• 11. Le chemin des États-Unis vers la prédominance mondiale (22/04/10)

     

    Les États-Unis ont été la plus grande puissance économique, politique et sociale tout au long du vingtième siècle après que le dix-neuvième siècle avait encore été dominé par le vieux continent et tandis que le siècle présent risque d’être de plus en plus dominé par la Chine et d’autres pays en Asie qui font des progrès accélérés et énormes. Selon moi, une des causes majeures de la prédominance américaine étaient les deux guerres mondiales durant lesquels les Américains ont agi en tant que médiateurs, dominateurs et grands gagnants pendant que les pays européens se dévastaient entre eux. Je vais tenter d’affirmer ma thèse en donnant des exemples économiques, sociaux et politiques concrets à l’intérieur et à l’extérieur des États-Unis.

    En ce qui concerne la Première Guerre mondiale, les États-Unis ne sont intervenus qu’en 1917 suite à la déclaration de l’Empire allemand de mener une guerre sous-marine à outrance en attaquant les navires américains allant vers l’Europe et suite à l’interception par les services de renseignements britanniques d’un télégramme adressé par le ministre allemand des affaires étrangères à son ambassadeur mexicain qui parlait d’une alliance des deux pays pour déstabiliser les États-Unis en aidant le Mexique à reconquérir le Texas. Cette hésitation de la part de la présidence américaine de Woodrow Wilson s’explique par une politique d’isolationnisme qui fut d’ailleurs poursuivie après la guerre. Déstabilisée par la Guerre de Sécession et vivant une forte industrialisation et modernisation, les États-Unis cherchaient leur place dans le monde et tentaient plutôt de s’essayer dans l’impérialisme, mais cet interventionnisme avait connu des résultats peu satisfaisants suite à la révolte des patriotes aux Philippines et des conflits en Amérique centrale et latine. Les États-Unis, préoccupés de calmer diplomatiquement la situation en Amérique et de se tourner vers une conquête pacifique des marchés étrangers grâce à un système capitaliste et une nouvelle suprématie économique difficile à gérer, ne voulaient pas se mêler des conflits de plus en plus hostiles en Europe qui était bousculée de plusieurs mouvements indépendantistes et une politique d’alliances souvent peu stable. Lorsque les États-Unis furent humiliés par le télégramme et plusieurs centaines de navires capturés et coulés par la marine allemande, le pays rompit avec sa neutralité officielle et mit en marche une propagande de masse pour l’enrôlement dans la guerre, devenue fameuse grâce à l’image de l’Uncle Sam ainsi qu’une mobilisation économique et industrielle totale. La présence américaine en Europe fut courte et victorieuse, mais le Congrès et le président n’étaient pas d’accord sur les mesures à poursuivre après la fin du conflit. Wilson, qui rêvait d’une paix mondiale après tant de conflits et qui avait initié la création de la Société des Nations en voulant donner accès au rêve américain au vieux continent, fit face à une opposition vive au Congrès qui décida de ne pas ratifier le traité fondateur de la Société des Nations. Wilson perdit de plus en plus sa réputation aux États-Unis isolationnistes, quitta les conférences menant au Traité de Versailles et essaya en vain de convaincre son peuple de sa politique étrangère dans une campagne de discours dans les principales villes américaines, ce qui l’empêcha de s’impliquer davantage internationalement.

          Économiquement, les États-Unis avaient fait preuve d’avoir eu une bonne gestion de l’industrialisation qui avait permis au pays de se rétablir de sa guerre civile et d’être avantagé face à une Europe dévastée depuis plusieurs décennies par des petites guerres coûteuses. Cela se démontra dans la supériorité militaire et dans une mobilisation industrielle remarquable vers la fin de la guerre. L’économie américaine connut d’ailleurs une forte inflation et une prospérité économique considérable au fil des années 1920. Vu que la plupart des belligérants avaient même des dettes envers les États-Unis, ceux-ci gagnèrent de plus en plus de pouvoir et influence au niveau mondial de l’économie. Les productions et la réputation de New York surmonta dès la fin de la guerre largement les capitales européennes comme Londres, ancien moteur de l’époque industrielle. Cette ère de prospérité durera jusqu’à la Grande Dépression et ce krach boursier influença maintenant déjà l’économie mondiale et montra une certaine interdépendance mondiale et éprouva le statut central de l’économie américaine pour le monde.

                Politiquement, les idées démocratiques et pacifiques furent la base majeure pour l’établissement de la Société des Nations et pour une courte période de normalisation et de réconciliation officielle entre la France et l’Allemagne, ce qui se démontra par la distribution de deux prix Nobel de la paix consécutifs aux deux pays vers la moitié de la décennie. La plupart des vieilles monarchies européennes s’écroulèrent et s’adaptèrent tranquillement à un système plus démocratique à l’américaine. Ce n’est que l’isolationnisme politique qui empêcha les États-Unis de démontrer sa nouvelle superpuissance mondiale.

                Socialement, les États-Unis, malgré des problèmes internes avec des syndicalistes, anarchistes et grévistes au début de la nouvelle décennie, devinrent une sorte d’idole ou objectif à atteindre pour les pays européens. Le rêve américain et l’American Way of Life furent partagés par un bon nombre de citoyens européens.

