parle la pièce? Qu’est-ce qu’on raconte?

     

    La pièce de théâtre «Citrouille» par Jean Barbeau est une satire dramatique qui parle de trois ardentes féministes de caractères assez différentes qui séquestrent un homme d’affaires dans une cabane pendant plusieurs jours. Les trois femmes voient en leur victime une manifestation maligne du sexe masculin cliché qui étouffe la liberté des femmes et leurs valeurs par son comportement dominateur, égoïste et ignorant. L’enlèvement est plutôt mal organisé et les trois kidnappeuses ayant chacune sa propre raison de vouloir se venger du sexe masculin ont en fin de compte des opinions différentes, des plans dystopiques et une vision plutôt limitée du monde. Tous ces facteurs sèment de la confusion et mènent à la tragédie ultime avec le viol de la victime à la fin de la pièce.

     

    1. Qui sont les personnages?

     

    «Citrouille» met en vedette quatre personnages.

     

    Citrouille est la chef des trois kidnappeuses. Elle est dominante, sans pitié et très brutale. Citrouille passe à l’action au lieu de parler, elle est très têtue et très sûre d’elle. Elle ressemble étrangement à sa victime qu’elle déteste tant. La jeune féministe haït les hommes depuis qu’un amant potentiel l’a laissée tomber d’une manière très humiliante. Son grand défaut est qu’elle est très égocentrique et cholérique tout en ayant une tendance à toujours aller jusqu’au bout peu importe le prix à payer. Elle devient d’une certaine sorte la victime de ses préjugés aveugles.

     

    Rachel est une jeune femme bien éduquée et intelligente et une sorte d’équilibre entre une Citrouille trop violente et une Mado trop déstabilisée. C’est elle qui a eu l’idée de l’enlèvement. Elle déteste les hommes car elle se sentait toujours mise de côté par ses parents et en particulier par son père qui aurait voulu avoir un fils. Son grand défaut est qu’elle devient de plus en plus un facteur instable dans le trio des kidnappeuses. Elle n’est pas tout à fait d’accord avec les gestes brutaux posés par Citrouille, mais ne sait guère comment s’y opposer et se fait enfin embarquer dans le jeu de la terreur en devenant elle-même une victime de son propre plan.

     

    Mado est une jeune femme de la campagne peu instruite. Elle est belle et prend les choses à la légère. C’est elle qui séduit la victime et lui tend un piège. Elle déteste les hommes car ses premières relations sexuelles ont été humiliantes pour elle. Elle a donc changé de direction pour devenir lesbienne selon ses propres dires plus ou moins crédibles tout au long de la pièce. Elle parle souvent pour parler. Son insouciance lui donne un air naïf voir sotte. Elle est très nerveuse, se laisse facilement impressionner et se laisse toujours convaincre par les autres de n’importe quoi. Elle est très dépendante des deux autres jeunes femmes et elle-même une victime manipulée.

     

    La véritable victime physique de la pièce s’appelle Michel Lemoyne qui est un jeune homme d’affaires qui réussit bien, mais qui traite le sexe opposé d’une manière superficielle. Il trompe sa femme régulièrement, sa bonne est sous-payée et il s’oppose aux syndicats des femmes. Michel Lemoyne est un homme plutôt intelligent qui manipule ses kidnappeuses et sème de la confusion. Son plus grand défaut est qu’il est trop sûr de lui, qu’il regarde les gens de haut et qu’il ne prend pas au sérieux du tout les trois kidnappeuses. 

     

    1. Quelle est la situation ou l’enjeu de l’extrait choisi?

     

    La scène choisie se trouve au centre du deuxième acte lorsque Michel Lemoyne a une discussion philosophique avec ses trois kidnappeuses sur les valeurs morales de la société et le rôle de la femme au sein de la société moderne.

     

    Lors de son monologue, Michel démontre son intelligence, sa persévérance et aussi son vrai visage. Ce moment est également le début de la fin. Son discours force les trois jeunes féministes à amorcer une sorte de jeu de rôle car elles réalisent qu’elles ne seront jamais capables de convaincre la victime de leur cause. Cette fatalité mène enfin à la violence physique et mentale extrême.

