• 16. Compte rendu du film historique français "Que la fête commence" (1975) de Bertrand Tavernier (04/10/11)

     

    «Que la fête commence» est un film historique français réalisé par Bertrand Tavernier en 1974 qui est sorti aux salles de cinéma le 23 mars 1975.

    L’intrigue se passe quatre ans après la mort de Louis XIV en 1719 et met en vedette les personnages historiques de Philippe d’Orléans, le Régent de France et de son ancien maître, l’ambitieux abbé Guillaume Dubois qui font face à un complot du marquis de Pontcallec en Bretagne. Celui-ci veut renverser le duc d’Orléans au profit du roi Philippe V d’Espagne dans le but ultime d’atteindre l’indépendance de la Bretagne et la proclamer république. Le titre ironique du film indique déjà ce que le film tente de nous présenter. Le film dresse une image à la fois satirique et fataliste de la Cour française et également des mouvements séparatistes en Bretagne. Du point de vue d’un historien, malgré certains aspects intéressants comme le fait que la musique originale des deux opéras écrits par Philippe d’Orléans est utilisée comme bande sonore ou le souci du détail et le budget investi dans les costumes splendides et les décors adéquats, le film cherche plutôt à divertir, parodier et critiquer la monarchie au lieu d’être authentique.

    Afin de souligner ma thèse, j’aimerais tout d’abord ressortir trois moyens qui sont utilisés afin d’illustrer cette période négativement. Tous les personnages du film démontrent préférablement des traits de caractère très négatifs et fatalistes. Premièrement, au niveau du langage, le docteur Chirac examinant une duchesse décédée utilise un vocabulaire irrespectueux («Regardez! Voilà une chose intéressante qu’on ne voit pas souvent. La cervelle est réduite de moitié.»), Philippe d’Orléans parle d’une manière très ouverte et peu chrétienne devant Louis XV («Vendre des armes à certains tribus pour en exterminer d’autres, j’appelle cela faire de la politique.») et même le futur roi lui-même se moque de ses alentours avec peu de discipline («Est-ce qu’il y a quelqu’un dans le carrosse? Un mannequin, ce n’est pas amusant.»). Le langage choisi est rude, même insultant et ne semble pas être approprié pour des discours tenus à la Cour royale. Deuxièmement, au niveau des actions et péripéties du film, il y a encore davantage d’exemples. Il y a la scène lorsque les femmes de ménage se moquent de l’incontinence urinaire du jeune roi et le montrent et disent à tout le monde ou encore la scène lorsque Philippe d’Orléans prend et goute la crème de rasage de la tête d’un noble qui se fait coiffer dans les jardins de Versailles ou encore lorsque l’abbé Dubois parle et agit mal lors de la préparation d’une cérémonie en son honneur lorsqu’il devient cardinal. Ici encore, ces scènes semblent être trop exagérées pour être authentiques. Troisièmement, il y a également beaucoup de scènes avec de l’humour sarcastique qui parlent pour elles-mêmes. La scène où le nouveau canon français tire à plusieurs reprises à côté d’un carrosse assez proche dans les jardins de Versailles est symbolique pour le déclin de la royauté française, la désillusion à la Cour après une longue guerre coûteuse avec l’Espagne et l’attitude laissez-faire attribuée à un bon nombre de personnages historiques. Un autre exemple marquant est la scène où un jeune noble cherche la Louisiane sur un globe et examine de plus près l’Afrique en parlant avec mépris de ses habitants. Ce n’est pas le fait que la scène ne pourrait pas s’être passée de cette manière-là qui est important, mais l’accent négatif qui est mis sur l’action qui n’ajoute rien à l’intrigue principale. Un dernier exemple à la fin du film est la scène absurde dans laquelle la main de Philippe d’Orléans pourrit du jour au lendemain. Celui-ci décide de vouloir la couper avec un couteau à beurre avant de se rendre chez le docteur Chirac qu’il avait à plusieurs reprises traité d’incompétent durant le film (par exemple lors du décès d’une de ses filles au début du film). Ici encore, la scène de la main pourrie semble être à la fois aléatoire et à la fois symbolique en annonçant la fin de la monarchie qui mène à la scène finale et le climax avec la révolte des paysans mettant le feu à un carrosse après un accident étrange.