                L’influence des États-Unis sur le monde et la montée à la superpuissance s’accélérèrent d’ailleurs encore durant et après la Deuxième Guerre mondiale. L’isolationnisme, la prospérité incontrôlée et les conditions du Traité de Versailles furent peut-être les seules erreurs majeures du pays, car la situation en Europe, nourrie par la jalousie envers la prospérité américaine, les sentiments de vengeances patriotiques et l’échec du capitalisme lors du krach boursier et de la démocratie en Allemagne, se détériora vers une politique extrémiste. Les États-Unis, cette fois-ci plus présents au niveau international, surtout après la Charte de l’Atlantique en 1941, lorsque le président Roosevelt promit «d’entreprendre de jeter les fondements d’une nouvelle politique internationale», s’impliquèrent dans l’organisation d’une paix et d’un équilibre mondial après la guerre. De l’organisation minutieuse du jour J jusqu’au lancement de deux bombes atomiques, les États-Unis jouaient un rôle déterminant dans la tournure de la guerre sur le front européen et asiatique qui marqua le monde entier.

                Économiquement, les États-Unis avaient pu initier un armement efficace grâce à un avantage financier, technologique et scientifique sur le reste du monde. Le résultat le plus marquant de cette dominance fut le fait que les États-Unis étaient le seul pays à avoir pu développer des bombes atomiques vers la fin de la guerre et l’emploi de celles-ci démontra la nouvelle détermination interventionniste du pays et une nouvelle confiance et estime de soi lorsque le pays envisagea le lancement des deux bombes en se permettant la liberté de ne pas consulter l’opinion publique ou de chercher l’accord des pays alliés. Aux États-Unis, la mobilisation de millions d’Américains pour la production de guerre avait sorti le pays de la Grande Dépression et avait permis le développement d’un mouvement féministe, car les femmes s’impliquèrent comme ouvrières dans les usines et d’un mouvement envers une nouvelle égalité des races aux États-Unis, vu que les Afro-Américains furent enrôlés comme soldats. Le «Fair Deal» tenta d’assurer dans la continuité du «New Deal» le plein-emploi, l’augmentation du salaire minimum, le soutien des tarifs agricoles et le renforcement de système de sécurité sociale. Sur le plan de la géographie économique, celle-ci fut bouleversée par l’implantation des industries aéronautiques et d’armement dans les états de l’Ouest et du Sud. Une forte urbanisation se développa suite à la guerre. Vu que le dollar américain resta relativement stable tout au long de la guerre, les États-Unis dominèrent tous les domaines économiques mondiaux et se permirent d’appliquer le «plan Marshall» en lien avec la «doctrine Truman» pour offrir de l’aide financière à l’Europe et surtout aux pays voulant s’opposer à la menace communiste de l’Union Soviétique, deuxième grand gagnant de la guerre et nouvelle superpuissance également.

                Politiquement, les États-Unis voulaient à tout prix éviter les erreurs commises après la Première Guerre mondiale et organiser la restructuration de l’Europe pour y garantir une époque de paix et de démocratie. L’isolationnisme fut aboli et la Charte des Nations unies symboliquement signée à San Francisco, acte fondateur de l’ONU. Au lieu de répéter l’erreur du Traité de Versailles de blâmer uniquement l’Allemagne pour le déclenchement de la guerre et d’exiger des réparations de guerre, on rejeta l’idée du «plan Morgenthau» des paiements en faveur du «plan Marshall» de l’aide financière de la part de la nouvelle superpuissance. En même temps, celle-ci se prépara à repousser le communisme en craignant en lui un nouveau potentiel de conflits mondiaux, ce qui se justifia au cours des prochaines décennies, mais surtout nourri par une nouvelle politique américaine interventionniste, préventive, conservatrice et agressive.

                Socialement, une exportation de culture, une américanisation se réalisa suite à la guerre, car les soldats américains exportèrent le cinéma d’Hollywood, le jazz et le rock ‘n’ roll, le blue jeans et la nouvelle fraîcheur du rêve américain symbolisée par  «l’American Way of Life». Le pays s’ouvrit à une nouvelle vague d’immigration et devint un centre intellectuel.

                En tout, l’implication des États-Unis dans les deux guerres mondiaux a bâti le chemin envers le développement d’une superpuissance économique et technologique. Influençant la future politique mondiale sur l’idéologie américaine, le pays créa un nouveau multiculturalisme menant plus tard à une mondialisation grandissante suite à la chute du bloc de l’est, le seul concurrent américain considérable. Les guerres n’ont pas seulement transformé les États-Unis, mais les guerres ont surtout permis aux États-Unis de changer le monde et de remplacer l’ancienne hégémonie européenne.

     

    Bibliographie

     

    1.      BARREAU, Jean-Claude et Guillaume Bigot (2005), «Toute l’histoire du monde – de la préhistoire à nos jours», Librairie Arthème Fayard, 416 pages

    2.      LAGELÉE, Guy et Gilles Manceron (1998), «La Conquête mondiale des droits de l’homme», Le Cherche Midi et Éditeur et l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, Paris, 537 pages

    3.      NOUAILHAT, Yves-Henri (2009), «Les États-Unis de 1917 à nos jours», les Éditions Armand Colin, Paris, 192 pages 

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