     

    1. Quel est l’objectif du personnage dans la scène?

     

    Michel Lemoyne tente d’éclaircir les trois kidnappeuses sur le fait qu’elles sont libres à faire de leurs vies ce qu’elles veulent, mais qu’elles ne devraient pas imposer ce choix aux autres femmes tout en généralisant leurs points de vue. Il met l’accent sur le fait que leur enlèvement est le mauvais geste et qu’elles auraient dû s’attaquer avant aux femmes qui les poignardent dans le dos. Il dit plus loin qu’il ne faut pas repasser en arrière, mais penser à l’avenir et il sera même prêt à pardonner l’erreur fatale des trois kidnappeuses.

     

    Avec ce discours, Michel veut atteindre quatre choses. Il cherche à déstabiliser les points faibles dans le trio de ses kidnappeuses en utilisant une rhétorique convaincante. En plus de cela, Michel veut prouver qu’il est résistant et que les actions de ce trio ne peuvent point le briser. En même temps, il veut faire semblant ici et plus loin dans le texte également de se mettre partiellement de leur côté idéologiquement en encourageant l’émancipation de la femme et son rôle dans la société par d’autres moyens que ceux que les trois femmes entreprennent afin d’apaiser leur soif de vengeance. Il cherche enfin à mettre l’accent sur l’inutilité des plans de ce trio en espérant que celles-ci acceptent de le libérer. Bref, il démontre sa supériorité, prétend offrir son soutien intellectuel et se bat pour sa liberté avec une dignité manipulatrice tout en provoquant Citrouille, Rachel et Mado.

     

     

     

    1. L’extrait ou le monologue choisi de la pièce «Citrouille»

     

    Voici l’extrait choisi de la pièce «Citrouille» de Jean Barbeau, apparue dans la Collection Répertoire Québécois, Éditions Leméac à Ottawa en 1974 et à Québec en 1975. La scène se passe lors du deuxième acte, plus exactement dit sur les pages 73 et 74 de la version mentionnée ci-dessus.

     

     

     

     

    MICHEL: «Qui vous empêche de faire ce que vous voulez? Aujourd’hui. Maintenant. Ben sûr que si vous attendez l’approbation des autres. Tout ce que vous dites, vous avez même pas le culot de le faire. Au lieu d’enlever des hommes pour leur faire avaler vos lieux communs, commencez donc par kidnapper les femmes qui vous poignardent dans le dos, qui vont combattre jusqu’à leur râlement pour préserver leur rôle d’épouse, de mère, de forman de cuisine, de technocrate du foyer, de haut-fonctionnaire à la direction générale de la main d’œuvre familiale. Sans parler de celles de votre acabit, qui au premier mâle qui sait comment s’y prendre, se laisse enfirwaper… in fur wrap… envelopper dans de la fourrure… Finie, la liberté… Vive l’esclavage! L’esclavage à grande gorgée. Vous courrez après. Vous puez l’esclavage. Le respect, ça s’impose, et pas par des lois. […] Arrêtez donc de regarder en arrière, de pleurnicher sur la déchéance de Sodome et Gomorrhe… Vous allez finir par vous changer en statue de sel, comme la femme de Loth. Il faut regarder en avant, penser à l’avenir… […] Vous allez toutes finir par rencontrer quelqu'un... […] On doit à cette fatalité d’être présent ici, et d’en discuter… Je me demande même comment on peut faire pour remettre en question une chose aussi primaire.»

     

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    Ce petit travail sert en guise d'introduction à la préhistoire et les premiers temps de l'histoire du cinéma. Les questiosn sont inspirés d'un examen au sein d'un cours universitaire. Mais mon petit travail peut également être intéressant pour ceux et celles qui ne connaissent pas nécessairement les noms, films et techniques dont ce travail parle, mais qui s'intéressent au domaine fascinant du cinéma. Afin de mieux comprendre et visualiser les concepts, j'ai ajouté des extraits de films et souvent même des métrages intégraux aux passages appropriés. Vu que j'ajoute beaucoup de vidéos, je vais diviser mon travail en plusieurs petites parties pour ce site. Bonne découverte, recherche et visionnement!

     

    Questions préparatoires pour le premier examen en Histoire du cinéma

     

    1.)    Qu’est-ce qui distingue les inventions de Marey et de Muybridge, nommez le nom des appareils qu’ils ont expérimentés, quel était le but de leurs recherches respectives?

    Étienne-Jules Marey (Français) et Eadweard Muybridge (Américain d’origine anglaise) se servent d’instantanés photographiques pour décomposer le mouvement des êtres vivants. Marey invente le «fusil photographique» en 1882 et plus tard le principe de la «chronophotographie». Il cherche à comprendre le fonctionnement de la machine animale. Il a une approche très scientifique et installe d’une manière classique des tuyaux et coussinets sur ses objets filmés.


    Eadweard Muybridge fait des photographies séquentielles et invente le «zoopraxiscope». Muybridge mettait au point un système de photographies multiples sur une seule planche photo sur laquelle on pouvait lire un mouvement.


    2.)    Qu’est-ce qui distingue les inventions des frères Lumière et de Thomas Edison, nommez les noms des appareils qu’ils ont inventés, et expliquez les idéologies qui les animaient?

     

    Thomas Edison est l’inventeur du kinétoscope. L’appareil est fixe, lourd et permet le visionnement par le biais d’une fenêtre à une seule personne. Il ne s’agit pas d’un projecteur encore. Plus tard, il crée également le kinétographe où la chronophotographie est collée sur une bande celluloïd transparente. Edison était un inventeur avec un grand empire industriel et déposait 1093 brevets dans sa vie dans des branches différentes.


    Les Frères Lumière ont inventé le cinématographe. Il est à la fois caméra de prise de vue et projecteur. Les Frères Lumière ont déposé environ 170 brevets et se concentrent sur les domaines de la photographie et du cinéma.


     

    3.)    Lors du cours du 22 septembre, nous avons fait la synthèse (d’après Gaudreault, Burch et Gunning) de trois grandes périodes du cinéma des premiers temps. Dites les dates de chacune de ces périodes et développez les principales caractéristiques de chacune de ces trois périodes.

     

    La première période de 1895 à 1902 est celle du plan comme entité autonome, définie par Gaudreault. Le caractère du cinéma est non-continu et la composition des films est très lente. Chaque plan tente à présenter l’intégralité de l’action se déroulant dans un espace homogène.

     


     

    La deuxième période de 1903 à 1907 ou 1908 est définie par Burch et est celle des films de poursuite. Les plans présentent l’action sans interruption jusqu’à ce que chacun des personnages ait quitté le plan. La monstration prévaut sur la narration.

     


     

    La troisième période de 1908 à 1912 définie par Gooney cherche à élargir l’espace filmique. La caméra devient mobile en termes de mouvements de points de vue. Une séquence est fragmentée comme une succession de plans différents. Le montage inclut un récit dramatique et un montage alterné (pendant que X fait ceci, Y fait cela).

     


     

     
     
     

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    Voici la deuxième partie de mon petit travail sur la préhistoire et les premiers temps de l'histoire du cinéma.

     

    1.)    Dans le texte intitulé «Le cinéma en perspective: une histoire de Jean-Louis Leutrat», nommez et expliquez les trois grands éléments de la culture du regard qui ont influencé le cinéma naissant.

     

    1.      Le langage et les formes cinématographiques

    2.      L’histoire des formes cinématographiques

    3.      L’histoire des corps (acteurs, vedettes, spectateurs, le cinéma lui-même)

     

    2.)      Tom Gunning dans son article «Le style non-continu du cinéma des premiers temps» décrit sept éléments de ce style, énumérez-les.

    1. L’interpellation du spectateur par l’acteur (L’acteur joue clairement avec le spectateur comme dans «Burlesque Suicide» où l’acteur fait semblant de se suicider, s’arrête et se moque des fausses attentes du public.)


    2. L’ellipse abrupte du film en deux plans (Premier plan : Quelqu’un allume un feu. Deuxième plan : Un corbillard passe ou on voit la pierre tombale de la personne.)


    3. Le montage répétitif de l’action (Le second plan répète une partie du premier.)


    4. Le film d’anthologie (Une séquence d’événements qui n’ont pas de lien apparent, par exemple : Un voyeur regarde plusieurs chambres d’hôtel.)


    5. Le mélange documentaire-fiction (Panoramas réalistes d’endroits mélangés avec des plans visiblement faux (Sphinx peint par exemple)).


    6. Les tableaux (On nous montre un tableau (par exemple Justice tenant une balance) pour ensuite enchaîner sur une scène en action (par exemple une femme se fait arrêter pour un vol)).


    7. Le plan d’introduction (Plans montrant des personnages avec leurs noms en guise de prologue ou épilogue sans action.)


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    Voici maintenant la dernière partie de mon travail sur la préhistoire et les premiers temps de l'histoire du cinéma en vous présentant deux chefs d'oeuvre très différents.

     

     

    1.)    À partir du texte de Jacques Aumont intitulé «L’Écriture Griffith-Biograph», dénotez les divers éléments du travail de scénographie chez ce cinéaste et analysez brièvement ces éléments en regard d’un extrait du film «Broken Blossoms» qui sera montré lors de l’examen.

     

     

     

    1.      Clôture du cadre: Cadre identique avec les bords de murs d’une pièce etc. à l’intérieur et cadre plein sans horizon à l’extérieur.

     

     

     

    2.      Négation d’une profondeur, champs quasi constants.

     

     

     

    3.      Effets de réalité: remplissage du cadre par accessoires

     

     

     

    4.      L’espace filmique est limité à quelques endroits qui reviennent.

     

     

     

    5.      Raccordement pauvre: aucune transition entre les différents plans

     

     

     

    6.      L’alternance est systématique: quelques ruptures et discontinuités etc.

     

     

     

    7.      Narration et spectacle du cinéma des premiers temps: gros plans, le changement brusque de point de vue, l’utilisation spectaculaire de l’avant du champ, l’absence de temps morts

     


     

     

     

    2.)    À partir de l’article que vous avez lu sur le montage eisensteinien intitulé «Le film: sa forme, son sens», nommez et analysez brièvement le type de montage auquel chacun des extraits du film «Octobre» appartient.

     

     

     

    1.      Le montage métrique: Longueur absolue de chacun des morceaux.

     

    2.      Le montage rythmique: effet de tension par accélération.

     

    3.      Le montage tonal: Suivant le montage rythmique, résonance émotionnelle propre à chaque morceau développe une tonalité générale de chaque plan.

     

    4.      Le montage harmonique: le développement suprême entre tonal et rhythmique.

     

    5.      Le montage intellectuel: sons et harmoniques de nature intellectuelle.

     


     

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          Le présent travail porte sur mes observations et inspirations personnelles que j’ai faites lorsque j’ai assisté à la pièce «La robe de Gulnara», une coproduction du Théâtre I.N.K., de la Compagnie dramatique du Québec et du Théâtre de la Bordée qui était présentée par le Théâtre La Rubrique au centre culturel du Mont-Jacob à Jonquière le 25 octobre 2011. J’aimerais surtout parler de certaines techniques de jeu théâtral intéressantes que j’ai pu observer. Avant d’aller plus en détail, j’aimerais faire la remarque que j’ai ajouté trois articles ou reportages en annexe de ce petit travail. Il s’agit de deux articles sur les pièces de théâtre «La robe de Gulnara» et «L’Hôtel du libre échange» que j’ai pu écrire pour le journal étudiant de l’Université du Québec à Chicoutimi qui est le Griffonnier et ensuite d’un reportage sur l’art théâtral au Saguenay durant cet automne 2011 que j’ai rédigé pour le blogue officiel de l’UQAC. Veuillez noter que ce sont mes versions personnelles et que certains passages de ces trois textes ont subi de légères modifications et coupures effectuées de la part de la rédactrice en chef du journal et de l’administratrice du blogue qui sont hors de mon contrôle. Vu que tous les trois textes évoquent largement les synopsis et les détails techniques de ces deux pièces, je vais me concentrer sur mes observations personnelles pour ce travail-ci.

