• 10. Essai sur les théories du constructivisme et du dogmatisme en enseignement (29/11/10)

     

    1.  INTRODUCTION 

                Notre situation d’apprentissage se base sur la théorie du constructivisme d’après Piaget. Une définition fiable et précise de Domenico Masciotra qui se trouve dans le numéro 143 de la revue «Vie pédagogique», organisée par le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, sortie en avril 2007, précise assez bien le fond de cette théorie: «Le constructivisme est une posture épistémologique qui prétend qu’une personne développe son intelligence et construit ses connaissances en action et en situation et par réflexion sur l’action et ses résultats.» Plus loin dans ce même article Masciotra précise que le constructivisme pose la question suivante par rapport au domaine de l’enseignement: «Qu’est-ce que connaître?». La théorie donne en même temps la réponse à cette question qui est la suivante: «Connaître, c’est s’adapter au nouveau, c’est une question d’intelligence des situations nouvelles».

    Selon Piaget lui-même, l’intelligence «n’est qu’un terme générique désignant les formes supérieures d’organisation ou d’équilibre des structurations cognitives». Cela est, selon lui, une adaptation mentale, un instrument indispensable pour effectuer d’une manière efficace des échanges divers entre le sujet sur lequel l’apprentissage est idéalement centré et l’univers qui l’entoure. Pour Piaget, le développement de l’intelligence est un processus graduel qui s’effectue dès la naissance de l’individu et se poursuit par des stades et des sous-stades. Il y a quatre stades principaux dans ce que Piaget appelle le développement cognitif : soit le stade sensorimoteur basé sur les mouvements de l’enfant et ses sensations en lien avec cela qui s’étend de la naissance jusqu’à l’âge d’environ deux ans. Ensuite, Piaget situe le stade préopératoire, se caractérisant par l’avènement du langage et par l’apprentissage des notions de quantité, entre la deuxième année et l’âge de six ou sept ans de l’enfant. La troisième étape est le stade des opérations concrètes qui débute vers l’âge de six ou sept ans et qui se termine à l’âge de onze ou douze ans. Ce stade permet à l’enfant d’envisager des événements survenant en dehors de sa propre vie en conceptualisant et créant des raisonnements logiques au fur et à mesure. Le dernier stade de l’âge de onze ou douze ans jusqu’à l’âge de quinze ans est appelé le stade des opérations formelles par Piaget et prévoit la création de raisonnements hypothético-déductifs ainsi que l’établissement de relations plus ou moins abstraites. À l’âge de quinze ans, l’adolescent atteint le même niveau que l’adulte et peut utiliser une logique formelle et abstraite et il est supposé d’avoir développé un certain sens moral. Piaget distingue ainsi très généralement les différents stades et suppose qu’il faut avoir terminé chaque stade avant de pouvoir débuter un autre, ce qui est selon nous une vision un peu trop généralisée et simplifiée du développement de l’enfant et des situations d’apprentissage.

    2.  LE CONSTRUCTIVISME

                Le constructivisme met le sujet au cœur du processus et crée un processus d’assimilation et d’accommodation ainsi qu’une abstraction réfléchissante. Cette théorie développée originalement par Piaget était une réaction au behaviorisme qui limitait selon Piaget trop l’apprentissage à l’association stimulus-réponse. Elle vise à prioriser les activités pratiques face à la théorie et la reconstruction de la réalité. Le but est d’atteindre une compréhension à partir des représentations plus anciennes d’événements passés, c’est-à-dire une restructuration conceptuelle et perpétuelle à travers les expériences et connaissances de l’élève.

    3.  NOTRE ACTIVITÉ

                Notre activité présente deux nouveaux sujets, soit la propagande et la falsification de l’histoire. Le cours se déroule au deuxième cycle de l’école secondaire au Québec dans le domaine de l’univers social et plus spécifiquement la discipline de l’histoire et donc juste après la fin du développement du stade des opérations formelles. Les adolescents visés par l’activité ont donc les mêmes capacités intellectuelles que les adultes selon Piaget et on peut ainsi se baser sur leurs capacités d’utiliser des logiques formelles et abstraites. Les bases antérieures des élèves sont ainsi essentielles pour réaliser notre activité, les élèves devront selon Piaget être capables de créer des liens entre les nouveaux sujets et leurs connaissances antérieures tout en pouvant se situer d’une manière empathique dans un contexte historique précis vu auparavant.

