• 07. Le naturalisme de Rousseau (19/10/10)

     

    Jean-Jacques Rousseau fut un des plus grands philosophes des Lumières et influença grandement l’esprit révolutionnaire français et l’idéologie démocratique  malgré qu’il se soit fait un bon nombre d’ennemies publiques parmi les dirigeants de l’époque avec ses œuvres et théories innovatrices et parfois radicales. Les œuvres du rebelle Rousseau furent interdits dans de nombreux pays  Il s’opposa notamment contre le rationalisme de son époque et fut influencé par l’idéalisme romantique. Sa philosophie politique s’approcha plutôt du contractualisme. Certains experts voient en lui même un précurseur du communisme ou socialisme grâce à ses discours sur l’inégalité des hommes. Rousseau était non seulement un philosophe et écrivain, mais également un musicien et il s’intéressa à plusieurs branches dont la religion et la botanique. Ses idées les plus remarquables étaient par contre en lien avec la société, la politique et l’éducation. Avant tout, la maxime de Rousseau était de consacrer sa vie à la vérité même en risquant ainsi sa propre honneur et réputation et c’est pour cela que certaines thèses de Rousseau se contredisent ou font sujet d’analyses diversifiées. Rousseau, soi-même influencé par Plutarque, Machiavel, Hobbes, Descartes, Locke et Malbranche, a influencé des écrivains comme Friedrich von Schiller, des politiciens comme Maximilien de Robespierre ou des philosophes comme Emmanuel Kant, ce qui donne une idée de la diversité de l’héritage rousseauiste qui est encore d’une actualité remarquable à nos jours.

     

    Dans le présent travail, nous aimerions expliquer les raisons qui nous ont conduites au choix des théories de Rousseau, nous aimerions nous concentrer sur les principes centraux de sa philosophie, notamment avec une concentration accentuée sur sa vision de l’éducation  pour parler des conséquences sur le plan pratique pour enfin effectuer une analyse et prise de distance critique envers les idées de Rousseau dans un contexte général et contemporain.

     

     

     

    Les principes centraux de la pensée éducative de Rousseau, qui était d’ailleurs uniquement fonctionnelle, étaient vraiment bouleversants et innovateurs par rapport à la pédagogie établie au dix-huitième siècle et auparavant. Au lieu d’initier l’enfant à imiter les comportements des adultes, la conception de l’enfant ou de l’apprenant selon Rousseau prévoit que l’enfant est son propre modèle. L’enfant est même meilleur que l’adulte car il est influencé par la nature et non par la culture. La conception de Rousseau implique une vision exclusivement utilitariste de la culture car l’enfant ne doit apprendre que ce que lui pourrait être utile durant son existence sans se préoccuper des normes et besoins du reste de la société. Selon ce naturalisme, l’enfant est naturellement bon et libre et c’est la société qui le corrompt. Il existe une nature propre à l’âme enfantine. L’enfant possède un certain égocentrisme, un certain instinct de conservation ce que Rousseau appelle «l’amour de soi». L’enfant juge les autres par rapport à ce qu’ils apportent à l’enfant et non par ce qu’ils sont. Il s’approche instinctivement de ceux qui veulent lui faire du bien et s’écarte de ceux qui lui veulent faire du mal sans développer d’ailleurs des préjugés ou des sentiments négatifs comme la haine. Cet instinct de survie est pour Rousseau l’ultime richesse et pureté de l’enfant. Ce développement débute déjà durant l’étape du nourrisson entre la naissance de l’enfant et son deuxième anniversaire et se poursuit surtout à travers l’étape de l’âge de la nature entre deux et douze ans.

     