                En ce qui concerne maintenant «La robe de Gulnara», cette pièce de soixante-quinze minutes a commencé avec une surprise. Au début, lorsque le rideau s’ouvre, la scène est sombre. Mis à part quelques sons subtils de musique folklorique, c’est le silence pendant plusieurs minutes. Le comédien Sasha Samar dans le rôle de «Balaja» qui apparaissait tranquillement sur scène et s’adressait au publique comme s’il racontait sa vie à un journaliste ou à des experts durant une conférence semblait briser trois tabous dès le début. Il semblait contredire trois affaires que j’avais apprises du théâtre au courant de mon cours en techniques de jeu théâtral cette année.

    Premièrement, on ne comprenait pas bien le contexte, la mise en scène, le sens de l’ouverture. Le comédien n’introduisait pas de quoi la pièce parlait tout de suite et se passait d’une ouverture dynamique et théâtrale.

    Deuxièmement, il était très loin du public, souvent en arrière des décors principaux et il était peu visible pendant certains moments. Il se promenait très lentement et on voulait nous donner l’impression que ses actions étaient aléatoires dans leur déroulement, mais néanmoins des petits gestes bien précis ce qui créait un contraste particulier. De temps en temps, ce comédien avait même le dos tourné vers le public ou le visage face au sol.

    Troisièmement, il se mettait finalement à murmurer en russe, pas très fort et d’une voix triste et presque sacrale en même temps. De temps en temps, on perdait même quelques petits mots. Il ne traduisait ses pensées que quelques instants après en un parfait français. Cet élément stylistique revenait d’ailleurs à plusieurs reprises dans la pièce. Ce n’est qu’après cette introduction particulière que l’action principale de la pièce débutait. On voyait apparaître d’autres comédiens dans les décors.

    Même si la pièce semblait alors être peu orthodoxe et quelque peu expérimentale dès ses premiers instants, ces trois effets provoquaient un effet bénéfique pour la pièce. L’introduction sombre, calme et lente mettait les spectateurs dans une ambiance mystérieuse, nostalgique et triste qui soulignait le destin fatal d’un peuple minoritaire qui nous est étranger, mais qui est en même temps si universel et humain que l’histoire aurait pu se passer dans n’importe quelle société. Les paroles en russe créaient une sorte d’authenticité et de crédibilité exotique sans semer de la confusion parmi les spectateurs. Le ton de la voix, les gestes subtiles et quelques petites traductions encadraient bien ces paroles que l’on comprenait alors même si on ne parlait pas le russe. Le contexte était celui de la fermeture et de l’ouverture d’un cercle: Le personnage de Balaja revient sur les lieux qui l’ont vu naître. Les objets reprennent leur sens sous sa direction subtile. Dans les décors déprimants, à travers le jeu de lumière sombre, à travers les paroles russes minimalistes rayonne malgré tout un signe d’espoir qui est la beauté de la survie de Balaja. Cette introduction préparait alors de la manière la plus complète les spectateurs à ce dont ils pouvaient s’attendre durant les prochaines soixante-quinze minutes.