                Notre équipe introduit les deux sujets par des moyens techniques visuels après avoir réalisé une courte introduction avec les mots-clés et les bases générales avant chacune des deux parties. Le but est de confronter les élèves à quelque chose de nouveau qu’ils peuvent résoudre grâce à leurs connaissances antérieures. Ce qui est nouveau dans notre cours pour les élèves sont non seulement les termes théoriques, mais surtout les exemples pratiques, soient trois affiches de propagande ainsi que trois photos modifiées. À la fin, le but est aussi de connecter les exemples historiques avec des exemples plus personnels et actuels comme l’affiche de propagande touchant les Canadiens et surtout la photo modifiée trouvée sur le site d’internet de Radio-Canada en faisant ainsi aussi un lien avec les compétences transversales sur lesquelles l’actuel Programme de formation de l’école québécoise se base beaucoup.

                En voyant par exemple l’affiche de propagande, «Le juif éternel» réalisée par la propagande de l’Allemagne nazie, les élèves font face à une affiche qu’ils n’avaient pas vue auparavant écrite dans une langue qu’ils ne connaissent pas. Ceci est l’acte de la déstabilisation des élèves. Mais vu que les élèves reconnaissent certains symboles et qu’ils voient une date en bas de l’affiche de propagande, parfois aussi grâce aux indices subtils donnés par les présentateurs pour des affiches moins évidentes ou connues comme l’affiche de propagande de la Corée du Nord, ils font vite référence à leurs connaissances antérieures et saisissent assez vite qui a réalisé cette affiche et dans quel contexte. Ceci est le processus de la reconstruction de la réalité. L’objet visé est d’interroger les élèves et de les initier à chercher les réponses aux questions par eux-mêmes en amorçant ainsi un mouvement perpétuel à l’aide d’une approche développementale dans un processus d’assimilation et d’accommodation. Idéalement, l’activité aurait duré encore plus longtemps et on se serait encore plus centré sur le questionnement et le processus qui aurait mis les élèves au centre de leurs propres apprentissages, mais on ne disposait que de vingt-cinq minutes pour cette présentation.

    4.  POINTS FORTS, POINTS FAIBLES DU CONSTRUCTIVISME

                Selon nous, l’activité s’est généralement bien déroulée. Les élèves se sont basés sur leurs connaissances antérieures, par exemple, savoir que Staline avait fait les Grandes Purges durant les années 1930 qui visait à faire taire ou disparaître ses opposants politiques réels ou supposés en Union soviétique pour saisir le sens des photos historiques qui ont été modifiées pour effacer la présence de ses concurrents politiques tels que Léon Trotski. Dans certains cas, les élèves disposaient de peu de connaissances antérieures, par exemple en lien avec l’affiche de propagande de la Corée du Nord, et nous étions obligés de poser des questions détaillées et d’expliquer les sujets d’une manière plus large pour amorcer des réflexions d’une manière plus guidée et moins centrée sur les élèves eux-mêmes. Peut-être que nous aurions dû choisir des exemples plus évidents et faciles pour introduire le nouveau sujet et nous avons peut-être eu une vision un peu trop large qui s’éloigne de l’essentiel. Par contre, même dans de tels cas plus compliqués qui prenaient plus de temps que prévu pour être expliqués, les élèves ont participé activement surtout grâce aux diverses questions posées par notre groupe et aussi grâce au fait que les enseignants se sont des fois déplacés vers certains élèves pour captiver leur attention et pour rendre le cours plus dynamique et personnel. Nous étions donc flexibles et nous avons ajusté notre enseignement en fonction des besoins des élèves d’une manière pratique et directe, ce qui était selon de diverses rétroactions un des points les plus forts de notre activité. Vu que la participation en classe était quand-même bonne et que les élèves faisaient preuve d’un certain intérêt envers notre activité, cela nous démontre que notre approche était réalisée d’une manière dynamique et compréhensible. Nous avons réussi à avoir l’attention et la concentration de nos pairs et nous avons contrôlé la situation en éprouvant une bonne gestion de classe par le moyen de la participation interactive plutôt que par le moyen d’un encadrement stricte et sévère.