    Ce n’est qu’à l’âge adolescent que l’enfant commence à se comparer aux autres. De cela naît un amour physique et l’enfant ne se voit plus lui-même, ne reconnaît plus ses besoins et perd ses instincts. L’enfant voit les besoins des autres et les applique pour lui-même. Souvent, l’individu recherche à plaire à la société et à s’intégrer en consacrant ainsi son véritable caractère. Ainsi se crée la concurrence et la comparaison ce qui mène à des sentiments mauvais comme la jalousie ou la vanité. L’enfant commence à juger les autres par leurs apparences et leurs besoins et bien souvent, son amour devient purement physique et sexuel. L’adolescent choisit ses amis et partenaires en choisissant un corps et non la personnalité de quelqu’un. L’amour devient le contraire de l’instinct. Cette tendance est visible durant l’étape de l’âge de la force entre douze et quinze ans et se poursuit notamment durant l’étape de l’âge de raison et des passions entre quinze et vingt ans. L’amour physique que Rousseau préfère tout de même à l’amour moral ne choisit pas du tout et l’adolescent prendrait la première femme qui lui plaise comme partenaire, même s’il s’agissait de sa sœur tandis l’amour moral implique trop de jugements, sélections et choix selon Rousseau. Le philosophe voit même un fantasme dans l’inceste et considère l’homosexualité entre les femmes comme une relation esthétique. La dernière étape de développement de l’être humain suit après l’influence de la société sur l’adolescent et le règne des sentiments et comportement sexuels. Cette étape se situe entre la vingtième et vingt-cinquième année de vie de l’enfant et Rousseau l’appelle l’âge de la sagesse et du mariage qui conclut la période des changements et bouleversements profonds. Un nouveau stade fixe est enfin atteint, mais la richesse de l’âge enfantin ne pourra plus jamais être atteinte.

     

    Par rapport à l’éducation, il faudrait faire en sorte que l’enfant à l’état pur soit modifiée et influencé le moins possible pour rester envoûté par l’amour de soi. Le maître constitue ainsi un pôle secondaire de la relation pédagogique. Il doit s’adapter à l’enfant et non l’inverse. Le savoir absolu naît de l’enfant et c’est le maître qui devrait avoir pour but d’atteindre de nouveau l’amour de soi, la pureté et innocence de l’âge enfantin, même si cette quête est impossible à être menée jusqu’à sa fin.

     

    En ce qui concerne la conception de l’apprentissage, Rousseau refuse des moyens traditionnels comme l’imitation des modèles ou l’obéissance et suppose que l’apprentissage devrait partir du principe que l’être humain possède en lui-même la raison. Le but de l’éducation selon Rousseau est de favoriser le développement de l’homme complet, d’un être juste et parfait. Pour arriver à ses fins, Rousseau exige que la pédagogie soit basée sur l’observation de l’enfant. L’éducation par les choses devrait idéalement primer sur celle par les mots. Les méthodes sensitives, intuitives et actives doivent être privilégiées. L’apprentissage devrait être déterminé par l’enfant et non par le maître, car un apprentissage est uniquement valable lorsqu’il mobilise l’intérêt et la motivation de l’enfant. Le maître ne doit rien imposer et idéalement même rien proposer à l’enfant qui doit être actif dans son apprentissage et qui a besoin d’espace découvrir. Le maître fonctionne comme un guide qui soutient l’enfant dans ses efforts, mais qui laisse aller les choses.

     

     

     

    Les théories de la pensée éducative de Rousseau ont plusieurs points positifs, mais autant de points négatifs.

     

    L’idée de base de soustraire l’enfant des mauvaises influences de la société est encore un sujet d’actualité à nos jours. Ce sont surtout les médias qui créent des faux idéaux et suggèrent des besoins exagérés par rapport aux biens et apparences dont Rousseau parle dans sa théorie sur l’amour physique et moral. Par contre, l’influence des médias est incontournable pour trouver sa place intellectuelle et personnelle dans un monde qui est de nos jours de plus en plus interdépendant et ouvert et une exclusion volontaire de l’enfant face aux médias et aux sociétés le condamnerait à nos jours à une vie isolée et irréelle sans perspectives d’avenir. En s’excluant de la société, on s’exclut automatiquement aussi des standards que cette société a créée, par exemple par rapport au vivre-ensemble des nations et à la citoyenneté de chacun et chacune. Des exemples plus pratiques pourraient être le monde du travail et le système de santé. Si l’enfant est éduqué d’une manière à se développer par lui-même sans être influencé par la société et ses acquis, cela voudrait dire que l’enfant devrait renoncer à de tels services ce qui est décidément un recul en arrière. En voulant éviter de se faire classer par la société, on crée ainsi une nouvelle classe. Le film «Le village» démontre très bien cette utopie et raconte l’histoire d’un village isolée dans la forêt qui a renoncé à la société moderne et essaie de vivre en harmonie avec la nature tout en préservant des vieilles traditions. Mais pour garder le mensonge et l’illusion vivants, les chefs du village gardent leurs concitoyens dans une immense prison et inventent l’histoire qu’il y a des monstres dans les forêts pour éviter que certains citoyens puissent s’enfuir et découvrir le monde réel. Un système autocratique de la terreur se développe ainsi et lorsque l’illusion s’écroule à la toute fin, le contact avec la société moderne est un choque extrême pour les villageois isolés.