    Les prochaines mises en scène étaient tout aussi particulières. On voyait des comédiens québécois habillés en robes traditionnelles du Moyen-Orient. On remarquait également les contrastes entre l’âge des comédiens et leurs personnages respectifs: le rôle principal de la joyeuse et naïve Mika, âgée de treize ans est interprété par la comédienne Marilyn Perreault qui est dans la jeune trentaine tandis que le personnage de la vieille Soviet âgée autour de ses quatre-vingt ans est interprété par Nancy Bernier qui est encore au début de sa quarantaine. Un troisième facteur remarquable était aussi que plusieurs comédiens jouaient deux rôles différents dans la pièce: Jack Robitaille incarnait ainsi les rôles du père de Mika et Gulnara portant le nom de Kazimov et du marchant sans scrupules portant le nom de Javanshi. La relation entre ces deux personnages dans la pièce est particulière intéressante et d’une méfiance se développe une haine passionnée et enfin une résignation fataliste.    

    Normalement, ce genre de mise en contexte semble être plutôt amusant et théâtral. On pourrait penser à des éléments du vaudeville ou de la commedia dell’arte. Mais ce qui surprenait encore plus était que ces éléments créaient encore une fois un effet bien particulier. Les comédiens portaient leurs robes comme s’ils les portaient aisément dans leurs vies de tous les jours. On avait facilement l’impression qu’il y avait vraiment une fille de treize ans et une vieille femme de quatre-vingt ans sur la scène. Le fait que plusieurs comédiens incarnaient de différents rôles n’apparaissait qu’au second regard bien précis et cela n’avait aucune influence sur le dynamisme de la pièce et sur le contenu mélodramatique et sérieux de la pièce de théâtre. Encore une fois, la mise en scène convainquait les spectateurs avec beaucoup de réalisme et de crédibilité.

    La fin de la pièce nous menait à un des moments les plus forts de la pièce. Même si la fin était depuis longtemps prévisible, cela n’affectait guère les effets émotionnels que la pièce évoquait. Le publique était ému et j’ai vu des larmes dans les yeux de plusieurs spectateurs. C’est encore une fois grâce à une performance crédible des comédiens que le publique ait pu s’attacher à des personnages inconnus d’une culture étrangère en la courte durée de soixante-quinze minutes. Le publique était touché et sous le choc malgré que la pièce nous préparait dès le début à une fin lourde.

    Cette pièce était pour moi une démonstration de la puissance du théâtre. Si le comédien ou la comédienne à confiance en lui ou en elle, on peut faire croire et rendre crédible quasiment n’importe quoi aux spectateurs. C’est là où le théâtre est plus fort que la littérature ou le cinéma. On sait que ce qu’on voit n’est pas réel et on voit les comédiens nus devant nous sans une chance de souligner leur performance par des détails narratifs, des reprises de séquences ou des effets spéciaux ajoutés à une postproduction. Mais c’est par le biais de cette simplicité que le théâtre devient si réel et humain et qu’il n’a toujours pas perdu son charme et sa place parmi les technologies et les différentes formes de divertissements modernes.

    Enfin, j’ai compris avec cette pièce que ce n’est pas en suivant une idéologie ou en respectant des corsets serrés de règlements stylistiques que le théâtre devient parfait, mais par son authenticité et son courage. Des fois, des éléments les plus étranges à première vue peuvent ajouter la petite touche de génie à la pièce qui la rend hors paire. Le théâtre nous offre une panoplie d’interprétations et d’expérimentations. Avant de voir cette pièce, je préférais toujours les mises en scènes qui étaient proches des pièces originales. J’aimais les pièces où chaque comédien jouait un seul rôle différent. J’aimais les pièces qui avaient des décors somptueux qui changeaient entre les différents actes. J’aimais des pièces dynamiques sans passages narratifs qui nous sortaient de la magie de la pièce. En voyant maintenant une pièce où certains comédiens incarnent plusieurs rôles, où les décors ne changent pas et sont plutôt simplistes et où des passages narratifs et des anachronismes étaient fréquents, j’ai découvert et appris à apprécier une nouvelle facette du théâtre que je ne pensais pas tant aimer et qui était contraire à ce que j’avais appris, joué et vu jusqu’à ce moment-là. Bref, j’ai ouvert mes horizons et appris de nouvelles choses en assistant à cette pièce.

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