    Par rapport au constructivisme, on peut dire qu'il lui manque un aspect social, c'est-à-dire qu'il ne tient pas compte de l'interaction de l'élève avec ses pairs. Le constructivisme, permet aussi une meilleure acquisition des connaissances. Plutôt que leurs donner les réponses, nous les faisons chercher, ceux qui ont interagit avec nous risquent beaucoup plus de se souvenir de ce que nous avons parlé que ceux qui n'ont fait qu'être des spectateurs. Par contre, si ceux qui assistaient à notre présentation orale n'avaient pas été réceptifs, n'avaient pas voulu participer, et bien l'activité ne serait pas allée bien loin. Donc, le constructivisme ne peut fonctionner qu’à la condition que les gens coopèrent ou participent.

                Si l’on voulait approfondir l’approche constructiviste, nous aurions encore plus dû intégrer les élèves dans nos présentations en posant davantage de questions et en nous laissant poser des questions également. Une approche socioconstructiviste selon laquelle nous aurions pu placer les élèves en équipes pour analyser certaines images de notre diaporama en s’échangeant ensuite lors d’une table ronde ou lors d’une présentation des résultats de chaque équipe aurait ajouté une autre dimension à notre situation d’apprentissage. Les élèves ne se seraient pas seulement échangés avec nous en tant qu’enseignants, mais aussi avec leurs pairs pour avoir encore plus de perspectives et opinions en effectuant des raisonnements et discussions plus complexes. L’apprentissage de nouveaux sujets aurait encore été plus personnalisé et profond et cette option nous aurait pu aider à faire participer tous les élèves de la classe tandis que notre approche purement constructiviste a désavantagé les élèves plus calmes et timides qui n’aiment pas parler devant toute la classe. Si on avait disposé de plus de temps pour nos présentations, une telle approche socioconstructiviste aurait probablement été encore plus efficace que l’approche constructiviste.

    5.  LE MODÈLE DOGMATIQUE

                Si l’on veut opposer le constructivisme avec une méthode de penser, l’on peut imaginer ce genre d’activité dans une situation dogmatisme. Le dogmatisme est une doctrine selon laquelle l'esprit humain serait capable de connaître la vérité telle qu'elle est en elle-même, indépendamment de notre représentation personnelle. En d’autres termes, c’est une vérité absolue que l’on peut atteindre au moyen de la raison. La nature obéit à des lois et ces lois ne changent pas. Les phénomènes et leurs lois sont les seuls objets de la science positive. Ces lois gouvernent les phénomènes.  

                La connaissance que nous avons de ces lois peut changer puisqu’une connaissance reconnue par tous peut cesser d'être tenue pour vraie si un fait nouveau vient la contredire. Cependant, notre confiance dans la vérité de la science n'en est nullement ébranlée. Pratiquement, nous affirmons les lois de la physique ou de l’histoire comme étant véridiques et «dans le roc». Mais en réalité nous savons qu’il est impossible de démontrer la vérité à priori, de la déduire de principes absolus. C’est en lien avec nos capacités intellectuelles que la vérité change. Puisqu’elle est immuable, notre perception n’est pas toujours adéquate.