     

    Un des points les plus positifs des idées de Rousseau est sans aucun doute le respect et la sensibilisation de l’individu face à la nature dans un contexte de réchauffements climatiques et de disparitions de races entières. Mais cette réalité est justement le problème de la théorie de Rousseau. Vu que la démographie, la population mondiale ne cesse d’augmenter et prend de plus en plus d’espace et que la destruction de la nature s’avance de plus en plus rapidement selon de nombreuses analyses scientifique, la théorie de Rousseau de l’orientation de l’individu vers la nature au lieu de la culture devient de moins en moins applicable et n’a tout simplement pas de futur. Même si on décidait d’adapter mondialement le naturalisme de Rousseau d’un jour à l’autre, il serait impossible de réaliser ses principes à cause des mentalités établies et destructions progressées.

     

    Un autre point positif est le fait qu’il n’y ait pas d’hiérarchie entre les enseignants et les élèves et que l’enseignant doit s’adapter aux besoins personnels de son élève. Par contre, Rousseau ne se contente pas de mettre le maître et l’apprenant sur un pied d’égalité, il met l’élève même par-dessus l’enseignant. Cela est une vision très utopique et une situation d’apprentissage difficilement réalisable, car la tâche de la plupart des enseignants est à nos jours d’instruire, de socialiser et de qualifier leurs élèves comme cela est le cas au Québec. Les théories de Rousseau demandent donc une renonciation des enseignants à leurs supériorités, à leurs désirs de transmettre des savoirs et à leur volonté de donner une touche personnelle à leur enseignement, car tout ce concentre aveuglement sur l’élève. Il nous semble peu probable qu’un ministère de l’éducation restructurerait aussi radicalement l’enseignement. Si le Québec décidait d’initier une telle révolution des institutions et des mœurs par le moyen d’une révolution de l’éducation comme Rousseau le suggère, la province s’isolerait complètement au plan mondial et échouerait avec cette stratégie dans le monde contemporain dans une ère de la globalisation et mondialisation. Ce que la théorie de Rousseau demanderait, serait enfin une révolution mondiale, sa pensée éducative, sa philosophie deviendrait ainsi une véritable idéologie qui fait naître de nouvelles valeurs et conditions sociales. L’histoire nous a par contre démontré que l’idée d’une révolution mondiale comme le prévoyait par exemple le socialisme est utopique et simplement non réalisable. Il nous semble alors que les théories de Rousseau sont trop radicales et irréelles.

     

    En ce qui concerne finalement un point de vue plus pratique, les écoles Waldorf et Montessori, qui sont basées sur une éducation plus centrée sur les élèves, plus concentrées sur les talents artistiques et plus harmonieuse en lien avec la conception de la nature d’après Goethe, qui fut soi-même fortement influencé par les théories de Rousseau, ne sont pas très nombreuses sur la planète et n’ont pas véritablement réussi à initier des changements profonds dans l’éducation. Le problème est aussi que le monde du travail ne reconnaît souvent pas les finissants de tels systèmes scolaires ou préfère les diplômés réguliers à eux. La plupart des finissants deviennent artistes ou exercent des travaux pratiques et la société a malheureusement la tendance de considérer ce groupe d’adolescents comme des êtres anormaux qui sont huis clos. Les élèves qui sont formés à de telles écoles sont difficilement comparables à leurs pairs à l’intérieur et extérieur des écoles et presque chaque élève à un autre niveau de connaissances vers la fin de sa carrière scolaire. Si l’éducation sur une échelle planétaire fonctionnait comme dans les écoles Waldorf, cela serait l’anarchie car on ne pourrait pas juger et classer les gens et chaque cas serait tellement spécial et unique qu’on ne pourrait plus parler d’une société. Ainsi se formeraient donc de nouvelles structures sociales et idéologies qui s’opposeraient bientôt les unes contre les autres et il n’y aura plus de valeurs communes et certitudes. Une vie dans l’incertitude totale serait une des choses les plus graves que nous nous puissions imaginer.

     

     

     

    Sources :

     

    http://www.histoiredumonde.net/article.php3?id_article=1560

     

    Film : Le village par M. Night Shyamalan (États-Unis, 2004) http://www.imdb.com/title/tt0368447/

     

    Notes de cours 

     

    « 02. La géo-économie québécoise (29/04/10)08. Résumé du roman "Der Schüler Gerber" d'un point de vue socio-pédagogique (21/10/10) »
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