    Un autre bon exemple pour ma thèse que le film cherche à divertir et non à instruire et représenter authentiquement est le fait que l’œuvre finit abruptement avec cette scène de révolte sans nous montrer ce qui se passe avec les personnages principaux. Quelqu’un qui ne connaît pas l’histoire de la France et qui regarde ce film n’aura vu qu’une œuvre quelque peu aléatoire qui commence abruptement avec une révolte bretonne peu expliquée, montrant par la suite plusieurs petitesses à la Cour royale et en Bretagne et finissant aussi abruptement avec la condamnation des révolutionnaires et la maladie étrange du personnage principal.

    Le film utilise tellement d’hyperboles que les personnages ne sont plus historiquement crédibles. Certains traits de caractère sont fondés, mais accentués à l’exagération. Certes, l’abbé Dubois ne savait pas célébrer une messe et n’allait pas à sa diocèse, mais il était loin d’être un personnage aussi égoïste, malhonnête et superficiel que le film veut nous faire croire. L’abbé Dubois était un bon diplomate et a investi une bonne partie de sa fortune à la relève de la France tout en essayant d’influencer la politique de la Cour d’une manière plutôt libérale en voulant ralentir la persécution des protestants par exemple. Certes, Philippe d’Orléans faisait des orgies libertines, mais on nous montre trop peu ses idées réformatrices novatrices, ses implications visant l’établissement d’un système d’alliances favorable à la paix et le redémarrage économique de la France. Le film nous offre la fausse perception d’un caractère stéréotype d’un vieillard irrespectueux et fatigué.

    Le film perd encore plus de crédibilité avec plusieurs erreurs historiques. Le film joue en 1719 et on voit dans plusieurs scènes que certaines actions se déroulent dans le Château de Versailles. Par contre, ceci est impossible car le jeune roi Louis XV vivait à la Cour de Paris durant la période de la Régence entre 1715 à 1723. La scène finale que j’ai déjà décrite finit avec la citation suivante d’un narrateur: Et la paysanne releva la tête du mort et lui dit: «Regarde, petit frère, regarde. Regarde comment ça brûle bien.» Et elle ajouta: «Et on va en brûler d’autres, mon petit frère, beaucoup d’autres.» Cette scène fait clairement allusion à la Révolution française qui se déroula environ soixante-dix ans plus tard et semble être hors contexte.

    Il y a une thèse qui dit que les personnages du film étaient par exprès dressés d’une manière unilatérale pour ressembler aux politiciens actuellement au pouvoir en France lors de la sortie du film. Le personnage de Philippe d’Orléans ressemblerait ainsi au président français de l’époque qui était Valéry Giscard d’Estaing qui avait des idées inhabituelles et novatrices à l’encontre de Jacques Chirac. Le fait que l’ancêtre de Jacques Chirac, le docteur Chirac, nous est montré explicitement à plusieurs reprises et que celui-ci se dispute souvent avec Philippe d’Orléans qui le méprise, mais qui dépend de lui à la fin, pourraient être des justifications qui tiennent cette thèse et qui expliqueraient la nature peu authentique du film.  

                    Pour en conclure, «Que la fête commence» est un film divertissant et souvent tragicomique critiquant de manière excessive la monarchie et se moquant de la politique et de la haute bourgeoisie qui peut être comparé à une situation historiquement quelque peu semblable lors de la sortie de cette œuvre. D’un point de vue historique, le film est décevant car il est rempli de stéréotypes et d’erreurs et ne fait que toucher la surface de plusieurs personnages et événements historiquement importants de la France.

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