                L’activité devient alors inutile et se présente plutôt comme une liste de faits s’ayant passés que nous devons mémoriser. Le fait est aperçu en tant que vérité prouvée et découverte par d’autres. L’élève devrait alors apprendre que les faits sont testés et vérifier et non se questionner sur leur fondement. L’importance serait donnée aux dates ainsi qu’à la situation historique plutôt qu’à la controverse des images ou des messages voulant être donnés. Au lieu de placer ces messages en contexte, ils seront tout simplement notés comme des exemples pour une propagande sans que l’élève ne puisse en connaitre plus. Vu que le dogmatisme ne laisse pas place aux ambiguïtés, l’enseignant transmet directement les faits et résultats aux élèves sans que ceux-ci fassent des réflexions ou encore il manipule les facteurs de son cours d’une telle manière que tous les élèves arrivent au résultat ultimement souhaité.

    6.     POINTS FORTS, POINTS FAIBLES DU DOGMATISME

    Une lacune importance du dogmatisme est qu'il ne permet pas de stimuler le développement de la pensée critique, aspect important visé par le programme de formation de l'école moderne du Québec. Le dogmatisme fait ainsi preuve d’intransigeance, d’autoritarisme et même d’étroitesse d’esprit et de raideur. Les élèves n’apprennent que des résultats statiques au lieu de vraiment saisir le sujet et de toucher les étapes franchises pour atteindre de tels résultats. Il s’agit ici d’un apprentissage par cœur et de la répétition et ce sont des processus superficiels et dirigés. Pour la plupart des cas, l’apprentissage dans un contexte dogmatique ne serait pas aussi profond et personnel que celui dans un contexte constructiviste où l’élève a soi-même participé à la recherche et l’élaboration d’une solution. En employant un enseignement dogmatique, il est impossible d’aider les jeunes à devenir des citoyens critiques, conscients et indépendants. Un enseignement dogmatique, si on en abuse ou si on l’utilise d’une manière très planifiée et précise, peut également être dangereux et créer des préjugés. Un tel enseignement est souvent établi dans des pays dirigés par certains groupes ou certaines personnes autoritaires tels que des dictateurs.

    L’apprentissage dogmatique s’applique idéalement seulement à l’apprentissage de certains faits constants qui sont difficiles à expliquer ou à saisir par les élèves. Pour avancer par exemple dans une démarche complexe, nous devrions plutôt accepter certains faits sans les mettre fréquemment en question car ce processus demande beaucoup de temps et dépense également beaucoup d’énergie. On acceptant ainsi certains aspects comme des vérités absolues, nous serions en mesure de trouver une solution précise à un problème qui serait normalement difficilement approchable.

    S’il fallait trouver un avantage au dogmatisme, il y aurait bien le fait que la gestion de classe est plus prévisible et peut-être plus facile puisque l'autorité de l'enseignant du côté du contenu est indiscutable. Il n'y a donc pas de dispersions probables dues à la discussion avec les élèves dans la transmission de la matière au programme. Un cours dogmatique se passe ainsi généralement vite et sans complications. Il se laisse facilement organiser tandis qu’un cours constructiviste prend beaucoup plus de temps, demande un certain niveau d’empathie de la part de l’enseignant et exige une recherche plus profonde, diversifiée et adaptée au groupe-classe dynamique.

     

    BIBLIOGRAPHIE

     

    JODRA, Serge, « Idées et Méthodes : Dogmatisme » 2004 Page vue le 3 novembre 2010 [http://www.cosmovisions.com/Dogmatisme.htm]

    DUMÉRY, Henri (professeur de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre) « Dogmatisme » Encyclopedia Universalis 2010 Page vue le 3 novembre 2010 [http://www.universalis.fr/encyclopedie/dogmatisme/]  

    GOUPIL, Georgette et Guy Lusignan, «Apprentissage et enseignement en milieu scolaire», pages 50 à 52, éditions Gaëtan Morin, Chenelière Éducation, 1993, Montréal (Québec), Canada

    MACIOTRA, Domenico, «Le constructivisme en termes simples», révue «Vie pédagogique», pages 48 à 52, numéro 143, avril 2007, Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Montréal (Québec), Canada

    « 09. Comment intégrer les personnes ayant le syndrome d'Asperger dans les classes régulières (08/11/10)11. Bilan des compétences de mon deuxième stage au baccalauréat en enseignement secondaire (09/12/10) »
    Partager via Gmail Delicious Technorati Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks