• 02. La géo-économie québécoise (29/04/10)

     

                Depuis environ trente ans, la géo-économie québécoise est influencée par deux facteurs importants, soit le développement d’une nouvelle économie sociale et le mariage urbain-rural. Le territoire est marqué par deux autres facteurs principaux, soit la concentration polycentrique sociale et l’occupation de la périphérie soumise à un nouveau front de pénétration très actuel. Par contre, plusieurs experts ont une vision plutôt pessimiste pour l’économie québécoise qui s’éloigne des grands centres mondiaux et semble avoir de la difficulté de participer à la mondialisation. Mais est-ce que ces gens ont vraiment raison? Je vais essayer de décrire en premier lieu certains termes de la géo-économie contemporaine du Québec en énumérant, comparant et analysant en même temps les points positifs et négatifs de la situation actuelle pour en conclure avec une vision personnelle du futur de la géographie économique de la belle province.

                En premier lieu, j’aimerais décrire le développement continu du mariage urbain-rural dans la province. Celui-ci a débuté véritablement vers la fin des années 1970 et a été précédé par une hiérarchie urbaine. En fait, le Québec a jusqu’aujourd’hui vécu six périodes différentes, en commençant avec la conquête territoriale vers la fin du seizième siècle, ensuite la période de la colonisation qui a débuté avec la fondation de la ville de Québec, la première ville en Amérique du Nord, en 1608, suivie de la fondation des villes de Trois-Rivières en 1634 et de Montréal en 1642, poursuivie par une période de la collecte de ressources à partir du début du dix-neuvième siècle, ensuite une période d’urbanisation et d’industrialisation débutant vers le milieu du dix-neuvième siècle et trouvant sa fin avec ce que l’on appelle la Révolution tranquille du Québec et enfin alors une courte période d’hiérarchie urbaine menant à un mariage urbain-rural. Ce mariage urbain-rural a été initié par des actions politiques concrètes comme l’application de la Loi sur le zonage en 1978, la Loi 125 sur l’aménagement et urbanisme en 1979 et la création des conseils MRC, les municipalités régionales de comté, à partir de 1979. La province a passé d’une population rurale de 80% en 1867 à une population urbaine de 80% en 1970 et cette tendance s’est poursuivie jusqu’à nos jours, évidemment en un rythme moins accéléré vu que l’on n’atteindra jamais un taux exact de 100%. Avec la création des pôles primaires, secondaires, tertiaires et quartenaires depuis 1966, l’économie québécoise a par contre connu une nouvelle ouverture et diversité qui est seulement bloquée par un déplacement des grands marchés vers l’ouest du Canada. Le pôle économique qui était dans la ville de Québec au début de la colonisation et à Montréal à partir de 1850 grâce à l’approfondissement du fleuve Saint-Laurent et d’un meilleur positionnement stratégique est maintenant passé à Toronto depuis la Deuxième Guerre mondiale et se déplace encore continuellement vers des villes centrales du Canada comme Winnipeg ou Calgary ou même vers de villes de l’extrême-ouest canadien comme Vancouver qui a par exemple profité d’une attention mondiale lors des derniers Jeux olympiques d’hiver. En plus, sur un point de vue plus global, le marché américain se déplace de l’est et donc des villes en proximité du territoire québécois comme Boston, New York ou Washington D.C. vers des villes du sud-ouest américain comme Denver, Phénix ou même Houston. Le marché mondial a même la tendance de se déplacer vers l’Asie et vers des pays comme la Chine, mais aussi la Corée du Sud ou le Vietnam. Les principales villes québécoises comme Montréal ou la ville de Québec sont devenues des pôles plutôt régionaux et secondaires avec des marchés restreints et des foyers de croissance limités sur un point de vue nord-américain et mondial. À l’intérieur de la province s’est par contre formée une métapolisation dans la Vallée du Saint-Laurent, un croissant manufacturier qui inclut trois grandes régions urbaines avec Montréal, Québec et Gatineau et des régions métropolitaines secondaires comme Sherbrooke, Granby et Drummondville et même plus loin de villes comme Hull, Rimouski ou même la ville de Saguenay. La province est marquée par une décentration des marchés urbains et une innovation par efforts de proximités. Des centres économiques différents avec des spécialisations particulières comme par exemple les «technoparcs» de Gatineau et de Laval, la technopole agroalimentaire de Saint-Hyacinthe ou encore technomines de l’Abitibi se sont développés ainsi que les foyers provinciaux comme par exemple les zones d’habitations, des zones de villégiatures ou des méga-carrefours. Un exemple régional pourrait être l’essor des régions rurales au Saguenay-Lac-Saint-Jean comme par exemple Shipshaw ou Saint-Bruno qui se trouvent, si l’on veut le désigner ainsi, sur une petite «métapole» entre Alma et la ville de Saguenay. Cette nouvelle expansion du mariage urbain-rural s’explique par les forces centripètes et centrifuges. Ainsi, on a un divertissement culturel et des offres d’emploi plus nombreux dans les grandes villes, mais une meilleure qualité de vie et une paix sociale dans les villages ou petites villes. Le Québec se concentre ainsi non seulement sur une concentration polycentrique sociale, mais également sur une occupation de la périphérie, surtout par rapport à la nouvelle politique liée à l’exploitation du nord de la province qui prévoit largement de nouvelles constructions de routes jusqu’en 2025 ainsi qu’une collaboration plus proche des Premières Nations.

                Il est aussi intéressant de regarder de plus près l’économie québécoise sur un point de vue social et politique, car celle-ci a beaucoup changé et en abordant aussi l’aspect socioculturel du Québec. On parle aujourd’hui d’une économie sociale, pluraliste et collaboratrice, ce qui s’explique par l’exemple de Montréal. Yvon Leclerc, président de l’Association des centres locaux parle d’une nouvelle économie qui devrait favoriser les liens harmonieux entre Montréal et les autres régions tandis qu’une telle harmonisation a été perturbée il y a encore trente ans. Leclerc explique: «On ne se contera pas d'histoire, c'est beaucoup lié à des perceptions qui remontent en grande partie au rapport des années 1970 de Martin, Higgins et Raynault. Selon ce dernier, développer Montréal, c'était aussi développer tout le Québec. C'est comme s'il y avait une grande vague qui part de Montréal et qui se rend jusqu'à Blanc Sablon. » Cette perception a maintenant changé d’autant plus que la ville de Montréal a perdu son statut économique international et même national de plus en plus et s’est donc orienté vers une collaboration avec les autres régions de la province pour se réorienter internationalement par la suite. Cette méthode a aussi été appliquée dans la région de Québec. On pourrait par exemple prendre l’exemple de Trois-Pistoles, une petite ville de 3616 habitants en 2006, où est maintenant située une école de langues affiliée à l’Université Western située en Ontario. Ce lieu d’apprentissage s’ouvre aussi vers l’espagnol et vers l’Amérique latine et essaie de s’ouvrir vers le monde après s’être spécialisé. L’établissement et l’élargissement des Universités du Québec en est un autre bon exemple, car ces établissements s’ouvrent aussi de plus en plus vers des étudiants étrangers, surtout en ce qui concerne les liens avec les universités françaises et chinoises. Grâce à l’éducation et l’économie, le Québec a ainsi atteint une ouverture d’esprit culturelle et progressive. En ce qui concerne la nouvelle économie sociale, celle-ci se base sur le soutien d’une citoyenneté active et responsable prête à mettre en place des organismes rentables socialement comme des organismes de réinsertion et d’aide à l’emploi ou des organismes de commerce équitable, mais en développant aussi le bénévolat, le rôle des femmes et l’apport des communautés. Cette nouvelle économie vise aussi le commerce équitable qui est déjà réalisé par des organisations telles que «Oxfam-Québec» ou «Équiterre». Au Québec on trouve actuellement trois formes de production principales, soit le secteur privé traditionnel avec des activités qui relèvent du marché, le secteur publique avec des activités qui relèvent de l’État et enfin un secteur d’activités qui relèvent de l’économie sociale collée aux besoins de la population par des règles de distribution et de réciprocité, soit le principe de la primauté du facteur humain sur le facteur économique, le soutien et l’encouragement à exercer des choix sociopolitiques dans une prise en charge individuelle et collective. La pluralité de l’économie sociale s’opposant de temps à autre même au néolibéralisme se distingue par la présence de cinq groupes, soit le secteur de l’économie sociale avec des membres représentant par exemple des coopératives funéraires ou des entreprises d’insertion, ensuite le secteur communautaire avec des membres représentant par exemple le mouvement des femmes, après le secteur public avec la présence Centres locaux de développement, des Sociétés d’aide au développement des collectivités et des Corporations de développement économique communautaire, par la suite le secteur syndical avec la présence de la Fédération des travailleurs du Québec et de la Confédération des syndicats nationaux et enfin le secteur financier avec la présence du mouvement Desjardins par exemple. Les acteurs de cette nouvelle tendance économiques sont principalement un carrefour déterminant, une diversité des entreprises marchandes et aussi la présence des entreprises non marchandes. Avec cette nouvelle idéologie, le Québec pourrait devenir un exemple à suivre et influencer la mondialisation à prendre une tendance plus sociale que capitaliste.

                Pour en conclure, je pense que le Québec est dans une ère de développements et transformations perpétuels de la réalité géoéconomique. Même si la métapole de la Vallée du Saint-Laurent a perdu son statut international au fil des dernières années, la province a su se renouveler économiquement et socialement à l’intérieur de ses frontières pour créer une base solide afin de s’attaquer maintenant à trouver sa place à l’intérieur de la mondialisation. En soutenant davantage les pluralismes des différentes régions du Québec au lieu de se concentrer uniquement sur les grandes villes, la province a su se diversifier dans un nouvel esprit de collaboration. Le développement des institutions scolaires, l’occupation de la périphérie et surtout du nord de la province ainsi que le nouvel aspect social de l’économie sont pour moi des bases importantes pour un nouveau positionnement de la province sur le plan géoéconomique. Si l’on regarde en plus des grandes entreprises québécoises possédant un marché considérable à la grandeur de la province comme le réseau des pharmacies «Jean Coutu», le distributeur en produits de rénovations et de quincaillerie «RONA» ou les rôtisseries «St-Hubert» et même les grandes entreprises québécoises sur le marché international comme les producteurs de pâte et papiers «Cascades», le producteur de lait «Agropur» ou les dépanneurs «Couche-Tard», on peut s’apercevoir d’une diversité et richesse économique considérable que je trouve très stimulante et positive. D’autant plus que les entreprises choisies comme exemples ont toutes leurs sièges sociaux ailleurs qu’à Montréal tout au long de la métapole de la Vallée du Saint-Laurent. Si l’on réussissait maintenant de lier des entreprises et institutions comme le groupe minier multinational «Rio Tinto Alcan» encore plus à la province et aux régions spécialisées et diversifiées largement situées un peu partout sur le territoire provincial, en offrant par exemple une hydroélectricité peu coûteuse, la province risque de progresser encore plus économiquement en dehors des grands centres urbains et s’avancer vers un futur prometteur. 

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